mardi 25 janvier 2022

Billets-Pandémie : la route de la servitude numérique

Pandémie : la route de la servitude numérique

Le « transhumanisme fascisant » est à nos portes tant au niveau français qu’européen.

Après la peste et toutes les pires pandémies qu’a pu connaître notre humanité, le monde a fini par revenir à la normale et continuer d’avancer. Les technologies sont passées par là, avec ce qu’elles représentent en termes de poids économique. Nul ne me contestera que de nombreux acteurs du secteur ont pu saisir dans cette pandémie une réelle opportunité de croissance… solutions pour le télétravail, solutions de surveillances de salariés, mise en place du click and collect, solutions sanitaire… solution de télétravail alternative : Netflix et autres prestataires de divertissements en ligne…

Croisez cela avec un principe de précaution parfois utilisé jusqu’à l’outrance, ce qui est vendu aujourd’hui à la population mondiale par les gouvernements est ce qui devrait être un avant et un après covid. Cette approche induirait ipso facto une sorte de grand reboot de notre mode de vie d’avant, un grand reboot inéluctable, une reconfiguration qui aurait prétention à s’imposer dans une sorte de ce que je nommerai un « transhumanisme fascisant ».

Je m’en explique.

La promotion de la mort zéro en pandémie

Pour rappel, le transhumanisme est un mouvement culturel mondial se fondant sur une approche pluridisciplinaire censée modifier nos limites biologiques. Pour ce faire il prône l’usage des techniques et des sciences avec pour objectif d’améliorer la condition humaine. Une amélioration fondée – selon ce même mouvement –  sur l’augmentation des capacités physiques et mentales visant à supprimer ni plus ni moins le vieillissement et la mort.

C’est bien sur ce point que le transhumanisme me semble entrer tristement en résonance avec les outrances du principe de précaution que nous arpentons, la recherche du risque zéro, et la poursuite illusoire et – dans le cadre de cette pandémie – de la mort zéro, quitte à instaurer une sorte de non-vie supposée salvatrice à l’échelle de la planète, une non-vie porteuse de moult dégâts collatéraux : suicides – entre autres –  qui devront un jour être comptabilisés et intégrés au bilan morbide de cette pandémie.

Lorsque je parle de « transhumanisme fascisant » je mesure pleinement la portée de ce qualificatif. J’emploie à dessein le terme fascisant qui vient souligner le fait qu’il ne s’agit naturellement pas de fascisme à proprement parler, mais de ce que j’identifie comme un variant discret que les historiens se chargeront de qualifier, un variant visant à faire accepter et adhérer par tout moyen la population à une doctrine inlassablement répétée par l’exécutif français et érigée comme une vérité en opposition absolue avec la définition même de ce qui relève d’une doctrine et ce :

Quitte à désigner à la vindicte populaire les récalcitrants à la vaccination jusqu’à vouloir « les emmerder », selon les mots choisis du président de la République française… voire les déchoir de leur nationalité, tout du moins les juger comme en étant parfaitement indignes…

Quitte à qualifier quasi systématiquement toute forme de contre discours fut-il raisonnable et appuyé par des faits… de complotiste, voire à ne pas lui laisser le droit d’exister et à lui ôter le droit de s’exprimer dans une dynamique assumée de cancel culture.

J’emploie donc ce terme fort dans l’esprit de la définition qu’en donnait Roland Barthes : « le fascisme ce n’est pas d’empêcher de dire mais d’obliger de dire », une définition qui, à l’aune de mes observations, mérite d’être revisitée, « l’empêcher de dire » étant malheureusement d’actualité : retrait de contenus massifs signalés par de nombreux médias en ligne selon quels critères ? L’opacité est de mise. Du jamais vu…

Pandémie : à qui profite le crime ?

Ainsi le mode de vie qui voudrait être – semble-t-il – pérennisé, niant la possibilité d’un retour à la normalité et à un usage raisonné et raisonnable des technologies, m’apparait être davantage au service de l’économie numérique, passant par la datazerisation de l’humain (pour son confort et sa sécurité). Cette appétence marchande ne pourra que concourir à un contrôle social hygiéniste et comportementaliste démesuré… altérant en profondeur une urgence sociétale : la re-création urgente de liens sociaux distendus qui sont l’essence même de la vie, des liens qui –  durant cette période tragique – ont été pour le moins mis à mal.

Si l’on ajoute à ce que j’évoque que parmi les personnalités certainement les plus influentes de cette planète nous retrouvons Ray Kurzweil, un pape du transhumanisme, embauché par Google comme ingénieur en chef pour faire du moteur de recherche la première intelligence artificielle de l’histoire. Il est depuis 2012 directeur de l’ingénierie chez Google, et aussi brillant soit-il, parce qu’il l’est, je ne pense pas que le « transhumanisme fascisant » qui se met insidieusement en place ne soit pour lui déplaire, ni non plus pour déplaire aux acteurs du numérique qui de par leur situation ont vu leur chiffre d’affaires bondir.

