Hold-up sur les comptes courants pour financer
le Livret A !
Lassées de financer la politique
populiste de François Hollande, les banques ont décidé de faire payer à ses
électeurs (et aux autres) le coût faramineux du maintien d’un taux élevé sur le
Livret A.
J’en
conviens, parler de « taux élevé » pour qualifier un rendement de
0,75% par an, cela peut sembler provocateur. Mais dans le contexte de taux
directeurs nuls, voire négatifs, qui perdure en France depuis quasiment le
début de l’année 2016, même une aussi faible rémunération reste excessive.
Surtout que le Livret A constitue le premier produit d’épargne liquide des
ménages avec environ 260 milliards d’euros placés sur ces comptes défiscalisés.
Le Livret A coûte de l’argent aux
banques
Révisable
deux fois par an, au 1er février et au 1er août, le taux du Livret A doit
en théorie suivre une formule de calcul basée sur l’indice des prix et le
niveau des taux interbancaires courts (Euribor à 3 mois, par exemple). Avec ce
système, le taux d’intérêt du Livret A devrait se situer aux alentours de 0,4 à
0,5% par an.
Or il a
été maintenu artificiellement à 0,75% par le gouvernement Valls pour des
raisons que certains supposent largement électoralistes. Mais cette différence
doit bien être financée par quelqu’un et, jusqu’ici, les banques n’avaient
d’autre choix que de mettre la main au portefeuille pour servir des intérêts
qui leur faisaient perdre de l’argent à chaque décollecte.
Et des
décollectes, il y en a eu pour 12 milliards d’euros net l’an dernier. Autant
dire que les banques n’apprécient que très moyennement la perspective de devoir
perdre de l’argent sur un placement dont elles ne peuvent en outre pas vraiment
disposer comme elles le souhaitent. En effet, depuis un décret du 16 mars 2011,
les banques sont tenues de rediriger 65% de ce qu’elles collectent sur les
Livrets A vers la Caisse des dépôts et consignations, laquelle investit ensuite
massivement ces sommes sur les marchés financiers pour le compte de l’État (une
partie sert tout de même à financer des programmes de logements sociaux ainsi
que de politique de la ville). Quant aux 35% restants, ils sont théoriquement
destinés à financer les PME françaises, et c’est même à cette seule condition
qu’une banque peut conserver cette part d’épargne réglementée dans son bilan.
Un Livret A qui fait courir un
risque aux banques
Ainsi,
avec un encours de 260 milliards d’euros et une différence de 0,25% entre le
taux théorique et le taux réel, le risque s’élève tout de même à la coquette
somme de 650 millions d’euros à la charge des banques ! Tout cela, on l’a dit
plus haut, sans pouvoir réellement compenser avec d’éventuels gains tirés d’une
utilisation des fonds placés, puisque ça leur est quasiment interdit. C’est
pourquoi il n’est franchement pas surprenant que ces mêmes banques aient
récemment annoncé une revalorisation des frais appliqués aux usagers à partir
du 1er janvier prochain.
D’aucuns n’y ont vu qu’un simple ajustement leur
permettant de faire face au manque à gagner engendré par les taux bas, mais
c’est oublier un peu vite la politique de quantitative easing mise en place par
la BCE qui a déjà inondé le marché bancaire européen de 1000 milliards
d’euros en 18 mois. Non, l’explication est
ailleurs, et la coïncidence avec une éventuelle provision correspondant au
surcoût du Livret A est pour le moins troublante. Jugez-en plutôt.
Une France qui va payer sa forte
bancarisation
Les
Français sont un peuple particulièrement bancarisé, avec plus de 99% des
citoyens possédant au moins un compte bancaire. Les seuls comptes courants sont
au nombre de 71 millions, soit plus d’un par individu. L’an prochain, leurs
titulaires verront le montant de leurs frais de gestion augmenter en moyenne de
6 euros par an et par compte, soit une confortable trésorerie supplémentaires
de 426 millions d’euros pour les banques.
À ces
frais, vont s’ajouter une hausse du prix des cartes bancaires (+ 10% en
moyenne, soit 280 millions d’euros), ainsi que des commissions d’intervention
et même des surcoûts en cas de retrait aux distributeurs automatiques des
autres banques. Au total, on atteint (et on dépasse même) très facilement les
700 millions d’euros, autant dire de quoi financer largement l’excès de
rendement du livret A tout en se ménageant une petite marge de sécurité de 10%
au cas où les taux ne remonteraient pas aussi vite que prévu.
Surtout qu’avec le risque accru de voir s’évanouir
leurs économies placées en assurance-vie, certains
épargnants pourraient bien être tentés de remettre provisoirement leur pécule
sur une valeur sure et garantie depuis 200 ans : le Livret A.
Source contrepoints.org
Photo Piggy bank By: Images Money – CC BY 2.0
Par Anthony Alberti.
Anthony Alberti
Entrepreneur depuis vingt ans dans le domaine de la
communication et l'information stratégique, il a été amené à travailler
plusieurs fois en partenariat avec des banques et des assurances, dont la
principale matière d'œuvre était constituée de l'argent des épargnants. Peu
complaisant à l'égard de leurs pratiques dont il a entrevu les coulisses, il
délivre aujourd'hui régulièrement son analyse sans concession sur les
agissements des professionnels de la finance, et de tous ceux qui, de près ou
de loin, se font les auteurs ou les complices des manipulations qui spolient
chaque jour un peu plus les honnêtes citoyens.
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