Sébastien Rutés
Mélancolie
des corbeaux
(4ème de couverture)
Au parc
Montsouris, le long des pentes de la voie ferrée désaffectée, Karka le Corbeau
freux vit en ermite dans un arbre. Dédaigneux des Pies bavardes et des Canards
cancaniers, ses voisins, il coule des jours mélancoliques à contempler le
passage des nuages et la vie sur les rives du bassin, depuis qu'autrefois son
aile fut brisée par un Epervier.
Aux
questions amères que lui inspire son destin il ne trouve pas d'autres réponses
que celles que lui dicte l'instinct, dont il ne se satisfait guère. Animal
marginal, il ressasse en solitaire sa nostalgie des forêts jusqu'au jour où les
Mouettes colportent au parc la rumeur de la disparition des bêtes du bois de
Boulogne et que Krarok, le Grand Corbeau du Conseil des animaux de Paris, se
résout enfin à le faire mander, après toutes ces années.
Dans la
charpente de Notre-Dame, où Krarok tient audience sous l'Aigle mystique de
saint Jean, ont lieu les retrouvailles et la révélation : des Lions rôderaient
dans les bois de Paris ! Avant qu'ils ne s'en prennent aux Humains, Karka,
l'ancien messager oublié des conseillers, doit mener l'enquête avec une
Tourterelle imbue de sa blancheur, une séduisante Corneille et un fantasque
Toucan qu'il a libéré de sa cage...
Avec Mélancolie des corbeaux, son premier roman à
paraître dans la collection « Actes noirs », Sébastien Rutés compose
une variation étrange et envoûtante sur le roman d’investigation, à mi-chemin
entre la fable animalière et le conte philosophique.
Maître de conférences, Sébastien Rutés enseigne la
littérature latino-américaine. Spécialiste des genres, il a publié de nombreux
articles universitaires sur le roman policier hispano-américain et un essai
consacré au Mexicain Paco Ignacio Taibo II. Il est l’auteur de plusieurs
nouvelles, en espagnol et en français, et de deux romans publiés aux éditions
L’Atinoir : Le Linceul du vieux monde
(2008) et La Loi de l’Ouest (2009).
(1ere phrase :)
Sur les hauteurs du
parc Montsouris, les féviers d’Amérique poussent le long des pentes de la voie
ferrée désaffectée.
(Dernière phrase :)
Désormais, mon aile
peut blanchir en paix.
239 pages – Editions
Actes Sud 2011
(Aide mémoire perso :)
Si son espèce est plutôt grégaire, le vieux
corbeau préfère aujourd’hui sa solitude. Il fut autrefois un véritable
bourlingueur, vie trépidante qu’il regrette. Une blessure à l’aile, qui le fait
encore souffrir, l’obligea finalement à s’installer à Paris: “Jusqu’à mon
accident, je n’y venais que rarement. Mes migrations occasionnelles ne
survolaient pas la capitale, et ce n’était qu’à l’appel de Krarok que je
quittais l’abri des futaies alpines.”
Logeant dans la charpente de Notre-Dame, Krarok
est le maître du Conseil des animaux de Paris. Karka et lui sont amis de longue
date. Karka s’est éloigné de cette assemblée, non seulement à cause de sa
blessure, mais sans doute car il n’a guère de sympathie pour le Grand Duc Bubo.
Des faits inquiétants se déroulant depuis peu au Bois de Boulogne, Krarok
charge son ami d’une mission. On signale la disparition de bêtes, sans que l’on
retrouve les corps.
On soupçonne des lions d’avoir pris possession
du Bois. Ce qui, bien sûr, ne correspond à aucune répartition des zones
animalières parisiennes prévues par le Conseil. Pour éclaircir l’affaire, les
vieilles méthodes de Karka seront probablement les plus efficaces. Il commence
par interroger Léon, le vieux lion emprisonné au Jardin des Plantes. Karka
apprend ainsi la disparition suspecte de Pfurr, le chat du gardien. Il existe
certainement un lien avec l’affaire des lions.
Entre la jeune corneille mantelée qui s’est
installée en voisine, et la tourterelle émissaire du Conseil qui ne manque pas
d’aplomb, Karka se sent flatté que de belles oiselles s’intéressent à lui.
Tandis qu’il enquête sur le cas de Pfurr dans un refuge SPA, où tant de chats
sont encagés, Karka libère un toucan enfermé. Ce Jérémie ne tarde pas à le
rejoindre au Parc Montsouris.
“Il y avait trop de félidés dans cette affaire
de fauves. C’était du côté des chats qu’il me fallait enquêter” conclut Karka
après ses premières investigations. Toutefois, la fréquentation des siamois
n’est pas sans danger même s’ils nient être impliqués. Il y aurait encore la
piste plus hasardeuse d’un cirque, dont les animaux se seraient échappés.
L’hiver arrivant sur Paris, l’enquête de Karka s’enlise dans le silence et le
froid. Néanmoins, les sourdes tensions qui règnent entre animaux vont pousser le
corbeaux chevronné à réagir…
Dans tous les polars, on croise fatalement de
drôles d’oiseaux, quelques trop crédules pigeons, plus souvent des rapaces que
des blanches colombes. Les détectives y laissent souvent des plumes, tandis que
des volatiles appelés poulets n’ont pas toujours le beau rôle. D’habitude, le
corbeau est celui qui expédie des dénonciations anonymes. La noirceur de son
plumage, ses croassements narquois, et son goût des déchets parfois sanglants,
en font un oiseau patibulaire, sinon morbide autant que néfaste. Il était temps
de réhabiliter l’image trop sinistre du corbeau. Au nom de ces bêtes à plumes,
remercions Sébastien Rutès.
Conte animalier polardeux ? Oser l’inventivité,
tenter la différence, voilà une expérience trop rare chez la plupart des
auteurs. Qu’importe de classer ce livre parmi les romans noirs, les œuvres hors
normes ou autres catégories formatées. Ne ghettoïsons pas, n’imposons pas de
frontières, évitons les étiquettes. Applaudissons quand un romancier imagine
une intrigue excentrique, inspirée. Soyons curieux des formes singulières, de
ce décalage qu’on nous propose ici.
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