Zone euro : vive la Grèce libre !
Ses créanciers
(l’Eurogroupe, la BCE et le FMI) avaient tendu un piège gros comme l’Acropole à
Tsipras. Ils débloquaient «jusqu’à» 15,3 milliards d’euros pour permettre à la
Grèce de faire face à ses obligations d’ici l’automne prochain sachant, qu’avec
ces fonds, les Grecs devaient rembourser un minimum de 10,8 milliards d’euros
d’ici fin août ! Bref, avant la fin 2015, Tsipras aurait totalement consommé
son capital politique et retrouverait les mêmes inextricables difficultés
financières, prisonnier d’un euro dont le taux de change rend impossible la
relance de l’économie hellène. Sa fragile et composite majorité parlementaire
se serait délitée. La nomenklatura européenne aurait pu alors tranquillement le
faire déposer par une sorte de coup d’État semblable à celui qui lui avait
permis de changer les gouvernements grec et italien en 2011.
Tsipras, par son
référendum, évite ce piège et met ses créanciers au pied du mur : soit ils
épongent les dettes grecques pour les deux à trois prochaines années de
remboursement, soit ils s’assoient sur la totalité de leurs créances. La
semaine qui s’ouvre va être du plus haut intérêt ! Visiblement, les Eurocrates
ne s’attendaient pas à tomber sur un dirigeant retors qui a su tirer les leçons
des échecs subis par ses prédécesseurs. La formation trotskiste, ça a du bon…
Si la Grèce quitte la
zone euro, il ne faut pas paniquer, nous disent désormais à l’unisson banquiers
centraux et politiciens. Le fait que Valls vienne le rappeler doit nous inciter
au plus grand scepticisme, connaissant sa grande clairvoyance dans tous les
domaines. La BCE rachète déjà environ 60 milliards d’euros de dettes publiques
chaque mois. Il lui faudra en absorber beaucoup plus dans les semaines qui
viennent car, outre les créances sur la Grèce qui ne vaudront plus grand chose
et dont les trésors publics voudront se débarrasser, beaucoup d’obligations
émises par les pays du Sud vont commencer à devenir suspectes. Si la BCE ne
parvient pas à endiguer une remontée brutale des taux d’intérêt, le déficit des
pays mal gérés, la France en premier lieu, se creusera vite, créant un effet
auto-entretenu de tension sur les marchés.
Depuis vingt ou trente
ans maintenant, l’Europe a compensé son déficit démocratique par la
distribution de crédit, finançant des dettes contre l’abdication de la
souveraineté. Mais la construction d’un projet démocratique est délicat et
nécessite un long mûrissement alors que les crises financières se propagent à
la vitesse du feu sur la poudre. L’édifice vermoulu européen approche lentement
mais sûrement de l’écroulement.
Tsipras credits Lorenzo
Gaudenzi (CC BY-NC-ND 2.0)
Source contrepoints.org
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