Nicolas Hulot
Pour Télérama.fr, il revient sur les
personnalités politiques qu'il a croisées dans sa carrière.
Il fréquente les
politiques depuis un bon quart de siècle. D'abord conseiller de l'ombre de
Jacques Chirac, lobbyiste star de l'écologie au moment de la Charte écologique,
du Pacte écologique ou du Grenelle de l'Environnement, le voilà désormais
officiellement au côté de François Hollande, envoyé spécial pour la protection
de la planète.
« Les hommes passent, les problèmes écologiques
s'aggravent, dit Nicolas Hulot. Toute
oreille qui veut se tendre vers moi, dès lors qu'elle ne compromet pas mon
indépendance, je lui parle… Il y aura toujours les mêmes esprits chagrins qui
considèrent que, quoi que je fasse, je mange à tous les râteliers. Ne
comprenant pas que j'incarne, là, ma transversalité, parce que l'écologie est
transversale et ne peut pas s'accomoder des divisions politiques… »
Quel regard porte-t-il
sur ces femmes et hommes politiques côtoyés au fil des ans, et deux ans après
sa candidature malheureuse aux primaires d'EELV ? La réponse en treize noms, de
Chirac à Cohn Bendit…
- Jacques Chirac
« Il faut replacer nos
échanges et son action dans le contexte de l'époque et l'indifférence de son
camp à ses sujets. Je me souviens que, après une discussion téléphonique, il
s'est prononcé pour l'interdiction des farines animale. Mais surtout, suite à
de longues discussions, il a modifié la Constitution pour y adosser la Charte
écologique et le fameux principe de précaution contre l'avis de la plupart des
leaders de sa majorité.
Je lui suis gré
d'avoir gardé mes mots au célèbre discours de Johannesburg au sommet de la
terre. Au fil des ans, je lui ai apporté mes fiches et ma littérature
écologiste, des piles de livres que je lui laissais après chaque entretien. Il
a questionné, noté, appris. Notre dialogue ne s'est jamais interrompu, il s'est
fait sans concession, et dans une estime réciproque. »
- Chantal Jouanno
« Elle a longtemps été
mon interface quand je ne discutais pas directement avec Nicolas Sarkozy. Elle
fait partie de ces quelques politiques qui ont bien conscience que les enjeux
environnementaux sont cruciaux mais qui restent, pour l'heure, trop isolés. Il
y a une vraie sincérité chez elle. Et surtout c'est une battante courageuse. »
- Michel Barnier
« Comme avec Michel
Rocard ou Hubert Védrine, avec Michel Barnier nous avons eu de longs et
réguliers échanges. C'est un travailleur, pas dogmatique. Il sait dépasser le
carcan de son parti, sans jamais brader ses valeurs. C'est devenu un ami. Il
fut un très bon ministre de l'Ecologie (la Loire lui doit beaucoup) et aussi de
l'Agriculture. Comme Commissaire européen, il fait à Bruxelles un travail très
précieux et opiniâtre sur la régulation de la finance. »
- Nathalie Kosciusko-Morizet
« C'est une
personnalité brillante, elle a été l'une premières “vertes” à droite.
Extremement compétente sur tous les sujets environnementaux. Son ambition
politique lui fait parfois manquer d'objectivité. »
- Daniel Cohn-Bendit
« Je dis souvent que
pour comprendre Dany Cohn Bendit, il faut avoir fait “psy + 25”. Sauf que je ne
suis pas entré en politique pour ça. Dany est un vrai subversif qui s'amuse
depuis quarante-cinq ans à faire dérailler le système chaque fois qu'il le peut.
Il a insisté comme nul
autre pour que je me présente aux primaires d'EELV, en me disant que je
pourrais compter sur lui. Sauf que durant toute la campagne, je n'ai reçu de sa
part que des mots blessants et des attaques. Je n'exclus pas complètement l'hypothèse
selon laquelle lui et d'autres m'ont encouragé à les rejoindre pour m'empêcher
de me présenter, seul, contre eux, sur le créneau de l'écologie. Et mieux
m'éliminer ensuite. »
- Nicolas Sarkozy
« On m'a souvent
demandé si Sarkozy était vraiment sincère et concerné par les problèmes
environnementaux. Sans doute, au départ, a-t-il été pris dans un processus et y
a-t-il eu de sa part un peu d'opportunisme. Ensuite, il a travaillé sur le
sujet, et il y avait une part de conviction.
