Fin de la liberté
d’expression
Xavier Gorce : de la fin de la liberté d’expression au
nouveau délit de blasphème
La liberté d’expression s’amoindrit considérablement en France. Il est plus inquiétant encore que l’opinion publique suive cette tendance en concrétisant un nouveau délit de blasphème contre la bien-pensance.
Le dessinateur Xavier
Gorce a récemment été victime de l’un des maux de notre époque : la censure. L’outrecuidant a osé dépeindre dans les pages du
journal Le Monde une caricature dans laquelle un personnage
déclame :
Si j’ai été abusée par le demi-frère adoptif de la
compagne de mon père transgenre devenu ma mère, est-ce un inceste ?
Grand mal lui en a
pris. Très vite, les procès d’intention se sont lancés. Très vite, il a été
accusé de minimiser l’inceste. Très vite, il a été accusé de transphobie par diverses associations LGBT. Très vite, le
directeur de rédaction du journal s’est empressé de présenter ses excuses. Très
vite, Le Monde a cessé d’être Charlie.
Cela est significatif
de la déliquescence à laquelle est confrontée l’une de nos plus belles libertés
: la liberté
d’expression. On peut la caractériser comme étant
le droit reconnu à l’individu de faire connaître le produit de sa propre
activité intellectuelle à son entourage.
L’article 11 de la Déclaration des
droits de l’Homme de 1789 énonce :
La libre communication des pensées et des opinions est
un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler,
écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les
cas déterminés par la loi.
La loi sur la liberté de la presse de
1881 consacre pleinement ce principe en lui
prévoyant néanmoins quelques exceptions notables : injure, diffamation, appel à
la commission d’un crime ou d’un délit.
La loi Pleven de 1972 lui a inséré une nouvelle limite en instaurant un
nouveau délit : le délit de provocation publique à la haine raciale.
La loi Gayssot de 1990 poursuit cette tendance en prévoyant des sanctions
pénales à l’encontre de ceux dont l’opinion irait à l’encontre de celle émise
par le tribunal de Nuremberg.
La loi Taubira de 2001 tendant à
la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre
l’humanité accentue encore ce mouvement en cloisonnant davantage cette liberté.
Il est inutile de citer toutes les
initiatives législatives restreignant ce droit tant ces dernières sont
nombreuses.
Il est toutefois possible d’établir une
autre conséquence concrète de ces divers textes : la généralisation des
habilitations conférées aux associations à exercer les droits reconnus à la
partie civile à raison de certaines infractions portant atteinte aux intérêts
qu’ils défendent. Laquelle entraîne par voie de conséquence une « privatisation
» de l’action publique au détriment de la liberté d’expression.
En effet, n’importe quelle association
LGBT peut se porter partie civile avec l’accord de la victime présumée de
propos homophobes, à la seule condition qu’elle soit régulièrement constituée
depuis au moins cinq ans à la date des faits.
Fort heureusement, le régime répressif
est privilégié concernant les abus du droit d’expression, ce qui signifie
concrètement que la sanction sera postérieure aux propos outrepassant les
limites légales.
Néanmoins,
depuis l’ordonnance
Dieudonné de 2014 du Conseil d’État un doute
subsiste quant à la pérennité de cette règle de principe. En effet, la Haute
assemblée a admis l’interdiction, à titre préventif, d’un spectacle où il existait un doute raisonnable que
soient commis des infractions aux lois mémorielles. Jack Lang lui-même, par
ailleurs agrégé de droit public, s’est ému de cette jurisprudence en estimant à
juste titre qu’elle constituait une profonde régression des libertés
fondamentales.
Ce bref panorama tout
à fait non exhaustif de lois et jurisprudences amène à la conclusion
suivante : la
liberté d’expression s’amoindrit considérablement en France. Il est plus inquiétant encore que l’opinion publique
suive cette tendance métapolitique et juridique en concrétisant un nouveau
délit de blasphème : le blasphème contre la bien-pensance.
Le cas Xavier Gorce qui a dû
démissionner pour préserver sa liberté et son honneur, valide cette hypothèse.
Qui aurait pu croire que le pays de Voltaire en viendrait à tolérer de telles
atteintes à la satire ? Qui diantre aurait pu croire que l’humour serait si
sévèrement sanctionné non pas uniquement juridiquement mais également
socialement ?
Nous revoilà donc au temps de la Ligue
pour la vertu avec de nouveaux fanatiques.
Source contrepoints.org
Par Adnan Valibhay
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