Pandémie : la
route de la servitude numérique
Le «
transhumanisme fascisant » est à nos portes tant au niveau français
qu’européen.
Après la peste et toutes les
pires pandémies qu’a pu connaître notre humanité, le monde a fini par revenir à
la normale et continuer d’avancer. Les technologies sont passées par là,
avec ce qu’elles
représentent en termes de poids économique. Nul ne me contestera que de
nombreux acteurs du secteur ont pu saisir dans cette pandémie une réelle
opportunité de croissance… solutions pour le télétravail, solutions de
surveillances de salariés, mise en place du click and collect, solutions
sanitaire… solution de télétravail alternative : Netflix et autres prestataires
de divertissements en ligne…
Croisez cela avec un principe
de précaution parfois utilisé jusqu’à l’outrance, ce qui est vendu
aujourd’hui à la population mondiale par les gouvernements est ce qui devrait
être un
avant et un après covid. Cette approche induirait ipso facto une sorte
de grand reboot de notre mode de vie d’avant, un grand reboot inéluctable, une
reconfiguration qui aurait prétention à s’imposer dans une sorte de ce que je
nommerai un « transhumanisme fascisant ».
Je m’en explique.
La promotion de la mort zéro
en pandémie
Pour rappel, le
transhumanisme est un mouvement culturel mondial se fondant sur une approche
pluridisciplinaire censée modifier nos limites biologiques. Pour ce faire il
prône l’usage des techniques et des sciences avec pour objectif d’améliorer la
condition humaine. Une amélioration fondée – selon ce même mouvement –
sur l’augmentation des capacités physiques et mentales visant à supprimer ni plus
ni moins le vieillissement et la mort.
C’est bien sur ce point que
le transhumanisme me semble entrer tristement en résonance avec les outrances
du principe de précaution que nous arpentons, la
recherche du risque zéro, et la poursuite illusoire et – dans le cadre de
cette pandémie – de la mort zéro, quitte à instaurer une sorte de non-vie
supposée salvatrice à l’échelle de la planète, une non-vie porteuse de moult
dégâts collatéraux : suicides – entre autres – qui devront un jour être
comptabilisés et intégrés au bilan morbide de cette pandémie.
Lorsque je parle de « transhumanisme fascisant » je mesure pleinement la portée de ce qualificatif. J’emploie à dessein le terme fascisant qui vient souligner le fait qu’il ne s’agit naturellement pas de fascisme à proprement parler, mais de ce que j’identifie comme un variant discret que les historiens se chargeront de qualifier, un variant visant à faire accepter et adhérer par tout moyen la population à une doctrine inlassablement répétée par l’exécutif français et érigée comme une vérité en opposition absolue avec la définition même de ce qui relève d’une doctrine et ce :
Quitte à désigner à la vindicte populaire les récalcitrants à la vaccination jusqu’à vouloir « les emmerder », selon les mots choisis du président de la République française… voire les déchoir de leur nationalité, tout du moins les juger comme en étant parfaitement indignes…
Quitte à qualifier quasi systématiquement toute forme de contre discours fut-il raisonnable et appuyé par des faits… de complotiste, voire à ne pas lui laisser le droit d’exister et à lui ôter le droit de s’exprimer dans une dynamique assumée de cancel culture.
J’emploie donc ce terme fort
dans l’esprit de la définition qu’en donnait Roland Barthes : « le
fascisme ce n’est pas d’empêcher de dire mais d’obliger de dire », une
définition qui, à l’aune de mes observations, mérite d’être revisitée, «
l’empêcher de dire » étant malheureusement d’actualité : retrait
de contenus massifs signalés par de nombreux médias en ligne selon
quels critères ? L’opacité est de mise. Du jamais vu…
Pandémie : à qui profite le
crime ?
Ainsi le mode de vie qui
voudrait être – semble-t-il – pérennisé, niant la possibilité d’un retour à la
normalité et à un usage raisonné et raisonnable des technologies, m’apparait
être davantage au service de l’économie numérique, passant par la datazerisation de
l’humain (pour son confort et sa sécurité). Cette appétence marchande ne pourra
que concourir à un contrôle social hygiéniste et comportementaliste démesuré…
altérant en profondeur une urgence sociétale : la re-création urgente de liens
sociaux distendus qui sont l’essence même de la vie, des liens qui –
durant cette période tragique – ont été pour le moins mis à mal.
Si l’on ajoute à ce que j’évoque que parmi les personnalités certainement les plus influentes de cette planète nous retrouvons Ray Kurzweil, un pape du transhumanisme, embauché par Google comme ingénieur en chef pour faire du moteur de recherche la première intelligence artificielle de l’histoire. Il est depuis 2012 directeur de l’ingénierie chez Google, et aussi brillant soit-il, parce qu’il l’est, je ne pense pas que le « transhumanisme fascisant » qui se met insidieusement en place ne soit pour lui déplaire, ni non plus pour déplaire aux acteurs du numérique qui de par leur situation ont vu leur chiffre d’affaires bondir.
