Entretien avec Nesmet Lazar
En 2010 est publié Peut-on encore sauver la
France ? Cet ouvrage consiste en une analyse des différentes causes du déclin
français, et livre un certain nombre de propositions pour y remédier. Fruit
d’un long travail, l’analyse de chaque thème est renforcée par de nombreux
exemples issus des titres de presse de tous bords, ainsi qu’un rappel très
utile et complet des différentes réformes qui se sont empilées. Contrepoints a
rencontré son auteur, Nesmet Lazar.
- Contrepoints : Pouvez-vous présenter votre parcours en quelques mots ?
Nesmet Lazar :
Simple citoyenne issue de la cité civile, je suis née en Algérie. J’ai grandi
dans un milieu défavorisé, avec un père qui s’est beaucoup occupé de mes
études, qui se sont arrêtées tôt car dans l’Algérie coloniale il était
pratiquement impossible pour une « indigène » d’accéder aux études
supérieures.
Jeune femme, j’ai
rencontré une personne qui allait devenir mon mari, et qui a eu une longue
carrière de consultant international. Moi qui n’avais pas fait d’études, j’ai
découvert grâce à lui, dans le détail, des disciplines fondamentales comme les
relations internationales, économiques et diplomatiques.
Suite à sa
disparition, en 2005, j’ai décidé de mettre à profit toutes ces connaissances
et cette expérience pour décrypter et dénoncer les politiques mises en œuvre en
France depuis une quarantaine d’années.
- Contrepoints : Quelle a été l’élément déclencheur de l’écriture de ce livre ?
Nesmet Lazar : La
décision de débuter l’écriture a été prise en septembre 2006. À cette période,
la campagne pour les présidentielles débutait tout juste ; Nicolas Sarkozy
avait déjà clairement fait comprendre qu’il était candidat, et l’ambiance
générale le voyait déjà comme le prochain président de la république française.
En observant les
nombreux débats qui avaient lieu, j’éprouvais une certaine colère de voir que
des sujets fondamentaux n’étaient pas abordés, et je craignais que les erreurs
d’autrefois ne soient une fois de plus reproduites durant le prochain mandat.
Le seul
premier-ministre qui avait laissé la France en bonne santé lors des élections
de 1981 était monsieur Raymond barre puisqu’il n’y avait aucune dette ni
déficit. Aujourd’hui, sa sépulture se trouve au cimetière du Montparnasse et il
n’y a même pas une fleur sur celle-ci. Ne méritait-il pas tout comme Henri
Poincaré une très belle entrée en panthéon ?
- Contrepoints : Selon vous, la première cause du déclin est l’omniprésence de la politique et des politiques dans la vie économique et sociale…
Nesmet Lazar :
Songez pour commencer que nous avons en France 577 députés et 348 sénateurs,
une moyenne de 2 à 3 sous-préfectures par préfecture sachant qu’il y en a
100 (95 en France et 5 en outre-mer), chacune dotée de sa propre
administration, soit au total près de 230 sous-préfectures ; plus de
5.700.000 fonctionnaires, auxquels s’ajoutent les 60.000 enseignants embauchés
à la rentrée scolaire de 2013 etc. À titre de comparaison, il n’y a
que deux sénateurs par État aux États-Unis soit 100 sénateurs. A-t-on besoin
d’un sénat en France ? Évidemment pas. A-t-on besoin de 577 députés alors
qu’aux États-Unis, pays de 350 millions d’habitants, il n’y a que 300
députés ! Mais les réformes successives destinées à « simplifier le
millefeuille administratif » n’ont eu pour conséquence que d’ajouter de
nouvelles bureaucraties locales, sans supprimer les anciennes. Dans notre État
conservateur, dès l’instant où vous donnez du pouvoir même limité à un
individu, il sera très difficile de le lui enlever.
- Contrepoints : Vous pointez également du doigt la mainmise de certains syndicats dans des secteurs clés, qui selon vous pénalise le dynamisme économique…
Nesmet Lazar : Je
remets en cause l’existence même du syndicalisme, précisément quant à son mode
de fonctionnement. J’attends d’eux qu’ils se conduisent comme les
syndicats allemands qui ne détruisent pas les entreprises et les emplois. Il
faut quand même rappeler qu’un syndicat comme la CGT gère un budget de
plusieurs millions d’euros (et plus précisément 400 millions d’euros) via
notamment certains comités d’entreprise. Ces dernières années, d’innombrables
articles et rapports ont dénoncé la très grande opacité des comptes de ce
syndicat, qui possède plusieurs châteaux. Tout cet argent détourné est
directement prélevé dans les finances publiques, puisque 90% du budget de la
CGT provient des prélèvements obligatoires et non des cotisations des adhérents.
Dans mon livre, je rappelle aux consciences de nombreux exemples d’affaires qui
ont défrayé la chronique, et qui auraient dû depuis bien longtemps entrainer la
révolte des citoyens.
