Marcel Rufo, chroniqueur infantilisant
Il comprend tout, il excuse tout, psychologise
à outrance. Mais quelle mouche a piqué France Inter d'inviter un pédopsychiatre
au petit-dej ?
Vous avez beau l'éviter autant que possible, Marcel
Rufo, comme l'enfance, finit toujours par vous
rattraper un jour. Depuis mi-février, le pédo-psychiatre polymédiatique impose
aux auditeurs de France Inter une très étrange consultation, chaque
matin, à 8h40, juste après la revue de presse. C'est
un moment gênant, confus, qui donne l'impression que votre grand-père a fait
intrusion dans le studio pour rabâcher ses vieilles histoires. Il recycle
d'anciennes chroniques, puis s'égare en parlant de rugby, de rougets à l'huile
d'olive, de balades à la tombée de la nuit...
Françoise Dolto proposait de s'adresser aux enfants comme à des adultes.
Rufo, c'est l'inverse : il vous parle comme si vous aviez 8 ans, expliquant
qu'il n'est pas si grave de «
tricher à l'école » ou qu'on « ne peut pas bien travailler le ventre
vide ». Merci papy ! Parfois, on sent Patrick
Cohen un peu fébrile sur ses relances : « Mais pourquoi cet intérêt pour les dinosaures, Marcel ? » (on imagine, à côté, le rictus des chroniqueurs Thomas
Legrand ou Bernard Guetta).
Difficile de savoir pourquoi France Inter a recruté
ce professeur de bon sens, surtout à cet horaire voué
à l'actualité chaude. Pour rassurer, entre deux infos déprimantes, l'enfant que
chaque auditeur cache en lui ? De fait, les chroniques de cet « optimiste bavard » ont ce petit parfum de confiture à l'ancienne enrobant une
madeleine un peu molle. En l'écoutant, il n'est pas impossible que certains
auditeurs se remettent discrètement à sucer leur pouce... Il arrive aussi que
sa chronique soit involontairement plus drôle que la pastille humoristique de
Ben ou de Sophia Aram. Avec des développements
tordus, quasi surréalistes : écoutez celle du 20 février sur la « névrose infantile » des sénateurs !
Bien sûr,
nous n'avons rien contre ce médecin, sans doute excellent praticien à
l'hôpital, dont le travail sur les pathologies des ados a été remarqué (il a
dirigé la Maison de Solenn, à Paris, et ouvert l'Espace méditerranéen de
l'adolescence, à Marseille). Mais la répétition de ses diagnostics minute
calibrés pour le spectacle – sur France 3, France 5, Europe 1 et France Inter –
peut provoquer certains effets secondaires indésirables. Rufo élucubre en roue
libre et tranche trop vite. Oscar Pistorius aurait tué sa petite amie ? C'est
parce qu'il a souffert de son handicap dans son enfance... Jérôme Cahuzac a
menti ? « C'est un homme fragile », un
pauvre boxeur qui se bat contre ses démons intérieurs. En psychologisant à
outrance, Rufo humanise – et donc dédouane. Il y a dans chaque coupable une
ex-victime. Pas de responsabilité politique : la priorité, c'est de consoler le
garçonnet Cahuzac en lui caressant les cheveux.
Nous
sommes un peu injustes, Marcel Rufo défend aussi l'autorité. Dans son dernier
livre, Grands-parents, à vous de jouer
(Anne Carrière), le pédopsychiatre demande aux aïeuls de participer à
l'éducation des enfants. En précisant qu'il faut être discret, imposer une
distance, savoir aussi se faire rare pour rester désirable. Certes, il a
raison, mais pourquoi ne s'écoute-t-il pas lui-même ? Pourquoi avoir accepté
l'exercice d'une chronique radio quotidienne ? Les psys disent souvent qu'il
faut apprendre à dire non. Pourquoi le prurit de notoriété prend-il alors
toujours le dessus ? Pour panser un trauma de l'enfance ? Pauvre Marcel, qui
diagnostique la France entière, alors que c'est lui le symptôme qui nous
inquiète le plus.
Source Télérama
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire