Chômage : le casse-tête des inemployables
En moins de 50 ans, le marché du
travail a pratiquement fermé ses portes aux sans-diplômes.
Selon une étude
de l’OCDE, 22% des travailleurs français
risquent d’être inemployables à moyen terme, soit 6 à 7 millions d’actifs.
Ces chiffres sont révélateurs d’un mal profond qui ronge
les économies occidentales : celui de l’inemployabilité d’une partie croissante
de leurs populations, dont « on ne sait plus si elle est à la
recherche d’un emploi ou incapable d’en trouver un ».
Un phénomène qui va de pair avec la transformation des
économies de la production vers la conception. « Le capitalisme du XXIème siècle organise scientifiquement la
destruction de la société industrielle »
écrit Daniel Cohen dans l’introduction à ses Trois leçons sur la société post-industrielle.
Désormais, 78% des emplois créés correspondent à des
fonctions d’ingénieurs, de cadres administratifs et de créatifs. Entre 1962 et
2007, le nombre d’employés diplômés d’un Bac+2 est passé de 8,5% à 51%. Or, seuls 25% des actifs disposent d’un tel diplôme.
En moins
de 50 ans, le marché du travail a donc pratiquement fermé ses portes aux
sans-diplômes.
Pour
eux, ne restent que des emplois usants et ingrats : ouvriers industriels,
agricoles et du bâtiment, des services rébarbatifs d’aide-soignants ou d’agents
d’entretien, ainsi que des activités commerciales à horaires décalés (vente,
hôtellerie, restauration, sécurité).
La
France vieillit, un quart de la population a aujourd’hui plus de 60 ans, et ce
phénomène va se prolonger jusqu’en 2035 avec les générations issues du
baby-boom.
L’exode du néo-prolétariat se fait désormais de
« l’usine au RMI », comme le dit le romancier Édouard Louis, dit Eddy
Bellegueule.
Les damnés du RSA
Cela explique aussi que plus de 8,8 millions de Français vivent sous le seuil de pauvreté,
principalement à cause de
« l’augmentation du nombre de chômeurs vivant au-dessous du seuil de
pauvreté, elle-même liée à celle du nombre de chômeurs de longue ou très longue
durée », explique l’Insee.
Malheureusement, ce chiffre est en-deçà de la réalité.
Car, aux 6,4
millions de chômeurs des catégories A à E, il
faut ajouter les 6 millions d’allocataires sociaux, dont 2 millions de
décrocheurs scolaires, sans oublier les 2 millions d’allocataires potentiels du
RSA qui n’en
font pas la demande.
Au
total, 13 millions de personnes seraient aujourd’hui inemployées… soit plus du
tiers de la population active hexagonale !
Aux extrémités de la pyramide des
âges
Or, la majorité de ces inemployables se répartit entre
les deux extrémités de la pyramide des âges. « La crise a frappé durement les seniors et les
jeunes » résume l’Insee.
En effet, les seniors n’auraient plus les savoir-faire correspondant aux besoins des entreprises. « Leur capital humain est
obsolète » peut-on lire chez certains
économistes. Si, aujourd’hui leur nombre
décroît, ce n’est pas grâce aux contrats aidés, mais au
papy boom. En effet, d’ici quinze ans, la
plupart seront à la retraite.
Le double péril jeune
L’inemployabilité
de nombreux jeunes est bien plus problématique que celle de leurs aînés.
Beaucoup « n’ont tout simplement pas le savoir-être requis par
l’entreprise », affirment certains conseillers en recherche d’emploi ; les autres « sont surqualifiés et refusent les jobs ingrats qu’on leur
propose », explique Maxime, conseiller
à Pôle Emploi.
En l’absence de contrat spécifique type CPE ou de
SMIC-Jeune, les décrocheurs ne doivent leur salut qu’à des contrats aidés
type emplois d’avenir et des initiatives associatives à l’instar de l’École de la deuxième chance, le service Ma seconde chance de l’Onisep ou les chantiers d’Insertion par
l’Activité Économique.
Par ailleurs, les tentatives de revaloriser
l’enseignement professionnel échouent devant le refus de nombreux apprentis de
se soumettre aux contraintes de ces métiers manuels. Ainsi, le taux d’échec
(rupture du contrat d’apprentissage) dans l’hôtellerie et la restauration
serait de 48,9% selon la
DARES.
Enfin, s’agissant des diplômés de Master ou d’Écoles de
Commerce, ils rechignent à accepter les jobs auxquels postulent les détenteurs
de BEP. Ainsi, les diplômés de Droit, entre autres, subissent un
goulot d’étranglement à la sortie de la fac.
Surdité politique
En proposant aux décrocheurs un service
militaire adapté obligatoire, inspiré d’une
mesure en vigueur outre-mer depuis les années 60, Nicolas
Sarkozy montre combien le regard de la classe
politique sur cette jeunesse inemployable est biaisé.
Cependant, l’ancien président avait le mérite de s’y
intéresser. Les autres, et notamment les nationaux-populistes Mélenchon et Montebourg, se contentant de promettre de rebâtir les usines. Un
discours qui peut séduire les seniors, mais ne parle pas aux nouvelles
générations.
Seul Emmanuel
Macron semble leur proposer une solution
efficace : devenir leur propre entrepreneur et se libérer de la fatalité de
l’entretien d’embauche. Peut-être est-ce là le secret de son succès ?
Source contrepoints.org
Par Jacques Tibéri.
Jacques Tibéri
Juriste de formation, journaliste par vocation,
Jacques Tibéri a fondé un webzine d’infotainment généraliste, le
zincmagazine.fr, avant de se spécialiser dans les questions de société et de
modes de vie.
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