Entre les deux tours des régionales, la réponse
d’un abstentionniste au prof de philo animateur de radio Raphaël Enthoven.
Raphaël Enthoven prétend faire la morale aux
abstentionnistes en déclarant « Abstention, piège à con ».
Les abstentionnistes
seraient d’abord des ingrats, qui « négligent
les acquis que d’autres ont payé de leur vie ». Apparemment,
des gens sont morts pour que nous ayons le droit de voter entre une poire à
lavement et un sandwich au caca, ou à peu près. S’ils sont vraiment morts pour
ça, ils n’auraient pas dû !
« Suspendre son vote à la coïncidence improbable
de ses désirs et des propositions que font les politiques » serait
une attitude « d’enfant gâté ».
Entre la peste et le choléra, il faudrait donc choisir, peu importe quoi. Jouer
à pile ou face avec l’avenir puisque finalement, le résultat sera le même. Mais
si le résultat est le même, pourquoi avez-vous tant besoin de mon vote ? Ne
pouvez-vous pas décider entre vous qui endettera les générations futures pour
financer des projets inutiles ?
Les abstentionnistes
ne sont pas « fainéants et
malhonnêtes ». Qu’y a-t-il de plus malhonnête que se
donner bonne conscience en déposant un bulletin dans l’urne tout en
sachant que quel que soit le choix qu’on fait, il sera mauvais ? Qu’y
a-t-il de plus paresseux que de consentir mollement à sa propre servitude en
donnant sa caution à des incapables ?
Voter n’est pas un
devoir. Est-on libre quand on n’est libre que d’accepter, jamais de refuser
? Étant donné la situation, s’abstenir est un devoir ! Mieux vaut que les
abstentionnistes « s’en remettent à
des gens qu’ils n’ont pas élus pour gérer les transports, la culture ou les
lycées » plutôt qu’ils aillent élire des gens pour mal les
gérer.
Alors que l’animateur
vous invite à considérer que de nombreux abstentionnistes souhaitent que le
vote blanc soit comptabilisé, vous affirmez que « c’est
tout à fait autre chose ». Le vote blanc est effectivement tout à
fait autre chose : le vote blanc n’étant pas comptabilisé, voter blanc
revient aujourd’hui à gonfler la légitimité des élus. Comptabiliser les
votes blancs permettrait au contraire aux abstentionnistes d’exprimer leur
divergence avec les propositions qui leur sont faites, sans être injuriés par
des philosophes de comptoir.
« L’abstentionniste n’est pas un électeur
tellement exigeant qu’en son âme et conscience, après un examen minutieux,
aucune proposition ne le satisfait. » Comment le savez-vous,
monsieur Enthoven ? Êtes-vous medium, en plus de philosophe ? Vous qui
avez voté, vous qui avez prétendument procédé à un examen minutieux,
pouvez-vous justifier votre vote ?
D’après vous, les
abstentionnistes « brandissent la nullité
des politiques opportunément pour justifier leur flemme ». Mais
n’est-ce pas vous qui brandissez leur flemme pour justifier la nullité des
politiques ? Est-ce vraiment la faute de ceux qui n’ont pas voté si le FN fait
des scores élevés, si les élus prennent les mauvaises décisions ?
En somme, pour vous,
monsieur Enthoven, il faudrait cesser de trouver des excuses aux
abstentionnistes. Mais quelle est l’excuse de ceux qui votent ? Quelle est
votre excuse ? N’avez-vous rien de mieux à faire qu’aller donner
votre caution à des incapables irresponsables, qui trahissent les idéaux
et dénaturent les valeurs dont ils se revendiquent ?
En ne votant pas, je choisis le dirigeant
qui me convient : aucun. En ne votant pas, je donne mon opinion :
c’est non.
L’abstention est mon
vote. En ne votant pas, je choisis le dirigeant qui me convient
: aucun. En ne votant pas, je donne mon opinion : c’est non. Je n’ai
pas besoin de dirigeants. Je n’ai pas besoin qu’on décide pour moi, et surtout
pas comme on le fait aujourd’hui. Et je n’ai pas besoin d’excuse pour cela. Je
ne veux pas décider par procuration. Je ne veux pas voter pour quelqu’un qui
déciderait à ma place. Je ne veux pas donner mon vote et une quelconque
légitimité démocratique à qui que ce soit.
En quarante ans,
jamais la France n’a connu un budget équilibré. Les chômeurs se comptent
en millions, le déficit en % du PIB et la croissance en décimales. Je ne sais
pas si vous êtes déçu à chaque élection mais à votre place, je le serais. Si je
ne le suis pas, c’est parce que je n’en attends rien.
Je n’attends pas des
politiques qu’ils prennent ma vie en main, du berceau à la tombe ; qu’ils
s’immiscent dans mon assiette, ma voiture, ma maison, mon travail et même mon
lit. J’estime que c’est à moi de le faire, que c’est à chacun de gérer sa vie,
et que c’est à nous tous de régler les problèmes que nous jugeons importants à
nos yeux. Votre comédie démocratique n’est pas un problème suffisamment
important pour nous mobiliser ; vos élections ne sont pas dignes de mon temps.
Je vous les laisse. Faites-en ce que vous voulez : elles sont à vous. Ce
n’est pas dans le doute que je m’abstiens, mais dans la certitude.
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