Kennedy, un président tombé de son piédestal
Cinquante ans après la mort de JFK à Dallas, sa
place dans l'histoire américaine a été revue à la baisse. Désormais, les
manuels destinés aux lycéens mettent beaucoup plus en avant les ratés de sa
présidence.
Le Président Kennedy
présenté aux élèves d'aujourd'hui n'a pas grand chose à voir avec celui de
leurs grands-parents. Dans un manuel de lycée édité sous la direction de John
M. Blum en 1968, Kennedy est dépeint comme un héros tragique, fauché par le
destin alors qu'il œuvrait à la transformation de la société et qui, en à peine
1 000 jours de mandat, avait su "raviver l'idée d'une Amérique jeune,
aventureuse et progressiste, envisageant l'avenir avec confiance et
espoir".
Au milieu des années
80, l'enthousiasme était retombé et Kennedy n'avait plus la même stature. Dans
un manuel de 1987 sous la direction de James A. Henretta, les auteurs
condamnent la "mythification" de la présidence Kennedy et rappellent
que les espoirs soulevés par le candidat ne se sont soldés que par "de
maigres avancées législatives".
Pour les étudiants
américains, la première leçon approfondie sur le 35ème Président (et
souvent la dernière) vient des manuels de lycée. Et à la veille de
l'anniversaire de son assassinat il y a 50 ans, une relecture de la vingtaine
de manuels écrits depuis sa mort révèle un portrait de moins en moins élogieux
au fil des ans.
- Manque de vigueur
On passe ainsi d'un
jeune président charismatique ayant inspiré les jeunes du monde entier à un
chef d'Etat profondément imparfait, dont les talents oratoires ont largement
dépassé les réalisations. L'attention accordée à la crise des missiles à Cuba a
diminué, ainsi que le respect qu'on lui vouait pour avoir évité la guerre. Les
échecs du président au Congrès et l'engagement croissant dans le conflit du
Vietnam sont davantage mis en avant. Le glamour de l'ère Kennedy a cédé la
place à la réalité.
"La véritable
stature d'homme d'Etat de Kennedy s'est révélée" lors de la crise des
missiles cubains, peut-on lire dans un manuel de 1975 rédigé par Clarence Ver
Steeg et Richard Hofstadter, A People and a
Nation ["Un peuple et une nation", non traduit]. Sur la
question des droits civiques, écrivent ces auteurs, "son
administration n'avait pas reçu le soutien du Congrès". Pourtant,
ajoutent-ils, "la ségrégation a disparu en grande partie des bus, des
hôtels, des motels et des restaurants" sous sa présidence. Ce qui est faux
: ces changements ont eu lieu pour la plupart après la ratification de la loi
sur les droits civiques par son successeur, Lyndon B. Johnson, en 1964.
Dans un ouvrage du
même titre paru en 1982 et encore très utilisé aujourd'hui, Mary Beth Norton et
ses collègues adoptent une approche complètement différente. Kennedy "a
mené le combat pour les droits civiques avec un évident manque de vigueur",
écrivent-ils. Ils le jugent également responsable de la crise des missiles,
expliquant que la crainte cubano-soviétique d'une invasion avait été
nourrie par le débarquement de la Baie des Cochons en 1961 et par d'autres
opérations agressives des Etats-Unis contre Cuba.
- Sa cote a dégringolé
Diverses raisons
expliquent ce changement de regard. Quand la génération du Vietnam s'est
retrouvée aux commandes des manuels scolaires, l'implication de Kennedy dans la
guerre a commencé à être davantage mise en avant. L'ouverture des archives
audios de la Maison Blanche, qui a débuté en 1984, a révélé un politicien froid
et calculateur, et non le président idéaliste et l'ardent défenseur des droits
civiques que les Américains se représentaient.
Enfin, les années 80
ont marqué un tournant dans les manuels d'histoire. L'ancienne approche
consistait à mettre en avant les réussites de l'histoire américaine, explique
Gilbert Sewall, directeur du Comité des manuels scolaires américains (ONG
chargée de vérifier le contenu des manuels). Selon lui, dans les années 80, on
est passé à une relecture de l'histoire plus critique, faisant plus de place
aux injustices telles que les mauvais traitements infligés aux Indiens, mais
aussi aux facettes moins reluisantes de ceux considérés auparavant comme des
héros.
Ce renversement,
renforcé par la diffusion de portraits peu flatteurs dans la presse, la
littérature et la télévision, a sans doute contribué à déboulonner le mythe
Kennedy. Considéré autrefois par les Américains comme l'un des plus grands
présidents des Etats-Unis, sa cote a dégringolé ces dernières années. Selon un
récent sondage du New York Times, il
n'arrive qu'en quatrième position parmi les plus grands présidents américains
avec seulement 10 % des suffrages, derrière Ronald Reagan, Lincoln et Bill
Clinton.
La vision des manuels
n'a pas varié sur certains aspects de la présidence Kennedy. Les ouvrages
scolaires continuent à louer le programme spatial, tandis que le débarquement
raté de la Baie des Cochons a toujours été qualifié de "fiasco". De
nombreux manuels des différentes époques, même ceux qui sont très critiques à
l'égard du Président, reconnaissent que Kennedy fut un dirigeant qui a fait
rêver les Américains. Plus que son bilan politique, c'est cette aura qui
demeure aujourd'hui.
La tombe de John F. Kennedy au cimetière national
d'Arlington. DaKohlmeyer/CC/Flickr
Source Courrier International
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