La légalisation du cannabis avance… aux USA
L’élection de Donald Trump aux
États-Unis a failli masquer une grande victoire pour la liberté : 8 États ont
voté pour libéraliser leur législation sur le cannabis.
L’élection américaine du 8 novembre dernier a vu
l’élection d’un candidat qui ne paraît pas avoir la liberté au cœur de
ses préoccupations. Tout n’est cependant pas sombre
et il y a de quoi se réjouir sur le front de la politique des drogues : 8
États ont voté pour libéraliser leur législation autour du cannabis.
Victoire contre la prohibition
aux USA
En même temps qu’ils votaient pour l’élection
présidentielle, la Californie, le Massachusetts, le Nevada et le Maine ont
chacun voté pour légaliser le cannabis récréatif. La Floride, l’Arkansas, le
Montana et le Dakota du Nord ont eux passé la première étape de légalisation du
cannabis pour usage thérapeutique. Bien qu’une initiative de légalisation ait
échoué en Arizona et que le cannabis reste prohibé au niveau fédéral, cela
reste une large victoire pour le mouvement de lutte contre la nocive et
liberticide prohibition des drogues aux États-Unis.
Barack
Obama l’avait annoncé dans une interview sur HBO : si l’initiative de
légalisation passait en Californie, la prohibition au niveau fédéral « ne serait pas tenable ». Avec 37
millions d’habitants, la Californie — l’État le plus peuplé du pays —, la
prohibition du cannabis au niveau fédéral paraît maintenant politiquement
difficile à maintenir.
Bien que
légal pour usage thérapeutique depuis 1996, le cannabis restait avant ce vote
interdit en Californie pour usage récréatif. Le nombre de personnes arrêtées
pour usage de cannabis en Californie entre 2010 et 2014 a atteint plus de
154.000. Face à ces injustices, la loi de légalisation qui a été votée inclut
une innovation par rapport à celle d’autres États : elle prévoit un
système d’effacement rétroactif des condamnations passées liées au cannabis.
Toutefois, à mesure que le cannabis sort progressivement
de l’économie souterraine des États-Unis pour rejoindre l’économie légale,
certains problèmes demeurent. En effet cette nouvelle économie a du mal
à obtenir le moindre service auprès des institutions bancaires, ce qui peut créer de lourds problèmes pour gérer les
finances d’une entreprise, la paie des employés. Au niveau fédéral le cannabis
est classé dans le « Schedule 1 » des drogues (le plus restrictif),
ce qui dissuade les banques d’approcher ce secteur. Les entrepreneurs du
cannabis ont toutefois espoir d’arriver à convaincre des banques de taille
petite et moyenne de s’intéresser à ce marché malgré les risques.
Au Colorado, qui fut le premier État à légaliser le
cannabis à la fois pour des usages médicaux et récréatifs, un nouveau
rapport révèle que cette nouvelle industrie légale
a généré 2,39 milliards $ en 2015 et emploie maintenant plus de 18.000
personnes à plein temps. En outre, Denver, la capitale de l’État, a voté pour
légaliser l’usage social du cannabis dans des lieux commerciaux comme des bars,
des studios de yoga ou des galeries d’art. Les lieux privés accueillant du
public pourront bientôt demander des permis pour que leurs clients puissent
consommer du cannabis sur place.
Le délitement de la prohibition
dans le reste du monde
Ailleurs dans le monde, des avancées notables pour la fin
de la prohibition sont aussi à noter. Pour la première fois de son histoire le
prestigieux British Medical Journal a appelé les médecins à pousser pour la
légalisation des drogues. Dans cet édito publié le 14 novembre dernier, on rappelle à juste titre que « toutes les guerres entrainent
des violations des droits de l’homme, et que la guerre contre la drogue n’est
pas une exception ».
Les
auteurs dénoncent la violence associée aux marchés noirs qui ont entraîné entre
65.000 et 80.000 morts au Mexique sur la dernière décennie, et citent des cas
tragiques de mise en danger directe de la santé publique à cause de l’idéologie
anti-drogue d’abstinence.
« Par exemple, des patients en Crimée sont morts
après l’invasion russe car on les a forcés à arrêter de prendre de la
méthadone, qui est vue comme de l’abus d’opiacés, et illégal en Russie. La
promotion de l’abstinence par le gouvernement britannique aux dépens de
traitements de maintenance a surement contribué à une multiplication par 2 du
nombre de morts liés aux opiacés entre 2012 et 2015. »
Par ailleurs le très complet rapport annuel 2016
de la Global Commission on Drug Policy des Nations
Unies a été publié et appelle une nouvelle fois à la fin de la pénalisation de
l’usage et de la possession de drogues, ainsi qu’à davantage de recherche dans
des modèles alternatifs de réglementation des drogues face à l’échec total de
la prohibition.
Initiatives locales en Europe
À un niveau plus local, certaines villes osent
progressivement démanteler les lois restrictives autour du cannabis. Tandis
qu’à Zurich les consommateurs de cannabis pour des raisons médicales pourraient
bientôt voir la méthode légale d’approvisionnement largement facilitée, à Berlin un modèle de légalisation partielle du
cannabis devrait bientôt voir le jour.
En France, Emmanuel Macron a dévoilé dans son livre Révolution qu’il était en faveur d’une contraventionnalisation de
la possession de petites quantités de cannabis, comme l’avait suggéré un
rapport interministériel en août dernier. S’il faut
saluer cette réflexion sur la politique des drogues, une
contraventionnalisation ne changerait rien aux innombrables maux associés à la
prohibition. M. Macron serait bien inspiré de prendre son courage à deux mains
et d’oser proposer un modèle de légalisation totale similaire à celui des États
américains.
L’actualité
française nous rappelle par ailleurs cette impérieuse nécessité de changement.
En effet, dans un papier publié hier 30 Novembre dans Libération, nous
apprenons que l’affaire mêlant l’agence d’État des stups à un trafic de
cannabis en France est d’une ampleur hors normes : 40 tonnes de cannabis ont
été importées avec la complicité de la police, soit l’équivalent de la
consommation française durant 2 mois. Pour combattre les trafics illégaux
de drogues, l’agence en charge de cette lutte s’est donc résolue à en importer
d’elle-même des quantités massives.
Nous vous avions parlé
de cette affaire lors des premières révélations
plus tôt cette année. Hier comme aujourd’hui, la conclusion reste la
même : le fait que des marchés noirs illégaux créent une corruption
endémique n’est pas nouveau, c’est une caractéristique inhérente de toute
prohibition. Que la justice condamne les responsables de ce trafic ne changera
rien et seule une libéralisation de la législation des drogues permettra de
mettre un terme à ces scandales.
Cependant
aucun autre candidat à la présidentielle n’a annoncé de tels souhaits. Personne
ne veut remettre en cause d’une quelconque manière la désastreuse
prohibition. À quand la liberté ?
Source contrepoints.org
Photo By: arachnized Ѫ mechanid – CC BY 2.0
Par Édouard H.
Édouard H.
Édouard est un anarchiste libéral passionné par les
sujets de société. Vous pouvez retrouver Edouard sur Twitter : @PlusLibQueToi
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire