La Petite histoire du Chocolat
De tout temps, le
chocolat s’est vu attribuer un certain nombre de vertus, de manière plus ou
moins fondée. Depuis la découverte du chocolat (et de l’Amérique), on peut
tracer une double histoire du chocolat comme aliment et comme médicament. Il
faut souligner que ce que nous désignons par chocolat renvoie à des réalités
bien différentes en fonction des époques, ce qui peut expliquer certaines
confusions, fortuites ou provoquées.
- Les rois mixtèques buvaient du chocolat
Chez les populations
précolombiennes, le chocolat avait déjà une double fonction alimentaire et
thérapeutique. C’était par ailleurs un produit de luxe et les fèves de cacao
étaient utilisées comme monnaie. Le xocoalt,
le chocolat des Aztèques, avait peu de rapport avec celui que nous connaissons.
Il s’agissait d’une boisson rouge, amère et sans sucre, préparée avec du cacao,
de la farine de maïs, du piment et des graines de rocous. De manière générale,
avant le XIXe siècle, quand on parle de chocolat, il s’agit de boisson. Chez
les Aztèques, c’était une boisson royale considérée comme un aphrodisiaque. Les
observations des premiers médecins espagnols sur la pharmacopée des Amérindiens
montrent que le chocolat était utilisé pour lutter contre les problèmes
digestifs, la dysenterie et les fièvres. En Colombie, les propriétés de la
théobromine, principe actif du cacao, comme stimulant cardiaque étaient déjà
connues. Par ailleurs, le beurre de cacao était utilisé pour traiter les
brûlures et les problèmes de peau.
- La médecine espagnole s’y intéresse déjà à la Renaissance
Les médecins espagnols
se sont très tôt intéressés à ce breuvage. Adaptant leur observation de la
médecine traditionnelle indienne à la théorie des humeurs, ils concoctent, en
élaborant des variations de la recette du chocolat aztèque, différentes préparations
adaptées à chaque tempérament. Par exemple, les sanguins ont un chocolat
dépourvu de farine de maïs, les mélancoliques un chocolat sans piment, alors
que pour les flegmatiques, le chocolat doit être enrichi en épices et servi
très chaud.
Avant le XIXe siècle,
lorsqu’on parle de chocolat, il s’agit de boisson. Assez rapidement, les
Européens vont y ajouter du sucre, en dépit des recommandations de certains
médecins.
Les premières
chocolateries ouvrent au Mexique dès le XVIe siècle, puis la fabrication de
chocolat se développe en Espagne où elle est confiée aux monastères réputés
pour leur habileté dans le domaine de la pharmacopée.
- Son introduction en France
En France, le chocolat
est officiellement introduit à la cour de France par Anne d’Autriche, épouse de
Louis XIII et fille du roi d’Espagne. Sa consommation dans l’entourage royal et
dans la haute société va s’accroître sous le règne de Louis XIV pour atteindre
son apogée sous celui de Louis XV.
À ce stade, le
chocolat est déjà fort différent du chocolat des Aztèques. C’est néanmoins une
boisson de luxe, très grasse dans la mesure où le beurre de cacao n’est pas
isolé, à la préparation compliquée. La pâte de cacao est chauffée avec un peu
d’eau dans une chocolatière, battue régulièrement avec un moussoir, préparée
avec du sucre, ainsi que des épices comme le clou de girofle, la cannelle et la
vanille, supposées rendre la boisson plus digeste.
Parallèlement à
l’engouement qu’il suscite chez les gastronomes de la cour ou des cafés, le
chocolat va, dès sa découverte par les européens, être un sujet d’étude pour
les médecins et les pharmaciens. On trouve sa première mention dès 1579, dans
le traité de médecine de Augustin Farfan, médecin du roi d’Espagne. Les
rubriques qui lui sont consacrées dans les traités se multiplient aussi vite
que sa consommation. De manière générale, les médecins attribuent au chocolat
des propriétés fortifiantes et reconstituantes pour les personnes amaigries à
la suite de maladies, en particulier les tuberculeux. Bien que peu digeste, il
est considéré comme un fortifiant pour l’estomac et jusqu’au XIXe siècle comme
un fortifiant du cerveau. Quasi-panacée, il est supposé guérir toute sorte de
fièvre, les maladies nerveuses, la dysenterie, le choléra.
Toutefois, il est très
tôt déconseillé de le consommer en excès, car il serait alors source
d’insomnie, de constipation, il ferait épaissir le sang, voire bien pire si
l’on en croit Madame de Sévigné. Celle-ci raconte en effet la mésaventure de la
marquise de Coëtlogon, qui, en raison d’une consommation excessive de chocolat
lors de sa grossesse, aurait accouché d’un « petit garçon noir comme le
diable, qui mourut. » Comme quoi, les effets secondaires attribués à une
substance sont parfois bien plus fantaisistes que ses prétendus
bienfaits !
L’intérêt des médecins
et des pharmaciens pour le chocolat va contribuer à son essor puisque plusieurs
innovations dans la préparation du chocolat sont le fait de pharmaciens ou de
médecins. On doit par exemple le chocolat au lait à Sir Hans Sloane, médecin de
la reine Anne et du roi George II d’Angleterre. L’ajout de lait avait pour but
de rendre le chocolat plus digeste.
En effet, jusque là,
le procédé de fabrication du chocolat ne débarrasse pas le cacao de sa graisse
et il est donc indigeste pour certaines personnes, ce qui constitue un des
problèmes sur lesquels vont se pencher médecins et ingénieurs au cours du XIXe et
du XXe siècle. Les personnes ne digérant pas le chocolat avaient toutefois la
possibilité de consommer des infusions à base de coque de cacao, beaucoup moins
chères que le chocolat et recommandées comme tonique.
Au cours du XIXe
siècle, l’invention de différents procédés permettant d’obtenir de la poudre de
cacao en filtrant la graisse du beurre de cacao va permettre la préparation de
boissons instantanées, beaucoup plus faciles à préparer et plus digestes. Le précurseur,
van Houten, va être bientôt suivi par d’autres inventeurs, y compris dans des
préparations renouant avec l’usage aztèque des céréales dans le chocolat si
l’on considère par exemple Banania et sa poudre pour boisson instantanée à base
de cacao, céréales et banane.
Le chocolat entre
également dans la préparation de produits pharmaceutiques. Il est d’ailleurs
vendu en pharmacie et fait partie des ingrédients des officines dès le XVIIe
siècle. Il est rapidement utilisé dans les médicaments pédiatriques,
essentiellement pour masquer l’amertume des principes actifs. L’usage des
chocolats pharmaceutiques se multiplie au XIXe siècle. On distingue alors cinq
catégories de chocolats dit « médicaux » :
les chocolats
« fortifiants » ou « reconstituants », aliments très riches
à
destination des
personnes amaigries à la suite de maladies ;
les chocolats
ferrugineux (différentes préparations contenant des oxydes de fer) ;
les chocolats
purgatifs ;
les chocolats à la
quinine contre le choléra ;
les chocolats
vermifuges.
Le fait que le
chocolat, y compris alimentaire, soit distribué en pharmacie renforçait sa
réputation d’aliment santé. Certains pharmaciens et industriels surent en tirer
profit pour valoriser la vente d’un chocolat alimentaire comme « chocolat
de régime ». Un article de la revue d’histoire de la pharmacie se penche
sur le cas de Ludovic Dardenne. Le pharmacien Ludovic Dardenne, inventeur
prolixe, met au point en 1810 un chocolat en poudre cuit pour boisson
instantanée qu’il commercialise sous le nom ludique de chocolat yoyo. Il
brevète l’année suivante le procédé de fabrication décrit comme un
« appareil pour la fabrication d’un chocolat cuit, digeste, contenant
toutes les parties nutritives et reconstituantes du cacao et prêt à être consommé
à l’eau ou au lait sans nouvelle cuisson ».
Le premier
argumentaire reposait sur la facilité de préparation, toutefois, face à la
floraison des différentes boissons chocolatées au début du XXe siècle, Ludovic
Dardenne doit changer d’argumentaire. Il est dès lors question de
« chocolat de régime Dardenne » « parfaitement toléré par les
foies les plus sensibles et les intestins fragiles, ne constipant pas ».
Bien qu’en 1926 le pharmacien renouvelle son dépôt sous la marque « Yo-Yo
chocolat cuit », l’appellation « chocolat de régime » finit par
s’imposer, renforcée par la publicité.
Cette orientation
diététique atteint son apogée au cours des années 1960-70 où la publicité,
diffusée sous forme de buvards ou de pavés publicitaires, clame notamment
l’innocuité de ce chocolat grâce au procédé de fabrication qui transforme et
diminue les éléments nocifs. L’argumentaire du message publicitaire se
construit autour d’un jargon médical, renforçant l’image d’alicament du
produit : « On constate la diminution des stérols [...], des
tanins », « de nombreux médecins le conseillent aux enfants, aux
hépatiques entériques et cholémiques, en plus il ne constipe pas ».
Ainsi, originellement
conçu comme une friandise, c’est son enrobage publicitaire thérapeutique et sa
commercialisation comme « chocolat de régime » (certainement pas
amaigrissant) qui fit le succès du chocolat Dardenne.
- Cailler crée le chocolat au lait
En 1819,
François-Louis Cailler fonde la chocolaterie Cailler, qui est la première
fabrique moderne de chocolat de Suisse grâce aux machines qu’il crée. En effet,
c’est le premier homme qui automatisa la fabrication du chocolat. Il a pu donc
le vendre moins cher. Quand il mourut, c’est son petit-fils qui décida de
reprendre la fabrique, Alexandre-Louis Cailler. Il voulait agrandir la
fabrique. Un jour, il se promenait dans la région de Broc en Gruyère, il trouva
l’Endroit très propice à l’emplacement de la nouvelle fabrique, car une ligne
de chemin de fer passait à proximité et le lait des vaches était excellent. Un
an plus tard, en 1899, la fabrique de Broc ouvre ses portes. Très vite, il va
apporter un modification dans la fabrication du chocolat, il va le faire avec
du lait et non du chocolat en poudre et de l’eau, ce qui se faisait jusque
alors. De nos jours, la fabrique de Broc est la seule à fabriquer du chocolat
Cailler et elle compte environ 400 employés en 1911, la société s’appelle
« Peter, Cailler, Kohler, Chocolats Suisses S.A. ». En 1929, Nestlé
achète la compagnie de Peter pour fonder Chocolats Peter, Cailler, Kohler,
Nestlé.
En 1923, Frigor un
chocolat fourré est inventé. En 1929, Cailler fusionne avec Nestlé.
Le seul lieu de
fabrication de la marque Cailler est à Broc, elle emploie 400 personnes en
Gruyère. Depuis avril 2010, un nouveau parcours visiteurs est en place. Ceci
permettant de visiter la fabrique, de comprendre la fabrication du chocolat et
de déguster le produit.
Si aujourd’hui on ne
va plus acheter son chocolat en pharmacie et que, dépourvu du statut de
médicament, il est passé du statut d’aliment à celui de friandise, il continue
néanmoins à intéresser la recherche pharmaceutique et médicale, notamment pour
les propriétés protectrices de ses stérols pour le cœur.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire