Pas de duel Hollande/Sarkozy en 2017
Alors comme ça, pour la première fois depuis 2012,
l’ancien président de la République a accepté une invitation de son successeur,
afin d’être présent dans une cérémonie officielle ? Il parait que Hollande et
Sarkozy ont besoin l’un de l’autre. L’un, en dépit des sondages qui le
donnent perdant dans tous les cas, pense que le rejet que suscite Sarkozy,
y compris à droite, y compris chez les patrons, lui permettra quand même de
s’assurer une victoire au deuxième tour, et l’autre imagine que rappeler son
ancien rôle de président de la République (ce que Hollande, obsédé par son
ancien adversaire, ne cesse de faire, au lieu de travailler et d’appliquer son
programme de 2012) lui permettra de gagner la primaire des Républicains, et
donc d’être en situation d’être l’adversaire de la droite face au PS.
Pourtant, dans leur petit jeu, tous les deux,
aussi bien François Sarkozy que Nicolas Hollande, ont juste oublié un
« petit » détail, les Français ne veulent plus d’eux, ni maintenant,
ni en 2017, et ce pour plusieurs raisons.
Échec de l’un
Si Sarkozy a perdu en
2012, c’est parce qu’il a été au pouvoir entre 2007 et 2012, et que les
Français ont donc eu cinq ans pour juger. Et qu’ont-ils vu ? De la
social-démocratie de droite : hausse de la dépense publique, création ou
relèvement de 51 taxes et impôts, des milliers de lois votées, parfois
contradictoires, certaines liberticides. En outre, en cinq ans, la diplomatie a
été brouillonne, et en dépit de la gestion unanimement reconnue de la crise
géorgienne ou de la présidence française de l’UE, les Français n’ont pas
compris où Sarkozy voulait emmener la France. Il faut dire que quand on essaie
de trouver un point d’équilibre entre Henri Guaino et Christine Lagarde, c’est
mission impossible. Même dans les domaines dans lesquels Sarkozy se présentait
comme un champion, la sécurité par exemple, l’échec était patent.
On peut donc
clairement parler d’échec de Sarkozy. Et qu’il ne vienne pas nous dire que la
crise de 2009 explique pourquoi la France a vu sa dette publique exploser et
ses dépenses progresser. D’autres pays voisins, comme l’Allemagne, le Royaume
Uni, la Pologne, les Pays Bas, la Suisse ou même l’Espagne ont su faire des
efforts et s’abstenir de se demander ce qu’auraient fait Keynes, Jaurès ou
Marx.
Mensonges de l’autre
Hollande, le maire de
Tulle, le secrétaire général du Parti Socialiste, n’était pas le candidat
préféré du PS. Ses camarades et « amis » Fabius, Royal, Valls ou
Aubry le tenaient en piètre estime (« il
ne fout rien », « c’est flou, il y a un loup », « qu’a t-il
fait en 30 ans »). Mais à la faveur des événements, il est quand
même devenu le candidat de la gauche. Et qu’a-t-il fait, pendant sa campagne ?
Il a menti. Il a d’abord menti à la gauche, en affirmant que la finance était
son ennemie, pendant que le trésorier de campagne gérait ses investissements
aux Caïmans.
Il a ensuite menti aux
français, leur promettant un pays apaisé, alors qu’il rendait hommage aux
communistes, préparait le mariage pour tous ou avait en tête des lois
liberticides (Loi Renseignement). Il a aussi menti en affirmant qu’il allait
tourner la page du bling bling et du sarkozysme. Trois ans plus tard, on sait
ce qu’il en est. Une actrice se sert de l’Élysée pour ses rendez-vous
professionnels, la Lanterne a bien été annexée par le locataire de l’Élysée,
qui se sert de Air Sarko One pour voyager, quand il ne se rend pas dans des
restaurants hors de prix à coté desquels le Fouquet’s est un kebab de quartier.
Quant au changement, on repassera : non seulement la France est toujours dans
l’OTAN, mais le chef de l’État est tout simplement celui qui aura lancé les
armées françaises dans un nombre record de pays. Du coté de l’économie, nul
besoin de commenter, entre la courbe du chômage qui ne veut jamais s’inverser,
ou la croissance atone en dépit du fameux « alignement des
planètes ».
Incompétence des deux
Il apparaît clairement
que tant Hollande que Sarkozy se montrent donc incapables d’affronter le réel :
la France dépense trop d’argent, il faut réduire la dépense publique. Ils se
montrent également peu désireux de répondre à l’idéal de liberté des Français,
qui veulent de plus en plus que l’État leur fiche la paix, tout simplement.
Enfin, dans le cadre de l’exécution de leur politique, pour peu qu’on admette
qu’ils croient à leurs promesses, les deux ont souffert d’un problème de
cohérence de majorité.