Par ailleurs, la CGT,
Force Ouvrière et bien d’autres ont toujours mené la guerre aux patrons,
empêchant la restructuration de nombreuses entreprises, tombées depuis en
faillite. Seule exception à mes yeux, la CFDT qui a parfois adopté une position
plus « responsable », en la personne notamment de Nicole Notat qui, faut-il
faut le préciser, a été l’une des très rares dirigeantes syndicales à avoir
créé elle-même une entreprise.
- Contrepoints : Prônez-vous la suppression des syndicats ?
Nesmet Lazar :
Oui, s’ils se conduisent en prédateurs des entreprises ; seule une réforme
profonde de leur mode de financement et de leur politique peut les faire
échapper à cette exclusion. L’idéal serait de parvenir à terme à un
modèle proche de celui de cogestion allemand, qui n’est rendu possible que par
la convergence des intérêts des syndicats patronaux et de salariés.
- Contrepoints : Pourquoi d’après vous la montée du communautarisme est-elle l’une des causes du déclin français ?
Nesmet Lazar : Au
risque de gêner une partie de vos lecteurs, j’affirme que l’espace public est
devenu en partie un espace de plus en plus communautarisé, et ce bien souvent
avec l’aide directe ou indirecte de l’État. Ainsi il n’est pas rare de
découvrir que l’implantation de tel ou tel lieu de culte a été permise par des
subventions des collectivités locales. À des fins purement électoralistes, des
élus appliquent une politique clientéliste fondée sur des critères ethniques ou
religieux. Or, cela entraîne certaines velléités de la part de groupes
minoritaires mais très actifs. Ce qui a été donné comme un cadeau est vu comme
un dû. Finalement, cela crée des tensions de plus en plus graves au sein du
peuple français ; je ne sais pas comment cela finira.
Je voudrais donner
pour exemple un texte qui a été adopté par les dirigeants helvétiques, il y a
quelques années qui consiste en l’interdiction à tout citoyen helvétique
d’origine étrangère de porter le moindre signe distinctif religieux ; résultat
on ne voit plus toutes ces manifestations illégales, à Genève, Lausanne ou
ailleurs, qui se manifestent chez nous, nous qui vivons dans un pays
laïque !
- Contrepoints : Vous souhaiteriez que la France adopte le principe suisse de votations. Quel en serait d’après vous le principal avantage ?
Nesmet Lazar :
Absolument, car ce système, je répète votation et non pas référendum,
permet à tout citoyen, doté et doué bien entendu de bon sens, de prendre
des dispositions, des responsabilités pour quelque texte que ce soit…
La Suisse est un
modèle de démocratie. Là-bas, quoi qu’on pense des décisions prises, en
particulier la dernière qui restreint l’immigration, c’est le peuple qui
décide. Et il est bon de rappeler ou de signaler, que la dernière votation
concernait exclusivement l’immigration européenne ! En France, mis à part
au moment de l’élection présidentielle, le peuple n’a jamais la parole. Adopter
le système de votations permettrait aux Français d’avoir plus d’emprise sur
leurs représentants.
- Contrepoints : Mais ne craignez-vous pas une dérive du système ? Une sorte de « nimbe » qui conduirait à des politiques encore plus clientélistes ?
Nesmet Lazar : Ce
n’est pas à exclure. Mais je veux croire en l’intelligence du peuple français,
que l’on a trop souvent tendance à mépriser. Les Français ont une histoire
vieille de 2000 ans, l’une des plus riches du monde et qui a «
produit » les cerveaux les plus doués (Rabelais, Racine,
Molière, Montaigne, Pascal, Montesquieu…)
- Contrepoints : Pouvez-vous donner trois propositions fortes qu’il faudrait appliquer sans tarder ?
Nesmet Lazar : 1°
J’élimine la moitié de la fonction publique : 5.700.000 + 60.000 =
5.760.000 fonctionnaires, ceci est insoutenable pour le budget national et
c’est une priorité ;
2° Je supprime les 2/3
des communes (ainsi que des régions et tout ce qui en découle,
conseillers généraux etc.) qui sont au nombre de 36.683 ; en Allemagne
elles sont au nombre de 12.200 !
3° Je supprime le
sénat, puisqu’il n’a aucune utilité, et je réduis de façon drastique le
nombre de députés qui devront faire leur preuve et non pas parader, esquiver
leur rôle…
Permettez-moi
d’ajouter que j’implique totalement les parents dans l’instruction de leurs
enfants faute de quoi je supprime toute aide sociale ou financière.
- Contrepoints : Dernière question : peut-on encore sauver la France ?
Nesmet Lazar :
Sauf à modifier de fond en comble ce pays et de façon fondamentale, je n’y
crois pas. Je n’ai plus de place pour le rêve.
Source contrepoints.fr
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