La raison et la déraison

Il n’est pas question dans mon propos de minimiser la gravité originelle de la pandémie, ni des premiers variants comme le variant Delta ! Soyons clair, il n’est pas question de minimiser les drames engendrés par cette pandémie. Il me semble toutefois utile de rappeler qu’outre un manque de moyen logistique et humain pour faire face à la première vague, concomitamment d’une forme d’inversion des responsabilités faisant du citoyen l’Alpha et l’Omega de la pandémie.

Deux ans plus tard, la logique demeure la même sur fond de fermetures de lit, lié entre autres à la désertion d’un personnel épuisé, ou condamné à une vaccination obligatoire. Une situation bien éloignée des applaudissements d’il y a deux ans du même personnel au front et… sans le moindre moyen.

Oui le covid tue, nous pouvons escompter que les variants suivants – à l’instar d’omicron – deviendront moins létaux et qu’un retour à la normalité ne relève pas de l’utopie… Dans cette configuration optimiste, ne serait-il pas temps de mettre fin à un contrôle social hygiénique exponentiel ? Sans un retour à la raison, sans même attendre la possible transformation d’une pandémie en endémie sans risque létal majeur, la suite est cependant déjà presque écrite : après le pass sanitaire, le pass vaccinal, un portefeuille numérique obligatoire est déjà en approche.

Fantasme ? Alarmisme ? Complotisme. Tant s’en faut : un projet de ce type est déjà dans les cartons de l’Union européenne : l’identité numérique européenne sera accessible aux citoyens, résidents et entreprises de l’Union européenne qui souhaitent s’identifier ou attester certaines informations personnelles. Elle pourra être utilisée pour les services publics et privés, tant en ligne que hors ligne, dans toute l’UE. Chaque citoyen ou résident de l’UE pourra utiliser un portefeuille numérique personnel »

Vers le meilleur pire des mondes

Que dire…. de ce meilleur des mondes (sic) en construction ? Si un tel portefeuille devait voir le jour en dépit de faits objectifs qui se devraient de le faire passer en pertes et profits, ce dernier pourra potentiellement intégrer des données de santé, des données bancaires… des données comportementales etc.

Une porte ouverte au crédit social à la chinoise, avec au bout du bout d’une telle datazerisation extrême des citoyens un nouveau monde tristement non dystopique et orwellien, un monde dans lequel l’individu disposera potentiellement de droits ou de non droits, ces derniers devenant tributaires de son état de santé et moult autres données qu’il lui sera impérieusement demandé de communiquer à… big father.

La société que nous voulons demain est-elle celle-ci ?

Sans une prise de conscience salvatrice, et une marche arrière toute post pandémie… c’est la société qui se dessine. Avoir raison avant est sans importance. Je crains fort que si de Grands Hommes ne mettent un halte-là dicté par la raison au mépris de toute ambition politique et/ou financière, cette marche arrière soit devenue très hypothétique tant la crise du covid elle-même a muté pour devenir une arme politique et un eldorado économique.

Si le monde de demain doit être un contrôle social hygiéniste s’appuyant sur une pensée conforme et hygiéniste, alors oui le « transhumanisme fascisant » est à nos portes tant au niveau français qu’européen.

P.S

Dois-je préciser que je suis vacciné ? Pour que mon propos soit audible par le plus grand nombre, sans être rangé ni dans le camp des complotistes, ni dans le camp des antivax, alors je le précise, je ne suis modestement que dans le camp des chercheuses et des chercheurs. Pour ceux qui en douteraient, la double vaccination n’a aucun effet secondaire sur la raison et l’exercice de l’esprit critique.

Source Contrepoints.org

Par : Yannick Chatelain

Yannick Chatelain est professeur associé et enseignant-chercheur à Grenoble École de Management et responsable de GemInsights. Diplômé de Grenoble École de Management, titulaire d’un Doctorat Business of Administration à l’université de Newcastle-Upon-Tyne, ses travaux portent sur Internet, le contrôle social, la contre-organisation sociétale et la liberté d’expression. Expert du Digital, spécialiste du hacking et de la communauté hacker. Expert auprès de l'UNODC, (Office des Nations unies contre la drogue et le crime) dans le cadre du programme E4J : The First Expert Group Meeting to Peer-Review the E4J University Module Series on Cybercrime. Il est l’auteur de nombreux ouvrages sur le digital marketing, le hacking et la cybercriminalité. Son dernier ouvrage : "Chroniques du Technomonde - Les évolutions récentes d'internet. Pour le meilleur ou pour le pire ?" (10 octobre 2019) est paru aux Éditions Maxima.

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