La raison et la déraison
Il n’est pas question dans
mon propos de minimiser la gravité originelle de la pandémie, ni des premiers
variants comme le
variant Delta ! Soyons clair, il n’est pas question de minimiser les
drames engendrés par cette pandémie. Il me semble toutefois utile de rappeler
qu’outre un manque de moyen logistique et humain pour faire face à la première
vague, concomitamment d’une forme d’inversion
des responsabilités faisant du citoyen l’Alpha et l’Omega de la
pandémie.
Deux ans plus tard, la
logique demeure la même sur fond de fermetures de lit, lié entre autres à la
désertion d’un personnel épuisé, ou condamné à une vaccination obligatoire. Une
situation bien éloignée des applaudissements
d’il y a deux ans du même personnel au front et… sans le moindre
moyen.
Oui le covid tue, nous
pouvons escompter que les variants suivants – à l’instar d’omicron
– deviendront moins létaux et qu’un retour à la normalité ne relève
pas de l’utopie… Dans cette configuration optimiste, ne serait-il pas temps de
mettre fin à un contrôle social hygiénique exponentiel ? Sans un retour à
la raison, sans même attendre la possible transformation d’une pandémie
en endémie sans
risque létal majeur, la suite est cependant déjà presque écrite : après le
pass sanitaire, le pass vaccinal, un portefeuille numérique obligatoire est
déjà en approche.
Fantasme ? Alarmisme ? Complotisme. Tant s’en faut : un projet de ce type est déjà dans les cartons de l’Union européenne : l’identité numérique européenne sera accessible aux citoyens, résidents et entreprises de l’Union européenne qui souhaitent s’identifier ou attester certaines informations personnelles. Elle pourra être utilisée pour les services publics et privés, tant en ligne que hors ligne, dans toute l’UE. Chaque citoyen ou résident de l’UE pourra utiliser un portefeuille numérique personnel »
Vers le meilleur pire des
mondes
Que dire…. de ce meilleur
des mondes (sic) en construction ? Si un tel portefeuille devait voir le jour
en dépit de faits objectifs qui se devraient de le faire passer en pertes et
profits, ce dernier pourra potentiellement intégrer des données de santé, des
données bancaires… des données comportementales etc.
Une porte ouverte au
crédit social à la chinoise, avec au bout du bout d’une telle
datazerisation extrême des citoyens un
nouveau monde tristement non dystopique et orwellien, un monde dans
lequel l’individu disposera potentiellement de droits ou de non droits, ces
derniers devenant tributaires de son état de santé et moult autres données
qu’il lui sera impérieusement demandé de communiquer à… big father.
La société que nous voulons
demain est-elle celle-ci ?
Sans une prise de conscience
salvatrice, et une marche arrière toute post pandémie… c’est la société qui se
dessine. Avoir raison avant est sans importance. Je crains fort que si de
Grands Hommes ne mettent un halte-là dicté par la raison au mépris de toute
ambition politique et/ou financière, cette marche arrière soit devenue très
hypothétique tant la crise du covid elle-même a muté pour devenir une arme
politique et un eldorado économique.
Si le monde de demain doit être un contrôle social hygiéniste s’appuyant sur une pensée conforme et hygiéniste, alors oui le « transhumanisme fascisant » est à nos portes tant au niveau français qu’européen.
P.S
Dois-je préciser que je suis vacciné ? Pour que mon propos soit audible par le plus grand nombre, sans être rangé ni dans le camp des complotistes, ni dans le camp des antivax, alors je le précise, je ne suis modestement que dans le camp des chercheuses et des chercheurs. Pour ceux qui en douteraient, la double vaccination n’a aucun effet secondaire sur la raison et l’exercice de l’esprit critique.
Source Contrepoints.org
Par : Yannick Chatelain
Yannick Chatelain est professeur associé et
enseignant-chercheur à Grenoble École de Management et responsable de
GemInsights. Diplômé de Grenoble École de Management, titulaire d’un Doctorat
Business of Administration à l’université de Newcastle-Upon-Tyne, ses travaux
portent sur Internet, le contrôle social, la contre-organisation sociétale et
la liberté d’expression. Expert du Digital, spécialiste du hacking et de la
communauté hacker. Expert auprès de l'UNODC, (Office des Nations unies contre
la drogue et le crime) dans le cadre du programme E4J : The First Expert Group
Meeting to Peer-Review the E4J University Module Series on Cybercrime. Il est
l’auteur de nombreux ouvrages sur le digital marketing, le hacking et la
cybercriminalité. Son dernier ouvrage : "Chroniques du
Technomonde - Les évolutions récentes d'internet. Pour le meilleur ou pour le
pire ?" (10 octobre 2019) est paru aux Éditions Maxima.
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