Co-voiturage
La Cour de cassation vient de le rappeler :
quand vous faites du co-voiturage, celui-ci doit être gratuit et vous ne pouvez
pas faire de bénéfice, autrement dit cette activité ne peut avoir de but
lucratif. Décryptage.
On ne peut pas faire
ce que l’on veut avec une voiture, même la sienne. Même s’il s’agit de la
prêter (ou juste une place de passager). Et encore moins pour gagner sa vie.
Les entreprises de l’économie « du partage » en font l’amère découverte un peu
partout dans le monde et notamment en France…
Prenez d’abord le «
co-voiturage ». La pratique n’est pas nouvelle : il s’agit de proposer une
place vide dans votre véhicule à un autre individu. Le numérique a révolutionné
le secteur, comme souvent non en bouleversant totalement les pratiques, mais en
les rationalisant. Auparavant, les échanges entre inconnus étant coûteux, longs
ou complexes, il était difficile de se faire rencontrer l’offre de conducteurs
et la demande de passagers. Grâce à un site internet ou un Smartphone, il est
désormais possible d’accéder à une plateforme qui les met en relation
rapidement, à moindre coût et efficacement.
Les nouvelles
technologies ont rendu plus efficace cette activité, en permettant à l’offre et
la demande de se rencontrer. Et, grâce au marché, la vie en devient plus
facile.
Dans le co-voiturage,
il y a l’idée de voyager plus écolo (dans la novlangue on dit qu’il s’agit «
d’une pratique éco-citoyenne » : quatre personnes qui ne se connaissent pas
dans une voiture, c’est mieux que quatre voitures qui font le même trajet presque
vides), plus convivial (on discute, de tout et de rien) et moins cher (on
partage les frais). Certains, naïvement, avaient pu espérer se faire un peu
d’argent : après tout, si un conducteur vous emmène dans sa voiture, propre,
avec la clim alors qu’il fait 40°C dehors et avec une musique agréable, cela
mérite bien rémunération. Eh bien non ! La Cour de cassation a rappelé l’état
du droit, dans son immense rigueur : quand vous faites du co-voiturage,
celui-ci doit être gratuit et vous ne pouvez pas faire de bénéfice ; il ne peut
avoir de but lucratif. Le passager peut participer aux frais, mais pas plus.
L’administration
française recense donc deux façons de calculer la participation aux frais. La
première ne prend en compte que les frais d’essence et de péage. La seconde
intègre d’autres coûts (assurance, amortissement du véhicule, etc.) et
s’établit en fonction d’un barème kilométrique établi par le ministère du
Budget.
Si ce critère n’est
pas respecté, le covoiturage n’en est plus et devient une activité rémunérée.
Et pour l’exercer, il faut entrer dans un cadre bien précis et très réglementé.
UberPop vient d’en faire l’expérience. Cette déclinaison de l’application Uber
est simple : ce sont des particuliers qui font les chauffeurs pendant quelques
heures de la journée. Au premier abord, l’initiative semble bonne : elle
satisfait les clients qui trouvent une offre complémentaire à celles qui
existent, pour un prix abordable ; elle permet aux conducteurs de bénéficier
d’un complément de revenu (et donc, d’accroître l’activité, leurs dépenses,
etc.). Le problème, c’est que c’est interdit. Le tribunal correctionnel de
Paris l’a rappelé récemment : dans une décision d’octobre dernier, il a
condamné Uber à 100 000 euros d’amende.
Le fond de l’affaire,
pour le dire de manière abrupte, c’est la volonté de l’État de taxer. S’il
souhaite réguler, c’est pour mieux prélever. Or, chacun comprend qu’il est
difficile de fiscaliser une transaction entre deux particuliers, pour des
montants limités. Le plus simple pour la puissance publique est donc
d’interdire cette activité et de créer ainsi un statut légal spécifique dont
les bénéficiaires sont connus de l’administration. La protection des
consommateurs n’est pas vraiment en cause : il serait possible d’imaginer
qu’elle soit garantie sans interdiction générale et absolue.
En protégeant certains
modes d’exercice (sommairement : les taxis) et en interdisant d’autres (le
co-voiturage rémunéré), le régulateur entretient des rentes. Il garantit à
certains ce qu’il refuse à d’autres : le droit de travailler. Ce faisant, il
limite la concurrence et assure à un groupe des revenus qui devraient être
distribués entre des acteurs plus nombreux.
Source contrepoints.org
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