Expo Mapplethorpe au Grand Palais
S’il y a bien des photos exceptionnelles au
sens fort du terme, ce sont justement celles-là. (Attention, article avec des
images #NSFW)
Mapplethorpe, c'est LE
photographe PD SM du New York des années 1980, mort du sida en 1989. On a tous
en tête ses photos de fleurs et de pénis: Man
in a polyester suit par exemple: le portrait d’une bite noire qui sort
de la braguette d’un mec en costard dont on ne voit pas le visage; ses photos
de mecs, de pratiques et d’accessoires SM et son fameux autoportrait où on le
voit de dos, en chaps, se rentrer un manche de fouet dans le cul et nous lancer
un regard bien acéré par dessus l’épaule.
Dit comme ça, ça fait
presque documentaire et c’est tant mieux. Je le fais exprès pour contrer
l’habillage de l’expo, avec une scénographie made in France qui vise à tirer
l’underground vers le haut, remplacer la subculture par la haute culture et
canoniser le grand artiste. Je cite le dossier de presse:
«L'enjeu de cette expo est de montrer que Maplethorpe est un
grand artiste classique.»
Pourquoi pas européen
tant qu’on y est?
Du coup, on a droit
dès l’entrée à toute une série de photos de sculptures grecques qui nous
hissent hors de la boue new-yorkaise, des clubs SM et du Gay Liberation Front des années 1970. Hum. Et
comme si ça ne suffisait pas, l’expo nous sort une section féminine
compensatrice présentée comme indispensable: «les femmes de Mapplethorpe».
Elles ne se bouculent pas au portillon, les femmes de Mapplethorpe. Ils en ont
trouvé que deux: Patti Smith et la très obscure Lisa Lyon. Mais faut croire
qu’elles comptent pour mille vu que ce sont «ses muses».
M'est avis que
Mapplethorpe avait franchement d’autres sources d’inspiration. Mais, je cite le
catalogue:
«Elles permettent d’aborder le thème de la féminité et de
voir un aspect moins connu de l’œuvre.»
Alors c’est vrai que
Patti Smith a passé pas mal de temps à traîner dans le Village et au Chelsea
Hotel avec Mapplethorpe avant qu’il réponde à l’appel du sexe gay et sado maso.
Elle le raconte très bien dans Just Kids,
son livre sur leur relation et le New York des années 1960-70.
Mais justement,
c’était avant Stonewall, leur bohème à deux. Et en matière de féminité, c’est
drôle de voir que les autoportraits du photographe en drag –sublimes– comptent
pour du beurre.
Le clou si l’on peut
dire, c’est la section «Eros» –pas «Porno»– interdite aux moins de 18 ans
et enkystée comme une darkroom au centre
de l’expo. Pas trop grande, je vous rassure. C’est tout de même fascinant de
voir que la bite au repos, c’est de l’art donc c’est ok dans les autres
sections de l’expo mais qu’un sexe en érection va direct en enfer. Avec bien
sûr toutes les photos SM mais attention, l’expo est fist free.
Or s’il y a bien des
photos exceptionnelles au sens fort du terme, ce sont justement celles-là. Je
pense notamment à Double fist fuck, [ci-contre] une photo de 1978, où l’on voit
deux bras plongés dans le cul d’un homme. Ces photos visibilisent la nouvelle
pratique sexuelle du XXe siècle inventée par les pédés.
Elles témoignent de la
transformation radicale de la masculinité américaine dans les années 1970,
affectée –pour ne pas dire infectée– par une subculture gaie qui a fait naître
un puissant sentiment collectif. Ce n’est pas pour rien qu’elle détourne les grands
classiques de la virilité nationale avec le cow-boy et les chaps pour le cul.
Comme le rappelle la sublime photo du cowboy,
bite pendante, Victor Huston de 1979. Ce que je trouve franchement
problématique dans une expo au Grand Palais, surtout quand
on connaît son directeur.
Maintenant vous pouvez
y aller! Il faut y aller parce qu’il y a quand même 250 photos dont les
polaroïds qu’il faisait dans les années 1970. Perso, j’aurais aimé qu’il ait
plus de ses collages aussi. Mais souvenez-vous que vous allez payer pour voir
et ne pas voir.
Exposition Mapplethorpe à Madrid en 2007. REUTERS/Susana Vera
Source slate.fr
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