Connaissez-vous votre vrai salaire ?
Redonner aux salariés la totalité de
leur salaire leur permettrait de mieux comprendre ce qu’on leur cache.
Le salaire brut est
une fiction. Il n’y a, en matière de rémunération des salariés, que
trois choses qui existent : le « superbrut » qui
sort de la poche de votre employeur, le net qui arrive dans votre poche à la
fin du mois et, au milieu, un ensemble de cotisations obligatoires dont un bon
paquet de taxes. Le brut est une fiction parce que la distinction qui est faite
sur votre bulletin de paie entre cotisations dites « salariales » et
cotisations dites « patronales » n’a absolument aucune forme de réalité. Si
vous faites partie de celles et ceux qui croient que les cotisations «
salariales » sont payées par les salariés tandis que les cotisations «
patronales » sont payées par les patrons, je ne saurais que trop vous inciter à
lire cet excellent papier de Julien sur Ecopublix. C’est une fable et aucun économiste, toutes obédiences confondues,
n’oserait affirmer le contraire.
Partant, la question qui se pose naturellement est de
savoir par quelle sorte de miracle cette aberration existe. Sincèrement, je
n’en sais absolument rien. Il est tout à fait possible, malheureusement, que le
législateur de l’époque ait cru à cette fiction et que depuis personne n’ait
jugé utile de revenir dessus. Et pourtant, c’est essentiel parce que cette
distinction imaginaire a un effet extraordinairement néfaste : elle masque
le coût réel de notre système social aux yeux du
plus grand nombre ce qui, dans un pays qui se veut démocratique, est tout
simplement inadmissible.
Entendez-moi bien : je ne porte ici aucun jugement sur
les coûts et bénéfices dudit modèle social.
J’ai, bien sûr, mon opinion sur la question mais elle n’a pas sa place ici : je
dis simplement qu’on ne peut pas demander aux citoyens de ce pays de se
prononcer sur un tel choix collectif s’ils ne sont pas en mesure de
savoir ce que ça leur coûte vraiment. Ce n’est pas
admissible. Quelles que soient vos préférences politiques, que vous soyez un
fervent partisan de notre modèle social ou le plus acharné de ses détracteurs,
il y a au moins un point sur lequel nous devrions tous être d’accord : une
démocratie ne peut fonctionner que si les citoyens disposent des éléments qui
leur permettent de se faire une opinion.
Or voilà, j’observe que l’immense majorité de nos
concitoyens croit dur comme fer que c’est bien leur patron qui paie les
cotisations dites patronales et j’observe que ces dernières sont de 60% à plus
de 110% plus élevées que les cotisations prétendues « salariales »
(sauf en cas de réduction
Fillon). Concrètement, ça signifie que
l’immense majorité de nos compatriotes sont convaincus que notre modèle social
ne leur coûte finalement pas grand-chose alors qu’en réalité, on leur
cache de 60% à 70% de son coût en leur faisant
croire que « c’est le patron qui paye ».
Il faut mettre fin à cette mauvaise farce et, comme je
doute fort que notre personnel politique ait ne serait-ce que le dixième du
courage qu’il faudrait avoir pour dire enfin la vérité aux gens, j’ai une
petite suggestion que je souhaite ici adresser aux chefs d’entreprises
françaises et ainsi qu’à leurs représentants sur la scène publique (si
quelqu’un pouvait faire suivre à Pierre Gattaz
par exemple…). L’idée est très simple : proposez de prendre à votre charge
l’intégralité des charges dites salariales.
C’est bête comme chou, ça ne coûte rien (à la limite, ça
va même peut être vous permettre de faire des économies sur le traitement des
bulletins de salaire) et ça va enfin permettre de mettre les choses au clair :
un « superbrut », un net et un modèle social. Cerise sur le gâteau : ça nous
donnera aussi l’occasion d’observer avec délice les trésors d’ingéniosité que
ne manqueront pas de développer celles et ceux qui, pour des raisons
parfaitement inavouables, ne veulent surtout pas que les
électeurs-contribuables sachent.
Source contrepoints.org
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