Loi anti-dissimulation du visage : les Français veulent
de la cohérence
Deux incidents en
moins de deux semaines sont venus rappeler aux politiciens leur inconséquence
face à leur volonté de légiférer sur tout, d’une part, et les contradictions de
ceux qui s’appellent les progressistes, d’autre part.
En effet, les affaires « Morano vs police de la Gare de l’Est »,
puis « la femme voilée expulsée de l’opéra
Garnier » mettent un coup de projecteur sur les problèmes liés à la
loi de 2011 interdisant de se dissimuler le visage dans l’espace public.
Le 15 octobre dernier,
l’eurodéputée Nadine Morano croise une personne Gare de l’Est vêtue d’un voile
intégral. Comme la loi française prévoit qu’il est interdit d’être accoutré de
la sorte, et aussi peut être parce qu’à titre personnel, Nadine Morano n’aime
pas les personnes voilées, la députée cherche un représentant des forces de
police afin de lui faire constater l’infraction à la loi. Le policier trouvé ne
semble pas s’exécuter, et Morano s’indigne du fait qu’il procède alors à son
contrôle d’identité, comme le prévoit aussi la loi. Les médias et les
commentateurs s’indignent, non pas de l’infraction, le port du voile intégral,
mais de l’extrémisme islamophobe supposé de Nadine Morano.
Ce weekend, deuxième
fait divers. On apprend qu’une spectatrice voilée, une touriste du Golfe, a dû
quitter la Traviata en pleine représentation. L’incident a eu lieu début
octobre à l’Opéra Bastille. Il a poussé le ministère de la culture à faire une
note sur le sujet.
Que peut-on conclure ?
D’une part, étant donné que l’Opéra Bastille et la Gare de l’Est de Nadine
Morano étant deux univers différents, on peut déduire des conclusions de portée
générale, à savoir que deux mondes culturellement différents mais tous deux représentatifs
des élites françaises veulent que la loi contre la dissimulation du visage soit
appliquée. L’incident Morano prend un autre sens, il ne peut pas seulement être
relié à l’islamophobie réelle ou supposée de cette membre de l’UMP. Il est bien
lié à une volonté généralisée de ne pas voir certains symboles de l’islam
bafouer la vision française de la laïcité.
D’autre part, on voit
bien que l’application de la loi ne dépend pas de la quantité de forces de
police sur le terrain, mais de la volonté de citoyens, députés ou vigiles, de
la voir appliquée, et du consensus au sein de la population. C’est aussi l’analyse
de Bruno Le Maire.
Et sur le sujet du
voile comme sur d’autres, l’opinion des médias ou celles de groupes de pression
peut ne pas refléter l’opinion générale des Français.
En 2013, un sondage
montrait que 84%, soit une énorme majorité des Français, étaient opposés au
port du voile ou du foulard islamique par des femmes travaillant dans des lieux
privés accueillant du public.
Or, des Musulmans
estiment, trois ans après son adoption que cette loi est islamophobe et qu’elle
stigmatise des personnes dont la pratique n’enlève rien à personne. Cela
ne vous rappelle rien ? Pendant le débat du mariage pour tous, non seulement les
militants LGBT notaient qu’autoriser deux personnes homosexuelles à se marier
n’enlevait rien à personne, mais que, de plus, s’opposer à ce point de vue
était homophobe.
Or, force est de
constater que les Musulmans ont raison dans le sens où il apparaît que, dans la
plupart des cas, les femmes voilées le font librement, de leur propre
initiative.
La police avait
prévenu : la loi contre le port du voile ne serait pas sa priorité, la jugeant
inapplicable.
Dès lors, le
gouvernement actuel n’a que deux options.
La première consiste à
rappeler à la police qu’elle est là pour faire appliquer toutes les lois, même
celles qu’elle juge idiote. Après tout, la police poursuit bien sa guerre
contre la drogue alors qu’elle sait qu’elle est inutile. Alors, pourquoi ne pas
donner raison à Nadine Morano quand elle dénonce l’inaction de la police ?
La deuxième consiste à
abroger la loi. En effet, puisque le voile islamique n’est pas forcément
l’expression d’une soumission dans un cadre machiste, mais parfois
l’illustration d’une recherche spirituelle (bien éloignée des
préoccupations du gouvernement Valls, majoritairement athée et
christianophobe), alors pourquoi ne pas accorder cette liberté aux principales
intéressées, liberté qui doit évidemment être accompagnée de la liberté de
pouvoir les critiquer. Autrement dit, pourquoi ne pas abroger la loi sur le
voile et, en même temps, abroger les lois Pleven-Gayssot qui criminalisent les
propos racistes (au sens large) ?
La loi ne peut pas
tout. Les comportements individuels peuvent certes être contraints par la loi,
mais le vivre ensemble ne doit-il pas partir de chacun d’entre nous et de
l’intériorisation de valeurs communes ? Plusieurs années de loi anti-voile ont
montré que les principales concernées avaient décidé de poursuivre leur
démarche à rebours de siècles d’évolution en France (où les hommes et les
femmes cohabitent), il n’y a donc que deux attitudes possibles :
Version conservatrice : partant
du principe que malgré la présence d’une importante communauté musulmane, la
France reste une terre avant tout laïque et de culture chrétienne, alors il
convient de faire appliquer la loi anti-voile, par la force s’il le faut, par
la police, tout comme cette même police n’hésite pas à user de la force en
d’autres situations. Après tout, il est interdit d’être juif en Arabie
Saoudite, et les Chrétiens auront du mal à trouver une église dans ce même
pays.
Version libérale : partant du
fait que la France que l’on veut, c’est la France que les gens construisent au
quotidien par leur comportement, légiférer dans ce domaine ne sert à rien si
les valeurs ne sont pas intériorisées. On peut aussi penser que les femmes
voilées n’enlèvent rien à personne si ce n’est éventuellement à elles-mêmes.
Après tout, quand on va à Londres, on voit bien que des femmes voilées côtoient
avec plus ou moins d’indifférence d’autres personnes au look plus
occidentalisé. En contrepartie, il faut accepter l’idée que nous nous dirigions
vers un pays de communautés intentionnelles, ce qui est de toute façon déjà un
peu le cas. Les musulmanes qui se sentent rejetées n’auraient dans ce cas qu’à
s’en prendre à elles-mêmes.
La troisième version,
socialiste, n’est évidemment pas tenable. Elle consiste à avoir des lois en
totale opposition avec la pratique, tout en fermant les yeux sur des situations
de ghettoïsation de fait et à hurler au loup fasciste dès que quelqu’un demande
à ce que la loi soit appliquée. Évidemment, le fait que des touristes du golfe
bravent impunément les lois de France, à l’Opéra Bastille ou sur les
Champs-Élysées, va pousser les élites bunkerisées à se poser des questions qui
ne leur venaient pas à l’esprit tant que le voile islamique ne concernait que
Trappes ou Mantes la Jolie !
Alors, qu’est ce que
le Parti Socialiste au pouvoir va choisir ? Le respect de la loi (validée par
la CEDH) et par la-même la reconnaissance que Nadine Morano avait raison ? Ou
l’abrogation de la loi, en vertu de ce que demandent des associations anti-islamophobie,
et partant du principe que « porter un
hijab ou un niqab n’enlève rien à personne » ?
Source contrepoints.org
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire