Marijuana express : le boom des livreurs d'herbe
Avec la vague de légalisation du cannabis aux
Etats-Unis, les livreurs de drogue à domicile font fortune. Et l’herbe est
devenue la nouvelle pizza.
Dans une
autre vie, Evan Cox livrait des pizzas. Il y a dix-huit mois, il s’est retrouvé
à court d’argent, mais pas d’idées. L’Etat de Washington était sur le point de
légaliser la vente de cannabis et l’étudiant de Seattle a compris qu’il
faudrait encore un certain temps avant que n’ouvrent les premières boutiques
spécialisées dans la vente de marijuana.
Il a donc
monté Winterlife, un service de livraison à domicile. Livrer de la dope, c’est
comme livrer des pizzas. Mais en plus facile. “On n’a pas besoin de garder le
produit au chaud, donc il n’est pas nécessaire de retourner à la base aussi
souvent, fait valoir Evan. Les clients étudient le menu et choisissent dans la
sélection disponible quand on arrive.” Winterlife génère 1 million de dollars
de revenus par mois [730 000 euros] et emploie cinquante personnes. D’après son
site Internet, il s’agit d’une “entreprise avec une conscience”. Elle a pris
fait et cause pour les écureuils orphelins…
Evan Cox
opère pourtant à la limite de la légalité. Même si l’achat de cannabis est
autorisé dans l’Etat de Washington, les personnes qui en livrent restent
passibles de sanctions, ce qui n’empêche pas Winterlife d’attirer de plus en
plus de concurrents. La société est enregistrée au niveau de la mairie et de
l’Etat de Washington, mais ne peut ouvrir de compte en banque en raison de la
législation fédérale. C’est donc en espèces que, en avril, Winterlife a versé
167 000 dollars [123 000 euros] de taxes sur les ventes à l’administration
fiscale de l’Etat de Washington. Les services de livraison de drogue ont
également du succès dans les Etats à la réglementation plus stricte.
A New
York, la vente est interdite mais la possession a été dépénalisée, et il existe
plus d’une dizaine de services illégaux qui desservent Manhattan et Brooklyn.
Il suffit d’être recommandé par un client, d’appeler un numéro et d’attendre
une heure pour voir un jeune homme propre sur lui arriver, la plupart du temps
en vélo, avec un sac à dos rempli de diverses variétés. Les livreurs ne
transportent que de l’herbe et toujours moins de 25 grammes, de façon à ne
risquer qu’une amende en cas d’interpellation. La police est au courant de
leurs activités mais choisit de laisser faire. Un paquet de 2,5 grammes coûte
ainsi en général au moins 50 dollars [37 euros].
C’est bien
plus cher que dans la rue mais les risques d’agression sont réduits au minimum.
Les adeptes de la fumette qui en ont les moyens sont ravis de payer davantage
pour la sécurité et le côté pratique. La livraison à domicile marche moins bien
pour les drogues dures, assure toutefois Peter Reuter, un économiste de
l’université du Maryland, car le marché est plus petit et les charges
criminelles bien plus importantes. Même dans les Etats où les boutiques de
cannabis sont autorisées, il existe des sociétés qui ne fonctionnent qu’avec le
système de livraison. L’annuaire professionnel Wheresweed.com regroupe des
dizaines de sociétés spécialisées dans la livraison en Californie, dans
l’Oregon et le Colorado.
Plusieurs
dispensaires de cannabis de San Diego, en Californie, se sont reconvertis en
services de livraison quand le comté les a obligés à fermer leurs portes
temporairement. Pour Mark Kleiman, de l’université de Californie à Los Angeles,
les autorités devraient encourager les services de livraison de marijuana
plutôt que l’ouverture de magasins spécialisés. Ces derniers ont un impact
négatif sur le voisinage, attirent les braqueurs, ainsi que des mineurs qui
demandent aux passants adultes d’acheter pour eux. De plus, comme les boutiques
d’alcool, ils ont un effet incitatif et dissuadent les consommateurs excessifs
d’arrêter.
Dessin de Claudio Munoz paru dans The Economist, Londres.
Source Courrier International
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