Emmanuel Macron, ce faux rebelle
Que la droite se rassure, ce n’est
pas Macron qui la mettra vraiment en danger. Pour le PS en revanche qui est en
train de se choisir un leader grâce à la primaire, c’est une autre histoire…
Ils ont beau faire mine de dédaigner les sondages, la
fièvre commence à monter chez les dignitaires socialistes, frontistes et
républicains à propos de Macron.
Depuis
le fameux roman du prince de Lampedusa, nul n’ignore en effet qu’en politique : « Il faut que tout change pour que rien ne change »
; bref que le discours prétendument révolutionnaire, l’invocation du Grand
soir, sont les meilleurs instruments des oligarchies pour se perpétuer en
faisant croire au peuple que son destin va prendre un nouveau cours.
Macron
est la parfaite illustration de ce principe. Il se gargarise des mots de
progressisme, de changement ou de révolution comme s’il s’agissait d’un bain de
bouche. Et cela semble mordre, on évoque même sa possible élection à la
présidence de la République dans un deuxième tour face à François Fillon.
Bien sûr Macron n’est que le nouvel homme-sandwich de la
caste qui plombe la France depuis quarante ans. Il n’entend s’attaquer à aucun
des trois maux qui nous minent : le corporatisme – notamment celui des grands
corps de l’État -, l’islamisme réactionnaire
et la captation de notre souveraineté par une technostructure européenne qui
nous tient par la dette.
Réflexes nobiliaires de Macron
Rejeton
de l’Inspection des finances, il en a les réflexes nobiliaires. Capitulard face
aux islamistes, il ne veut surtout pas s’en prendre à la prolifération des
accoutrements bigots, symbole de leur avancée dans l’espace public.
Pro-Européen bêlant, il n’envisage que de renforcer les pouvoirs de ces
institutions hors-sol. Là où François Hollande s’accommodait cyniquement de ces
forces, Macron s’en fait le serviteur zélé. Il faut l’entendre saluer la
politique migratoire de Merkel pour comprendre où l’amènent ses vraies
alliances.
Hormis
la référence à des principes aussi généreux que vagues et un jeunisme de
magazine, le projet de Macron se résume à des esquives ou des flatteries
électoralistes. Prenons l’exemple de ce qu’il présente, gauchisant soudain son
discours, comme sa défense de la politique de santé, menacée par une droite
croquemitaine.
Macron,
qui se prétend soucieux de contenir les dépenses publiques, n’y va pas de main
morte : remboursement intégral des soins et appareillages dentaires, auditifs
et opticiens d’ici 2022, prise en charge du traitement de la tension
artérielle, création d’un service sanitaire où tous les étudiants dans le
domaine médical officieraient au moins trois mois en province, doublement du
nombre des maisons de santé en cinq ans, etc. Face à ces très lourdes dépenses,
la seule économie envisagée est la vente au détail des médicaments, une goutte
d’eau difficile à extraire de la fiole des laboratoires. Bref, une démagogie
tout à fait ordinaire.
Bienveillance médiatique envers
Macron
Reste
que la très grande majorité des organes de presse commentent le moindre de ses
déplacements avec bienveillance. Reste aussi que, dans le naufrage du PS,
l’hypothèse que son radeau puisse recueillir les désespérés du socialisme prend
corps peu à peu.
Alors,
faut-il craindre le grand méchant Macron ? Va-t-il réussir un hold-up politique
façon Trump, transformer le trou de souris en boulevard ?
Hé bien
rassurez-vous, tout cela se terminera très probablement par l’atomisation de la
gauche sans que les dégâts de la bombinette Macron ne touchent les autres
partis. Pourquoi ?
S’emparer
du pouvoir en construisant une candidature hors-système nécessite que le
discours tenu soit réellement celui d’une rupture radicale, à la manière de
Trump justement ou naguère de Fujimori au Pérou. Macron ne pourrait trouver,
dans la durée, le carburant pour son moteur politique que s’il tenait des
propos tranchants, en dissidence frontale avec le système aujourd’hui dominant.
Expliquer son programme aux
Français
Il
faudrait par exemple qu’il explique aux Français qu’il va interdire la charia,
sortir de l’euro, supprimer le statut de la fonction publique, tirer les élus
au sort ou, au contraire, proposer la fusion de la France et de l’Allemagne,
ouvrir les frontières à toutes les migrations ou interdire à l’État de
subventionner la presse ou le monde culturel en privatisant France Télévisions.
Scandales,
controverses, éructations… et peut-être victoire au bout d’un parcours
chaotique accompagneraient ces annonces. Bien sûr Macron ne le fera pas car
n’importe laquelle de ces mesures effraierait ses électeurs potentiels. Son
succès sondagier tient à son ambiguïté, il parle de réforme sans rien dire de
gênant pour quiconque.
Malgré
quelques meetings à l’audience en réalité peu significative, il plait surtout,
dans les études d’opinion, à ceux qui ne se mobilisent pas, que les élections
ennuient. Le grand écart, même dans un habit de danseur, ne permet que
l’immobilité. L’attrape-tout ne retient rien. Il finira donc par prendre des
coups sans pouvoir répliquer. Et, s’il le fait, son image de gentil garçon sera
immédiatement altérée.
Bref,
que la droite se rassure, ce n’est pas Macron qui la mettra vraiment en danger.
Pour le PS en revanche, c’est une autre histoire …
Source contrepoints.org
Photo By: OFFICIAL LEWEB PHOTOS – CC BY 2.0
Par Serge Federbusch.
Serge Federbusch est président du Parti des Libertés,
élu conseiller du 10 ème arrondissement de Paris en 2008 et fondateur de
Delanopolis, premier site indépendant d'informations en ligne sur l'actualité
politique parisienne. Serge Federbusch a été successivement conseiller
commercial en Asie, conseiller du maire du Paris pour l'urbanisme et les
transports, directeur général de la Société d'économie mixte du Centre de Paris
(Halles). Il est diplômé de l'IEP de Paris, Maître en droit public, titulaire d'un
DEA d'Histoire et ancien élève de l'ENA.
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