Macron : Giscard 2 ou Chaban bis ?
Les politologues comparent souvent
Emmanuel Macron à Giscard. Pourtant, l’ex-ministre des Finances tient davantage
d’un Chaban-Delmas ou d’un Lecanuet, que de l’ancien Président de la
République.
La
présidentielle de 2017 sera peut-être la plus ouverte depuis 1974. Une campagne
qui vit s’opposer Giscard d’Estaing à Chaban-Delmas. Le premier conquit
l’Élysée, l’autre resta sur le perron. L’un avait le bon Parti, l’autre de
belles idées. Aujourd’hui, leur héritier se nomme Emmanuel Macron. Mais, malgré
la ressemblance que certains lui trouvent avec VGE, sa méthode et son avenir
sont, en réalité, plus proches de ceux de Jacques Chaban-Delmas.
Macron, clone de Giscard ?
Macron « travaille
par la séduction » explique Alain Duhamel,
avant d’ajouter :
« ça me fait beaucoup penser à Valéry Giscard d’Estaing, au même
âge ».
Ces deux
hommes représentent, en effet, de parfaits aristocrates républicains : même
formation (ENA, Inspection des Finances), même trajectoire météorique aux mêmes
fonctions, même attitude de franc-tireur anticonformiste. Ne manque plus à
Macron que la calvitie prématurée.
Mais cette ressemblance est trompeuse. Car Emmanuel
Macron se rapproche, dans le fond, d’un autre homme
politique, lui aussi issu de l’Inspection des Finances : Jacques
Chaban-Delmas.
Communion de pensée
Leur
passé diffère, mais leur pensée converge. Sauriez-vous distinguer qui, de
Macron ou Chaban, a dit : « la
société (est) bloquée par la fragilité de notre économie, le fonctionnement
souvent défectueux de l’État, l’archaïsme et le conservatisme de nos structures
sociales » ?
Cela fut
prononcé dix-huit mois après mai 68, par Chaban, décrivant son projet de
Nouvelle Société, inspiré par son conseiller… Jacques Delors.
Un discours que l’on retrouve, presque mot à mot, dans la
bouche du créateur d’En Marche : « (je veux) réformer une société
bloquée qui nourrit les populismes »
et, pour cela, il faut « casser
des corporatismes, des rigidités ».
D’ailleurs,
ce titre – En Marche – ne lui aurait-il
pas été inspiré par un autre démocrate-chrétien, Jean Lecanuet, dont le slogan
pour la présidentielle de 1965 fut : « un
homme neuf, une France en marche » ? À l’époque, Lecanuet
s’autoproclama le Kennedy français. En
1974, c’est au tour de Chaban d’occuper le créneau du « bel homme
nouveau ». Il sera d’ailleurs rebaptisé
Charmant Delmas par Le Canard Enchaîné.
Comme lui, Macron est télégénique, avec son physique de jeune premier. Il a ce
pas alerte et cette même manière sportive de monter en scène.
Au-delà des partis
Les deux
hommes ont le même rapport aux structures partisanes. Depuis Bordeaux,
Chaban-Delmas claironnait que « le clivage
droite/gauche est artificiel » et se moquait des étiquettes. À
l’été 1971, il déclare au Monde : « du socialisme, nous en faisons tous les jours ». Une petite
phrase qui aura le même effet sur sa famille politique que celle prononcée,
l’été dernier, par Emmanuel Macron : « l’honnêteté
m’oblige à vous dire que je ne suis pas socialiste ».
Chaban
irrite les gaullistes autant que Macron exaspère le PS ; conséquence, Chaban
sera démissionné par Pompidou, pour qui : « il
meurt de peur d’être classé à droite, il veut néanmoins plaire à tout le monde
et être aimé. » Une pensée que François Hollande pourrait tout à
fait confier à un journaliste, après avoir remplacé « droite » par
« gauche », évidemment.
Au lancement de la campagne de 74, Jacques Chirac, alors puissant ministre de l’Intérieur, prédira au centriste Chaban : « vous
êtes un mauvais candidat. Si vous y allez, Giscard se présentera aussi et vous
passerez à la trappe ». Mettant sa
menace à exécution, Chirac saborda le candidat UDR, retournant les grands élus
du Parti contre leur propre candidat. Cet assassinat politique prit la forme du
fameux « appel des 43 ». L’effet fut immédiat : lâché par
l’appareil militant, Chaban-Delmas disparut progressivement de la campagne, au
profit de VGE, finalement victorieux.
Or ou plomb ?
Emmanuel
Macron prend le risque de n’être « qu’une
sorte de parenthèse », pour reprendre les mots de Jacques Delors à
propos du programme de Nouvelle Société
?
Privé
d’une véritable machine politique, sans parti de militants, ni réseau d’élus,
Emmanuel Macron subira-t-il les mêmes échecs que Lecanuet en 1965 et Chaban en
1974 ? Eux ne dépassèrent pas la barre des 15% des voix. Rejoindra-t-il
François Bayrou et Nicolas Dupont-Aignan parmi les exceptions qui confirment la
règle de la bipolarisation ? L’histoire de la Ve République est peuplée
d’alternatives… toutes avortées.
Sans un
Jacques Chirac à ses côtés, celui qui n’était encore que conseiller élyséen il
y a deux ans, a peu de chances de conquérir l’Élysée. Manuel Valls aurait pu
jouer ce rôle, en retournant le PS contre Hollande, le plaçant à son service.
Mais, pour l’éditorialiste Maurice Szafran, « l’affrontement
Valls-Macron se révèle d’une stupéfiante violence. » Dès lors, tout
repose sur les épaules de Gérard Collomb, Sénateur-Maire de Lyon et parrain d’En Marche. Lui seul semble capable d’apporter
à son poulain l’assise politique nécessaire pour réussir au tour de force qu’il
prépare.
Source contrepoints.org
Photo Emmanuel Macron crédits Ecole polytechnique
Université Paris-Saclay (CC BY-SA 2.0)
Par Jacques Tibéri.
Jacques Tibéri
Juriste de formation, journaliste par vocation,
Jacques Tibéri a fondé un webzine d’infotainment généraliste, le
zincmagazine.fr, avant de se spécialiser dans les questions de société et de
modes de vie.
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