Jean Tirole et le « contrat de travail
unique »
Lors d’une conférence
de presse à Toulouse, le nouveau prix Nobel d’économie a exposé ses idées pour
lutter contre le chômage : un « contrat de travail unique » et une
« taxe sur les licenciements ».
Le gouvernement
français s’est félicité du Nobel de Tirole comme s’il s’agissait d’une victoire
nationale du type équipe de football ; mais Hollande et Valls
connaissent-ils l’œuvre de Tirole ? On en doute tant celle-ci est en
contradiction frontale avec la politique économique de la France.
Tout d’abord, s’il est
vrai que Tirole dirige un Institut universitaire à Toulouse, celui-ci est un
oasis qui échappe au contrôle de l’Éducation nationale, parce qu’il est financé
par des entreprises privées de la région ; ce qui permet à Tirole de suivre
le modèle américain, de recruter qui il veut au prix du marché mondial. Son
école s’appelle Toulouse School of Economics (TSE), ce n’est pas par hasard.
Par ailleurs, Tirole est de formation américaine autant que française, au MIT
de Boston où il passe toujours la moitié de l’année. La science économique
n’est pas une science nationale, ce que démontre brillamment Tirole.
Outre ses travaux
mathématiques sur les relations inter-industrielles qui lui ont valu le Prix
attendu depuis des années, un chef-d’œuvre scientifique, Tirole est également
un pionnier dans la réflexion contre le chômage : il est l’auteur (avec
Olivier Blanchard du MIT) d’une remarquable proposition appelée Contrat de
travail unique.
Tirole constate que la
quasi-impossibilité de licencier en France fait que l’on licencie peu, tant les
tribunaux sanctionnent les patrons et qu’en conséquence, on recrute encore
moins : les entreprises sont donc moins productives et le chômage des jeunes
augmente. Pour en sortir, Tirole propose de restaurer le droit de licencier
librement (sauf cas de harcèlement notoire ou pour grossesse par
exemple) ; ce droit de licencier restaurerait le désir de recruter.
Mais Tirole reconnaît
que le licenciement pèse sur la société : il faut bien financer
l’assurance chômage. Il suggère donc un impôt sur le licenciement proportionnel
au temps nécessaire au licencié pour retrouver un emploi. Ceci inciterait les
patrons à aider les licenciés à se recaser vite. Pour éviter les abus, l’impôt
sur le licenciement serait plafonné à six mois de salaire, une formule qui
existe dans certains États américains. Les tribunaux n’auraient plus à
intervenir dans les licenciements, les patrons connaîtraient par avance le coût
d’un licenciement, alors qu’il est aujourd’hui aléatoire.
Le projet Tirole
combine donc la liberté d’entreprendre avec l’équité sociale. Mais aucun parti,
aucun gouvernement, n’a jamais examiné le projet Tirole. Ce serait une vraie
réforme avec de vrais résultats, le contraire des discours incantatoires.
Craignons que le Nobel ne suffira pas à faire entendre Tirole.
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