L’horreur fiscale
Pourquoi l’horreur fiscale ? Parce que la
véritable rafle fiscale à laquelle les Français sont soumis depuis deux-trois
ans – 84 impôts nouveaux, générant 60 milliards d’euros de recettes
supplémentaires – ne sert à rien, ni à boucher les trous publics, ni à
stopper la dette publique, encore moins à la réduire. Les Français ont donc
raison d’être en colère et ils sont de plus en plus nombreux à voter avec leurs
pieds.
Les auteurs rappellent
qu’en vertu de l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen de 1789 « les citoyens ont le
droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de
la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et
d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée ».
En fait le
consentement à l’impôt a toujours été tacite en France. A-t-on jamais
directement demandé aux citoyens leur avis sur le sujet ? Peuvent-ils seulement
compter sur leurs représentants pour se faire entendre et les défendre, puisque
ce n’est pas leur intérêt ? « Le pacte
social doit être solide pour que les citoyens acceptent de payer l’impôt »
remarquent les auteurs, sans préciser qui, parmi les dits citoyens, a jamais
signé ce pacte…
Quoi qu’il en soit, ne
serait-ce que depuis 1789 jusqu’à nos jours, l’Histoire montre que « la créativité fiscale est depuis fort
longtemps une spécialité française » et qu’une fois un impôt
adopté, il souffre de nombreuses exceptions, ce qui le rend opaque… Il existe
ainsi aujourd’hui 460 dispositions fiscales « dérogatoires »,
les fameuses « niches »…
Cette créativité
exceptionnelle française se traduit dans les chiffres. La France est numéro 1
pour les prélèvements obligatoires : 45% du PIB en 2012 et 46,3% probables en
2013…
Cette créativité est
débordante et furtive. Quatre exemples récents le prouvent :
- la cotisation employeur des complémentaires de santé a été rajoutée subrepticement au salaire imposable de l’employé, au moment même où avoir une complémentaire santé est devenu obligatoire,
- l’exonération d’impôt sur le revenu des majorations de retraite ou de pension pour charges de famille a été supprimée en douce,
- le plafond du quotient familial a été une nouvelle fois abaissé (à ce train-là, il n’en restera bientôt plus rien),
- les taux de TVA ont été augmentés…
La TVA et la CSG,
toutes deux inventions françaises, sont les deux impôts furtifs qui rapportent
le plus : « Silence on tond ! »,
disent les auteurs. Car leurs augmentations sont discrètes et efficaces. (La
CSG est tellement discrète que tout en étant un impôt, elle ne figure pas dans
les recettes de l’État, et pour cause : elle est versée à l’URSSAF, l’organisme
de recouvrement de la sécurité sociale…)
Si les citoyens sont
accablés d’impôts, les entreprises ne sont pas de reste avec les 153 taxes qui
les frappent et les tuent… L’impôt de solidarité sur la fortune, ISF, et les
droits de transmission, sont un autre moyen fiscal de tuer les entreprises familiales,
pas toujours lentement, mais en tout cas sûrement, en s’en prenant à leurs
dirigeants, à leurs actionnaires et à leurs héritiers…
Les auteurs révèlent
que, pas de chance pour les Français, François Hollande est le roi des gabelous
: « Cet ancien professeur d’économie est
un fanatique des questions fiscales depuis qu’il est tout petit ou
presque. » Et comme il n’aime pas les riches, il a, par exemple,
fait surtaxer l’ISF. Comme, pour la première fois depuis vingt-cinq ans, cet
impôt n’était plus plafonné, le résultat a été à la hauteur des espérances de
les ruiner nourries par le Président français : « En
2012, 8.000 foyers fiscaux ont payé plus de 100% de leurs revenus en impôts,
9.910 ont été imposés à plus de 85%, et 11.960 à plus de 75%… »
Cette créativité, qui
est celle, entre autres, des 6.000 fonctionnaires de Bercy, cette bâtisse de
verre qui abrite sept ministères, se traduit par une production de lois et de
textes qui n’a pas d’équivalent ailleurs : « Le
Code général des impôts compte plus de 4.000 articles. Connaître la règle
applicable à un cas particulier suppose en outre de se référer aux 40.000 pages
de circulaires et instructions fiscales diverses. »
Cette prolifération de
réglementations est évidemment pain béni pour les 5.000 vérificateurs qui
multiplient, comme à plaisir (sadique ?), les contrôles fiscaux dans les
entreprises de l’hexagone. Et cette hyperactivité vérificatrice rapporte gros :
« En 2012, les contrôles fiscaux ont
rapporté à l’État 18 milliards d’impôts, soit 21% de plus qu’en 2011! » Les
chefs d’entreprise se plaignent de cette croissance folle des contrôles
fiscaux, comme ils se plaignent à juste titre de l’incertitude de
l’environnement fiscal, qui les empêche de programmer investissements et
projets de développement à moyen et à long terme.
