Réseaux sociaux… les jeunots à la rescousse des seniors
De plus en plus d’entreprises demandent aux jeunes
employés d’aider leurs collègues dans l’utilisation des réseaux sociaux. Non
sans difficulté.
Entre les
jeunes d’une vingtaine d’années familiers des réseaux sociaux et les cadres
d’un âge plus avancé, fâchés avec la technologie, la fracture numérique sur les
lieux de travail est de plus en plus grande. Pour remédier à ce problème, un
nombre croissant d’entreprises recourent au “tutorat inversé” en faisant
travailler de jeunes employés avec des collègues plus âgés pour développer les
compétences technologiques de ces derniers.
Les
binômes ne fonctionnent pas toujours : ils peuvent être intimidants pour les
jeunes tuteurs et embarrassants pour leurs aînés, parfois gênés de révéler leur
faible niveau de connaissances. Rebecca Kaufman, une community manager de 24
ans qui est chargée de communication numérique chez MasterCard depuis deux ans
raconte qu’elle a été “terriblement intimidée” quand
on lui a demandé d’être la tutrice d’un cadre supérieur de 50 ans, Ron Garrow.
La jeune
femme fréquentait les réseaux sociaux depuis une dizaine d’années, mais la
perspective d’aider un cadre de haut niveau à se familiariser avec ces
nouvelles technologies était assez effrayante. Deux rencontres, l’une en
décembre et l’autre en janvier, ont eu lieu dans le bureau du senior. Le cadre
a facilement accepté la première proposition de sa tutrice : augmenter la
fréquence de ses visites sur le réseau LinkedIn en s’y rendant non plus chaque
semaine mais chaque jour, et commencer à partager des articles avec ses
contacts.
Mais il a
été plus réfractaire à l’idée d’utiliser Twitter. L’importance d’éviter toute
déclaration publique pouvant s’avérer dangereuse était d’autant plus ancrée en
lui qu’il avait travaillé dans deux grandes compagnies bancaires pendant
vingt-six ans avant de rejoindre MasterCard en 2010. Dans ce milieu, les cadres
supérieurs devaient “obtenir une multitude
d’approbations” avant de pouvoir s’exprimer en public. “Psychologiquement, les 140 caractères étaient aussi
très intimidants”, précise Ron Garrow.
La jeune
femme l’a encouragé à surmonter ses réticences en lui présentant Twitter comme “un univers entièrement nouveau, qui vous permet
d’avoir des contacts avec tous les gens qui vous intéressent”. Quand
elle lui a demandé “Comment souhaitez-vous vous
positionner sur le réseau ?” il n’a pas su quoi répondre. Père de quatre
enfants âgés de 14 à 26 ans, Ron Garrow s’est dit avec humilité : “Elle a 24 ans, l’âge de mes enfants, et je dépends
totalement d’elle.” Comprenant que la réputation de ce cadre supérieur
était en jeu, Rebecca a fait quelques recherches pour l’aider à identifier des
experts en ressources humaines et des auteurs influents sur les réseaux
sociaux.
Ron Garrow
a ouvert un compte Twitter, a créé son profil et s’est exercé à utiliser le
site. Sa tutrice l’a aidé à formuler ses premiers tweets. Lors d’une visite à
l’université du Michigan, en juin, il a voulu twitter une photo d’un collègue
et de lui-même en compagnie d’étudiants de MBA. Il a envoyé à la jeune femme un
courriel sibyllin renfermant la description, rédigée à la hâte, d’une opération
complexe – la simulation par des étudiants d’une séance d’information organisée
par une entreprise pour des investisseurs –, en ajoutant ces mots : “Je voudrais le twitter, mais je ne sais pas
comment.” Elle lui a proposé une autre formulation, lui-même a réécrit
le message et a twitté la photo en quelques minutes.
- Premiers pas sur Twitter
A l’issue
de cinq mois de collaboration, Ron Garrow totalise 2 352 contacts sur LinkedIn,
vérifie son compte Twitter 8 à 10 fois par jour, suit les comptes de 109
utilisateurs et envoie une cinquantaine de tweets par mois. Rebecca l’a
félicité quand il a dépassé les 400 followers et elle a salué le score
supérieur à la moyenne de 45 qu’il a obtenu sur Klout, un site de classement
des utilisateurs en fonction de leur influence sur les réseaux sociaux, en
soulignant : “C’est presque la moitié de celui
d’Obama.” Elle continue néanmoins de l’encourager à twitter sur des
sujets personnels. Le cadre avoue que sa fille Clare, 14 ans, trouve ses tweets
ennuyeux.
Mais,
selon lui, le partage d’informations personnelles en ligne “nous place dans des situations inconfortables”.
Récemment, lors d’une sortie à New York avec sa femme Dana, il a commencé à
rédiger un tweet mais s’est aussitôt interrompu car il n’était “pas encore prêt à franchir cette ligne”. Le
binôme a eu à surmonter des différences générationnelles. Dernièrement, alors
qu’ils rentraient en voiture d’une conférence, Rebecca était en train de
travailler sur son Smartphone quand Ron Garrow a entamé une conversation sur la
carrière de la jeune femme. Après avoir discuté un moment avec lui, elle s’est
penchée à nouveau sur son téléphone.
Elle
reconnaît avoir apprécié l’intérêt qu’il lui portait et n’a pas remarqué sa
gêne. De son côté, le cadre a trouvé que le comportement de Rebecca “était un peu maladroit”. A l’âge de la jeune
femme, il aurait cherché à faire bonne impression sur un cadre supérieur. “Je me suis dit qu’elle se conduisait exactement
comme ma fille, quand elle monte dans la voiture et qu’elle ne me parle pas,
occupée à envoyer des textos à ses copines, à regarder son compte Instagram ou
à aller sur Facebook”, dit-il. Résigné à rencontrer des différences dans
le mode de travail et les relations avec les supérieurs, il s’est dit : “Eh bien, moi aussi, je vais consulter mon iPhone.”
Dessin de Mix & Remix paru dans L’Hebdo, Lausanne.
Source Courrier International
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