Faceboock… La découverte d'un monde virtuel
Vers 23 heures, le
père a été alerté par les copines de sa fille, âgée de 19 ans. Perdu dans la
forêt Internet, inquiet de ne plus réussir à joindre son enfant depuis des
heures, comme il habite en province et elle à Paris pour ses études et le
boulot, et ne sachant plus quoi faire, il a alerté le SAMU de son secteur qui a
basculé l’appel au SAMU de Paris (c’est une interconnexion très efficace de
tous les centres d’appels en France). Elle a, comme il est à la mode
actuellement, une page Facebook (FB). Sur son mur, c’est-à-dire sur sa page,
elle inscrit sa vie, elle met tout, ses joies et ses états d’âme. Elle a plus
de mille «amis FB» mais n’en connaît au maximum que 10 %. C’est le jeu de ce
réseau dit social, reflet de la solitude, frénésie du mot «like» pour aimer et
être aimé dans une version très discutable de la relation humaine.
Mais la réalité
emporte tout, car elle souffre depuis quelque temps, et, ce soir, elle a écrit
un message sur sa page pour dire qu’elle allait «arrêter sa vie». Comme elle ne
répondait plus au téléphone, son père a préféré alerter les secours: ce sont eux
qui sortent du mythe de l’imaginaire créé par FB.
Toutes les détresses,
toutes les joies, les vérités ou les mensonges, tout peut se passer et se dire
sur FB, et c’est bien là le danger. La confiance quasi aveugle que certaines et
certains utilisateurs y mettent, même transitoirement, peut être redoutable et
rendre addict à ce nouveau moyen de communication inventé par le progrès humain
mais qu’il va falloir humaniser. Car la volonté de mourir annoncée par une
personne n’a pas à être «likée» ou «partagée», ni «commentée», il faut l’aider
! Mais comment faire lorsque la personne est à des centaines ou des milliers de
kilomètres et que le seul lien qu’on a avec elle est Internet ?
- Facebook ou la dictature d'un faux monde
En cinq ans, tout
semble avoir été bouleversé par ces réseaux sociaux. L’assistance à personne en
danger va devoir y être imposée, comme la reconnaissance de la violation de la
vie privée, de l’espionnage et du harcèlement par les pervers ou les érotomanes,
qui ont trouvé un terrain idéal pour torturer leurs proies.
Le problème est de
savoir si nous devons considérer ces appels sur les réseaux sociaux comme de
véritables alertes ? La réponse est oui. Avec les faits divers récents (comme
en Angleterre), nous devons agir malgré le vide juridique complet sur ce genre
de cas, le doute bénéficiant au malade. En envoyant les pompiers pour
l’ouverture de porte et une équipe du SAMU, certains hurleront au gâchis du
service public. Tant pis. À l’arrivée sur place, la porte était fermée. Avec la
grande échelle, un pompier est passé par la fenêtre et il a ouvert la porte.
Elle sombrait doucement dans la mort, avec tous les médicaments qu’elle avait
absorbés. Elle a été sauvée et le père pleurait de joie au téléphone.
Dans une lettre
laissée à côté d’elle, il y avait le désespoir de la perte de son emploi, une
aventure de cul qui avait mal fini, pas d’amour en vue, et, comme seul lien
pour rompre la solitude, Facebook. Sur sa table, son ordinateur était posé et
la police a regardé les commentaires écrits par certains de ses «amis FB» : ils
allaient de la compas- sion à des mots effroyables pour l’encourager à se tuer.
Ce ne sont pas
uniquement les réseaux sociaux qu’il faut accuser, mais le législateur, qui a
laissé se développer une zone de non-droit qui a pris en quelques années une
dimension essentielle, notamment chez les jeunes, qui ont justement le besoin
de communiquer.
Elle a été sauvée. Son
père nous a écrit pour nous remercier, ce qui est très rare. Dans la conclusion
de sa lettre, il disait qu’il a fermé la page FB de sa fille... Mais ça ne sera
pas suffisant pour qu’elle aille mieux.
Par : Patrick Pelloux
Source charliehebdo.fr
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