L’administration
centrale n’est pas la seule à dépenser sans compter. Les collectivités locales
itou. Certes l’État leur a transféré certaines des dépenses sociales qui lui
incombaient jusque-là, tel que le financement du RSA, l’aide sociale à
l’enfance ou l’aide aux personnes handicapées sans en transférer toutes les
ressources correspondantes. Mais les dites collectivités locales n’ont pas
cherché pour autant à diminuer leurs dépenses de personnel, au contraire : « Le mille-feuille [territorial] se porte bien.
Il est même crémeux à souhait : les « produits fiscaux locaux » ont
ainsi augmenté de 170% entre 1982 et 2012 (en euros constants), alors que la
population n’augmentait que de 20%. Sur les seules dix dernières années la
hausse a été de 40%, alors que le PIB ne progressait que de 10,6%. » L’endettement
dudit mille-feuille s’en est suivi : « L’alerte
endettement a déjà viré au rouge vif, puisqu’il s’élève à 154 milliards
d’euros, soit 10% de la dette publique globale.« …
Cette horreur fiscale
généralisée provoque non seulement la colère de ceux qui restent ou leur
renoncement à se battre, mais elle justifie pleinement la décision de ceux
qui partent et qui ont quelques biens à sauver du désastre : « Chaque durcissement de la fiscalité française
sur le patrimoine a entraîné sa vague d’exilés. » La chasse aux
« mauvais Français » – ceux
qui partent – a été ouverte, mais, l’arsenal répressif renforcé contre eux
(notamment l’exit tax), n’a pas dissuadé
tous les plus fortunés d’entre eux de fuir l’enfer fiscal qu’est devenue la
France pour les cieux plus cléments de la Belgique et de la Suisse.
Londres, avec ses
300.000 résidents français, est « devenue
la sixième ville française » et porte bien son surnom de
Paris-sur-Tamise et, parmi ces résidents français, il y a nombre de petits
patrons : « Un climat délétère pour les
affaires, une fiscalité jugée confiscatoire, des lourdeurs administratives, le
sentiment d’être les mal-aimés du gouvernement Hollande ont poussé les
« Pigeons » à traverser la Manche. » Le Portugal est la
destination tendance des retraités : ils y sont exonérés d’impôt sur le revenu
s’ils n’ont pas été résidents pendant les cinq années précédant leur arrivée…
Inévitablement le
travail au noir et la fraude sont souvent la contrepartie de cet « assommoir fiscal »…
Sylvie Hattemer et
Irène Inchauspé semblent attachées à une certaine forme d’État-providence.
Comme ce qui a été fait en matière fiscale en France n’a pas réussi à empêcher
déficit et dette d’être des puits sans fond, elles ont étudié comment des pays
s’en sont sortis. Tous les pays qui s’en sont sortis, ou qui sont en bonne voie
de l’être, ont joué sur les leviers d’augmentation des recettes et de
diminution des dépenses, dans des proportions diverses. Mais, quel que soit le
pays, les dépenses ont diminué davantage que les recettes n’ont
augmenté. À cet égard l’exemple de la révolution suédoise est éloquent.
Il y a quelque vingt
ans, la situation de la Suède était aussi catastrophique que celle de la France
aujourd’hui. En cinq ans la Suède a recréé les conditions d’une spirale
vertueuse :
- augmentation légère des impôts sur les ménages et diminution de l’impôt sur les sociétés,
- réorganisation de l’administration en 13 ministères et 300 agences, où ont été transférées de nombreuses missions de l’État avec obligations de résultat et d’équilibre budgétaire,
- privatisations d’un grand nombre de fonctions,
- réduction de moitié du nombre des fonctionnaires,
- réduction à deux échelons, communes et régions, du mille-feuille administratif,
- privatisation de l’hôtellerie des hôpitaux,
- introduction d’une dose de capitalisation dans le système de retraite,
- déréglementation de tous les transports en commun.
À la fin de leur
livre, les auteurs exposent quelles conditions, selon elles, sont requises pour
parvenir à recréer en France une telle spirale vertueuse et elles proposent une
mesure exceptionnelle pour l’amorcer, avec pour objectif de ne pas détruire le
système français de prestations sociales. Mais est-ce bien raisonnable de
vouloir le conserver, au lieu de chercher du côté de voies alternatives et
libérales ?
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