vendredi 7 janvier 2022

Billets-Les moufles de Bernie, coulisses d'une photo



Les moufles de Bernie, coulisses d'une photo

 

Une image culte. Des milliers de mèmes et un festival de créativité. La photographie du sénateur américain Bernie Sanders, jambes et bras croisés, les mains au chaud dans des moufles en laine un peu trop grandes en pleine cérémonie d'investiture du démocrate Joe Biden mercredi 20 janvier est devenue un phénomène si viral sur internet, où “Bernie” avait déjà bonne presse, qu'elle a écrasé, en popularité, toutes les autres images de ce jour historique. 

 

Bernie s'est soudain retrouvé sur la lune avec Neil Armstrong, à la conférence de Yalta avec Churchill, Staline et Roosevelt, en haut d'un gratte-ciel de New York, les jambes se balançant dans le vide, ou encore en compagnie des protagonistes de Forrest Gump... 

 



L'original, on le doit au photographe de l'AFP Brendan Smialowski. Photographe au bureau de Washington depuis 2012, Brendan n'imaginait pas, évidemment, que cette photographie deviendrait un phénomène planétaire. “Comment aurais-je pu m'en douter?”, dit-il. “Bien sûr, en la prenant, je me suis dit que cela valait la peine, mais au-delà de ça... ?”   

 

Bernie Sanders, 79 ans, est socialiste et fier de l'être dans un pays où ce mot reste décrié. Il a été deux  fois candidat à l'élection présidentielle américaine, sans réussir à se qualifier lors des primaires démocrates.  Pour ses fans, son originalité fait partie de son charme. A tel point que le hashtag #Feelthebern a dépassé #Biden le jour de l'investiture.    

 






La journée avait commencé tôt pour Brendan, l'un des photographes responsables de la couverture de la prestation de serment de Joe Biden, sans doute le jour le plus important de l'année aux Etats-Unis. Il s'était levé à 4h00 du matin, histoire d'arriver à temps pour passer tous les contrôles de sécurité prévus dans le centre-ville, transformé en camp retranché.  

 

Brendan devait couvrir le carré VIP, et avait passé sa matinée les yeux rivés sur les gradins, guettant notamment les moindres faits et gestes des sénateurs républicains Ted Cruz et Josh Hawley, accusés d'avoir encouragé une foule de supporters de Donald Trump à prendre d'assaut le Congrès américain pour empêcher la validation de l'élection de Joe Biden. 

 


(AFP / Olivier Douliery)

 

Quand Brendan a aperçu Sanders, la matinée touchait à sa fin. L'homme politique avait aussi été photographié par Olivier Douliery,  se déplaçant ici et là, mais il était alors installé tranquillement sur une chaise, maintenant la distance de sécurité devenue de rigueur en ces temps de pandémie.

 

“C'était un morceau de vie sympathique. Bernie, égal à lui-même, un homme bien dans sa peau,  facile à percer quand on l'observe. la manière dont il est vêtu à ce moment là, sa parka marron, les moufles, on voit bien qu'il n'est pas là pour un fashion show… Il est juste, au boulot. C'était dans son planning du jour, après il enchainerait sur l'activité suivante”. Click. Brendan a bien cadré sa photo et appuyé sur le déclencheur avant de l'envoyer au desk d'édition. Sans plus.   

 


(AFP / Brendan Smialowski)

 

“C'est une image assez simple finalement. La beauté réside dans la simplicité de cet instant”. En quelques heures, pendant que Brendan continuait à documenter la cérémonie d'investiture du 46e président des Etats-Unis, la photographie a été partagée des milliers de fois, devenant l'un des souvenirs marquants de cette journée. L'image de l'homme et ses moufles trop grandes, reprise et transformée en multiples mèmes, a dépassé en popularité celle de la super star Lady Gaga entonnant l'hymne américain ou encore celle Kamala Harris, première femme vice-présidente des Etats-Unis.   

 

Les gants de Sanders avaient pourtant déjà eu leur petit succès. Des comptes Twitter y étaient consacrés. Mais cet événement planétaire, les a propulsées au rang d'objet culte. C'est une enseignante du Vermont, dans le nord-est des Etats-Unis, Jen Ellis, qui les lui a offertes, après les avoir tricotées elle-même en recyclant de la laine et des bouteilles en plastique. “Il y avait déjà eu des mèmes sur les moufles, j'ai surfé sur une vague déjà existante”, s'amuse Brendan.     

 


(AFP / Saul Loeb)

 

Sur le moment, cependant, c'était pour Brendan une photo de plus de cette journée trépidante où il avait peu de temps pour travailler sur la composition de ses images.

 

Quand il a le temps, Brendan aime réfléchir avant d'appuyer sur le déclencheur, et s'assure que ses photographies racontent une histoire et poussent les gens à réfléchir.  Ce n'est pas le genre de travail que l'on peut faire pendant une cérémonie d'investiture.  “Dans ces cas, je sais que ma mission est avant tout de m'assurer que l'on a de bonnes photographies, puissantes, qui permettent à ceux qui n'assistent pas à la cérémonie d'avoir une idée de son déroulement”. 

Ce n'est pas la première photo virale de Brendan cependant. Peu après l'investure de Donald Trump, il a saisi cet instant où la conseillère Kellyanne Conway, déchaussée, s'est installée comme si elle était chez elle sur un canapé beige du Bureau ovale. Elle vient tout juste de prendre une photo, avec son téléphone portable, des dirigeants des principales universités noires américaines rassemblés par le président.

 


 (AFP / Brendan Smialowski)

 


(AFP / Brendan Smialowski)

 

Une autre image, d'une cycliste faisant un doigt d'honneur au cortège de Donald Trump, Juli Briskman, avait également fait le tour de la toile. 

 

“Ce qui est sympa avec les mèmes de Bernie, c'est qu'ils sont joyeux. Les deux autres photographies ont donné lieu à des commentaires assez désagréables”, avoue Brendan.  La cycliste avait perdu son emploi... mais elle avait finalement obtenu un mandat local un an plus tard.  Que penser des mèmes alors Brendan ? “J'aime que l'on respecte le travail des photojournalistes, mais c'est aussi amusant de voir à quel point les gens peuvent être créatifs !”  

 


Source : https://making-of.afp.com/les-moufles-de-bernie-coulisses-dune-photo>


Brendan Smialowski

Photographe basé à Washington

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Jennie Matthew

Adjointe à la Rédaction en Chef Centrale, Paris

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