Paternalisme
de l’État : Macron n’a rien changé
Comme pour ses
prédécesseurs, Emmanuel Macron n’envisage la place de la société civile que
comme subordonnée à l’État tour à tour dirigiste, stratège ou encore
organisateur de la vie quotidienne.
Dans un excellent papier publié dans L’Opinion le 26 décembre, Jean-Marc Daniel dressait
un intéressant parallèle entre la politique de Kennedy et celle d’Emmanuel
Macron, montrant les proximités entre le discours
du président français et la doctrine des démocrates américains.
Dans son analyse, l’économiste reprend la célèbre citation du
seul président catholique des États-Unis :
Ne vous demandez pas ce que
votre pays peut faire pour vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour
votre pays.
que le Président a d’ailleurs reprise à sa
façon dans ses vœux. C’est par cette même phrase
que Milton Friedman ouvre son
livre majeur Capitalisme
et liberté: dans un passage acéré, le Prix
Nobel d’économie en critique vertement la philosophie « paternaliste » et
holistique (« organismic ») qui implique que « le gouvernement est le patron, le
citoyen son sujet », « une vision en contradiction avec la
foi que l’homme libre a en sa propre responsabilité pour forger son propre
destin ».
FRIEDMAN CONTRE LA PENSÉE
DOMINANTE
Le texte de Friedman est catégorique : il s’accommode
probablement imparfaitement avec le nécessaire pragmatisme du quotidien ; mais
il a le mérite de proposer une référence à l’aune de laquelle évaluer les
politiques et débats publics ; une référence totalement absente du paysage
français.
Sur l’ensemble de l’échiquier politique national, la même vision
prévaut : l’État domine la société et l’économie, qu’il régule de façon
nécessairement efficace et pertinente. Plus encore, il lui appartient de les
façonner pour les améliorer : le rôle du politique est de changer le monde, non
par la libre adhésion des individus, mais grâce à et par l’État.
Les majorités successives divergent, non sur le modèle de
société mais sur le degré de coercition qu’elles estiment acceptables et la
coloration politique qu’elles lui donnent : à des interventionnistes militants
succèdent des interventionnistes plus discrets ; à des étatistes conservateurs
succèdent des étatistes progressistes. Quelles que soient les ambitions, la
société reste subordonnée aux objectifs que l’État lui assigne. Despotisme
éclairé ou rétrograde, mais despotisme quand
même.
L’OMNIPOTENCE DE L’ÉTAT
Hégémonie technocratique. Cette omnipotence se
marque dans la vie quotidienne et dans le fonctionnement des institutions. Elle
se matérialise par deux statistiques : la dépense publique, qui atteint 57 % du
PIB, et les prélèvements obligatoires, à 47,6 % du PIB. On ne martèle pas assez ces chiffres, inquiétants pour
notre économie mais surtout effrayants pour notre liberté.
L’élection d’Emmanuel Macron et de la majorité En Marche n’a pas
changé structurellement ce logiciel. Leur action est plus nuancée, leur
objectif plus réformiste, leur ambition plus progressiste.
Leurs opposants défendent des projets dramatiquement plus
intrusifs, répressifs, parfois xénophobes et souvent asphyxiants. Mais les
instruments restent les mêmes et la hiérarchie entre l’État et la société ne
change pas : l’État commande, la société exécute.
BAISSER LA DÉPENSE PUBLIQUE
La
France a une histoire centralisatrice. Elle a
également une conception du pouvoir étatique hégémonique plus récente,
consacrée depuis le milieu du XXe siècle par le triomphe de la
technocratie. Elle ne deviendra jamais une société avec un État minimal (pas
plus que les États-Unis d’ailleurs).
Pour autant, elle a des marges de manœuvre immenses pour
progresser sur la voie d’une société plus libre, notamment en baissant la
dépense publique. C’est une piste à explorer en 2018 pour le gouvernement, qui
n’a encore rien fait en la matière.
Source contrepoints.org
Par Erwan Le Noan.
Erwan Le
Noan
Diplômé de Sciences Po et des
universités de Paris, avocat de formation, ancien rapporteur à l’Autorité de la
concurrence, Erwan Le Noan est consultant, spécialiste de concurrence. Il
enseigne à Sciences Po et est responsable de Trop Libre, le media de la
Fondation pour l’innovation politique (Fondapol).
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