mardi 27 août 2013

Billets-La découverte d'un monde virtuel


Faceboock… La découverte d'un monde virtuel
Vers 23 heures, le père a été alerté par les copines de sa fille, âgée de 19 ans. Perdu dans la forêt Internet, inquiet de ne plus réussir à joindre son enfant depuis des heures, comme il habite en province et elle à Paris pour ses études et le boulot, et ne sachant plus quoi faire, il a alerté le SAMU de son secteur qui a basculé l’appel au SAMU de Paris (c’est une interconnexion très efficace de tous les centres d’appels en France). Elle a, comme il est à la mode actuellement, une page Facebook (FB). Sur son mur, c’est-à-dire sur sa page, elle inscrit sa vie, elle met tout, ses joies et ses états d’âme. Elle a plus de mille «amis FB» mais n’en connaît au maximum que 10 %. C’est le jeu de ce réseau dit social, reflet de la solitude, frénésie du mot «like» pour aimer et être aimé dans une version très discutable de la relation humaine.

Mais la réalité emporte tout, car elle souffre depuis quelque temps, et, ce soir, elle a écrit un message sur sa page pour dire qu’elle allait «arrêter sa vie». Comme elle ne répondait plus au téléphone, son père a préféré alerter les secours: ce sont eux qui sortent du mythe de l’imaginaire créé par FB.
Toutes les détresses, toutes les joies, les vérités ou les mensonges, tout peut se passer et se dire sur FB, et c’est bien là le danger. La confiance quasi aveugle que certaines et certains utilisateurs y mettent, même transitoirement, peut être redoutable et rendre addict à ce nouveau moyen de communication inventé par le progrès humain mais qu’il va falloir humaniser. Car la volonté de mourir annoncée par une personne n’a pas à être «likée» ou «partagée», ni «commentée», il faut l’aider ! Mais comment faire lorsque la personne est à des centaines ou des milliers de kilomètres et que le seul lien qu’on a avec elle est Internet ?
  • Facebook ou la dictature d'un faux monde
En cinq ans, tout semble avoir été bouleversé par ces réseaux sociaux. L’assistance à personne en danger va devoir y être imposée, comme la reconnaissance de la violation de la vie privée, de l’espionnage et du harcèlement par les pervers ou les érotomanes, qui ont trouvé un terrain idéal pour torturer leurs proies.
Le problème est de savoir si nous devons considérer ces appels sur les réseaux sociaux comme de véritables alertes ? La réponse est oui. Avec les faits divers récents (comme en Angleterre), nous devons agir malgré le vide juridique complet sur ce genre de cas, le doute bénéficiant au malade. En envoyant les pompiers pour l’ouverture de porte et une équipe du SAMU, certains hurleront au gâchis du service public. Tant pis. À l’arrivée sur place, la porte était fermée. Avec la grande échelle, un pompier est passé par la fenêtre et il a ouvert la porte. Elle sombrait doucement dans la mort, avec tous les médicaments qu’elle avait absorbés. Elle a été sauvée et le père pleurait de joie au téléphone.

Dans une lettre laissée à côté d’elle, il y avait le désespoir de la perte de son emploi, une aventure de cul qui avait mal fini, pas d’amour en vue, et, comme seul lien pour rompre la solitude, Facebook. Sur sa table, son ordinateur était posé et la police a regardé les commentaires écrits par certains de ses «amis FB» : ils allaient de la compas- sion à des mots effroyables pour l’encourager à se tuer.
Ce ne sont pas uniquement les réseaux sociaux qu’il faut accuser, mais le législateur, qui a laissé se développer une zone de non-droit qui a pris en quelques années une dimension essentielle, notamment chez les jeunes, qui ont justement le besoin de communiquer.
Elle a été sauvée. Son père nous a écrit pour nous remercier, ce qui est très rare. Dans la conclusion de sa lettre, il disait qu’il a fermé la page FB de sa fille... Mais ça ne sera pas suffisant pour qu’elle aille mieux.

Par : Patrick Pelloux
Source charliehebdo.fr

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