Il n'y a rien que lui
et moi ayons acté ensemble qu'il n'ait pas tenu. Il a fait voter la taxe
carbone retoquée ensuite par le conseil constitutionnel, il a nommé un ministre
d'Etat du développement durable aux compétences élargies et, surtout, il a lancé
et soutenu le Grenelle de l Environnement. A Copenhague il a été très offensif.
Puis, par la suite, le sujet semblait l'agacer. »
- François Mitterrand
« A sa demande, il m'a
reçu à l'Elysée. Ce fut un grand moment de solitude. Je crois qu'en fait il ne
savait pas qui j'étais et qu'en réalité un conseiller avait décidé pour lui de
ma venue. Il ne m'a quasiment pas adressé la parole, je crois même que nos
regards ne se sont pas croisés une seule fois. Visiblement, le sujet ne
l'intéressait pas. A sa décharge, quand il m'a reçu, il était déjà très
affaibli par la maladie et avait sans doute d'autres soucis en tête que les
préoccupations environnementales de Nicolas Hulot… »
- François Hollande
« J'ai une relation
franche, sincère et respectueuse avec le Président. Il considère que notre
dialogue et ma mission sont compatibles avec ma liberté de parole. Il a accepté
que la France accueille la conférence climat en 2015, c'est d'une grande audace.
Pour le reste, tout reste à faire. »
- Eva Joly
« Nous avions un
pacte, elle l'a rompu. C'est une affaire classée mais l'enjeu écologique a
beaucoup souffert d'une campagne à l'ambiance calamiteuse. »
- Cécile Duflot
« Au contraire du
double langage de Cohn-Bendit et de Noël Mamère, je pense que Cécile Duflot a
été sincère avec moi. Ses conseils ont été bienveillants et pertinents. En
revanche, je regrette qu'elle n'ait pas “tenu” la primaire comme elle aurait dû
le faire en tant que patronne : nous nous sommes retrouvés dans un barnum
monstrueux au ras des pâquerettes, pas digne de nos enjeux.
Cela a clairement été
préjudiciable au mouvement et, plus grave, à l'écologie. La campagne a été
indigente, et EELV n'a pas réussi à contraindre les autres candidats à
s'emparer de ses thèmes. Je compte sur les doigts d'une main les candidats des
grandes formations politiques qui ont prononcé les mots “écologie”, “énergie”
ou “changement climatique”… »
- Ségolène Royal
« C'est une femme de
courage et de détermination, mais j'avoue avoir été dépité lors de mes rares
rencontres avec elle car curieusement la presse était toujours convoquée
officieusement… Plus triste, nous avions convenu, au moment du Pacte
écologique, de la nécessité d'une taxe carbone dès lors que l'on garantirait
son équité sociale.
Pour des raisons
strictement politiciennes et parce que Nicolas Sarkozy en a été l'initiateur,
elle l'a torpillée et a anéanti des mois de travail, notamment le travail fait
par la commission Rocard justement sur la neutralité de la taxe pour les plus
démunis. Je regrette qu'elle ne soit pas suffisamment dans la proposition
surtout à la hauteur de ces enjeux. »
- Jean-Luc Mélenchon
« Oui j'ai fini par
voter pour lui. Dans la campagne 2012, il etait le seul à avoir parlé de “règle
verte”, de planification écologique et de la nécessité de remettre la finance
au pas. Et il a été sur ce sujet bien meilleur pédagogue et orateur que d'autres.
On ne s'est jamais rencontrés. »
- Jean-Louis Borloo
« J'ai une grande
estime pour Jean-Louis Borloo, qui a porté le Grenelle à bout de bras. On s'est
parfois engueulé, jamais fâché. »
Nicolas Hulo. © Julien Mignot pour Télérama
Source telerama.fr Propos recueillis par Weronika Zarachowicz
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