Et si en 2017, l’État arrêtait
« d’emmerder les Français » ?
L’année
dernière a été particulièrement redoutable pour nos libertés : retrouvez la
liste non exhaustive des interdictions nées en 2016.
Puisqu’il est de coutume de dresser le bilan de l’année passée,
voyons un peu combien de libertés nous avons perdues en 2016. Je ne parle pas
des grandes libertés civiles, déjà gravement mises à mal par la Loi
renseignement ou l’état d’urgence. Mais des petites libertés quotidiennes qui
font le charme de la vie en société.
Quelques
interdictions nées en 2016
Nos sagaces représentants ont ainsi décidé de nous interdire,
dans le désordre :
- les vitres teintées pour les voitures (dès lors que le taux de transparence, précise le décret, est inférieur à 70%) ;
- la fessée pour les enfants (et même « tout recours aux violences corporelles » : quid alors des emmaillotages de nouveaux-nés ?) ;
- la moto sans gants (pour savoir quels gants sont homologués, prière de vous référer à la directive CE 89/686, sans quoi vous perdrez un point de permis) ;
- les sacs de caisse en plastique (d’une épaisseur inférieure à 50 microns, merci de vérifier à l’aide d’un microscope) ;
- les véhicules anciens dans les rues de Paris (immatriculés avant le 1er janvier 1997 : place aux Millennials) ;
- la cigarette électronique sur le lieu de travail (car comprenez-vous, le geste « rappelle celui de fumer » et « pourrait devenir un point d’entrée vers le tabagisme », nous dit le législateur) ;
- et last but not least, l’achat d’actes sexuels (mais pas leur vente : comprenne qui pourra).
Ce
n’est plus l’État-Nounou, mais l’État-Folcoche,
comme la marâtre de Vipère au poing.
Des
interdictions insidieuses
Ce sont des détails, me direz-vous.
Justement. Ainsi que l’écrit Tocqueville dans les derniers
chapitres fameux et hélas toujours aussi pertinents de la Démocratie en
Amérique,
« On oublie que c’est surtout
dans le détail qu’il est dangereux d’asservir les hommes. »
Ils perdent peu à peu la pratique de la liberté, et le goût de
la défendre. C’est pour notre bien, me direz-vous : n’est-il pas préférable
pour les enfants d’échapper à la baffe, pour la nature d’être préservée des
plastiques et des pots d’échappement, pour les femmes (et les hommes) de ne pas
être traité(e)s en objets sexuels, et pour la police de pouvoir observer les
conducteurs de 4×4 suspects ?
Justement. Tocqueville voyait émerger avec frayeur
au-dessus des citoyens ce « pouvoir immense et
tutélaire » qui
« travaille volontiers à leur
bonheur ; mais il veut en être l’unique agent et le seul arbitre ; il pourvoit
à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, (…)
que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre
? »
Nous abandonnons année après année des libertés trop fatigantes,
en nous rapprochant toujours davantage de ce « despotisme démocratique »
redouté par le lumineux philosophe il y a près de deux siècles.
En dépit de nos badineries sur les moeurs et de nos prétentions
progressistes, nous avons développé collectivement une forme de morale d’État
plus répressive et ubiquiste que le clergé de jadis. Comme toute morale, elle
génère une redoutable hypocrisie, qui pourchasse les vices des faibles plutôt
que de dénoncer les crimes des forts.
On impose des paquets neutres aux fumeurs, mais on déploie des
trésors de diplomatie pour vendre nos Rafales, sans images dissuasives
d’enfants sous les bombes. On refuse aux vieilles guimbardes l’entrée de Paris,
mais on continue à subventionner massivement les énergies fossiles. On invoque
la dignité humaine, mais on dénie aux prostitué(e)s les garanties légales qui
leur permettraient d’exercer correctement un métier difficile. Tartuffes !
Au lieu
d’interdictions, mettre en oeuvre des politiques publiques
À la symbolique de la sanction, il serait pourtant
possible de substituer une éthique de la responsabilité. En instaurant une taxe carbone pour protéger notre
environnement. En faisant payer, via des mécanismes d’assurance, ceux qui
viennent engorger les hôpitaux pour avoir conduit une moto sans protection
adéquate. En légalisant et régulant les activités prostitutionnelles pour mieux sévir contre la traite et l’exploitation. En
appliquant l’article du Code pénal qui condamne à juste titre la maltraitance à
l’égard des enfants. Bref, en élaborant des politiques publiques qui nous
traitent en adultes. Faute de quoi, les trois quarts des Français qui, selon
l’institut Viavoice, estiment souffrir d’un trop grand nombre d’interdits,
risquent bien de se rebeller.
Je propose donc une bonne résolution à nos responsables
politiques pour 2017, facile à tenir, et inspirée de notre président-poète
Georges Pompidou : arrêtez de nous emmerder !
Source contrepoints.org
Photo Liberty Broken by David
Schnexnaydre(CC BY-NC 2.0)
Par Gaspard Koenig.
Gaspard Koenig est le président
du think-tank Génération Libre. Auteur de romans et d’essais, il intervient
régulièrement dans les médias. Son dernier livre Le révolutionnaire, l'expert
et le geek est paru chez Plon cette année.
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