Division de leurs camps
Comment peut-on
trouver dans le même parti Nadine Morano et Philippe Douste-Blazy ? Benoit
Hamon et Malek Boutih ? Henri Guaino et Hervé Novelli ? Martine Aubry et
Christophe Caresche ? Tant que, pour des raisons d’allégeance tactique à une
écurie présidentielle, conséquence directe de la prééminence du chef de l’État
en France, des politiciens choisiront de travailler pour les partis politiques
dont ils ne partagent pas les valeurs, comment voulez-vous que des Présidents
de la République, qui doivent bien s’appuyer sur une majorité, puissent
gouverner de manière cohérente ? Notons que cette absence de clarification ne
concerne pas que Les Républicains ou le Parti Socialiste. On a aussi du mal à
voir le rapport entre Marine Le Pen et Marion Maréchal le Pen, ou entre les
différentes factions de l’extrême-gauche.
Mais alors, puisque
Hollande et Sarkozy sont nuls, du fait de leurs qualités propres ou du système
politique, qui pour 2017 ?
Peut-on éviter ce mauvais film, Hollande vs Sarkozy, remake de
2012 ?
Soit on considère
pertinent de renouveler de tels duels, soit on les rejette.
Dans le premier cas,
les candidats ne manquent pas. À droite, tout n’est pas à rejeter. Malgré son lourd passif en tant que Premier
ministre pendant cinq ans (création de l’exit tax, par exemple ?), François
Fillon a enfin pris conscience de la nécessité d’un choc thatchérien pour la
France. Quant à Hervé Mariton, russophone mais pas Poutinolâtre, polytechnicien
mais pas pédant, fidèle dans ses valeurs (plutôt libéral en économie,
conservateur au plan sociétal), il mérite tout simplement de représenter les
Républicains, de par sa parfaite adhésion aux valeurs conservatrices.
N’oublions pas, également, Christine Lagarde, ou même Valérie Pécresse (adoubée
par les élites mondiales). Au PS aussi, il y a des personnalités dignes
d’intérêt et qui méritent de porter les couleurs de leur parti : Bertrand
Delanoë, l’ancien maire de Paris, en fait partie, ainsi que Malek Boutih, lui
qui tient un discours parfois intéressant, notamment sur la jeunesse et
l’entrepreneuriat. Et quid de Daniel Cohn-Bendit, s’il arrive à faire oublier
les taches de son parcours, ce qui n’est pas gagné.
Dans le deuxième cas,
la France réalise que le poison présidentiel dénature tout le processus
politique, comme l’a si bien analysé la journaliste Ghislaine Ottenheimer. Une
des limites de la Vème République, c’est le fait qu’un seul homme concentre
entre ses mains trop de pouvoirs, de la gestion des affaires internes de son
parti à celle de la diplomatie du pays, ce qui relève plus de la monarchie
absolue que d’autre chose. L’exception culturelle française, c’est que le chef
de l’État est aussi de facto le chef du gouvernement (tendance accélérée avec
le quinquennat), alors que chez nos voisins, par ailleurs très souvent des
monarchies constitutionnelles (Belgique, Luxembourg, Pays Bas, Royaume Uni,
Suède, Espagne), le souverain n’a que peu de pouvoirs, et le Premier ministre
gouverne après avoir mené un parti à la victoire aux législatives.
Dans ce deuxième cas,
il y a plusieurs options. La plus radicale serait que nous devenions à nouveau
une monarchie. Les modalités pratiques d’un tel changement (approbation de la
modification de la Constitution), sans parler de la querelle dynastique entre
les Orléanistes et les Légitimistes, rendent l’idée non réaliste. L’autre
option serait que les Français cessent d’adhérer à l’idée d’un ou d’une
président(e) de la République omnipotent(e) pour qui l’élection au suffrage
universel direct équivaut au Sacre de Reims. Dès lors, les Français pourraient
se tourner vers des personnalités modérées et rassembleuses pour qui l’objectif
n’est pas l’accaparement de tous les pouvoirs mais au contraire le respect du
principe de subsidiarité, la recherche de la proportionnelle au parlement et la
quête d’un équilibre entre des régions fortes et une Europe fédéralisée. Des
personnalités comme Hervé Morin, François Bayrou ou Sylvie Goulard
pourraient-elles être en mesure de porter un tel projet ?
On dit souvent que les
peuples ont les politiciens qu’ils méritent. Dans un cadre malgré tout
démocratique, comme celui de la France, c’est d’autant plus vrai. En effet, ni
Hollande ni Sarkozy ne sont tombés du ciel. Il y a bien eu des gens pour voter
pour eux, à un moment. La première étape pour éviter un duel Hollande/Sarkozy
en 2017 est donc de récupérer le pouvoir que nous avons abandonné au politique.
Source contrepoints.org
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