Loi sur le renseignement
Loi sur le renseignement : l’acte de
naissance d’une police politique ?
S’inspirant directement de « l’exemple »
américain, le gouvernement a fait approuver par le parlement une loi sur le
renseignement dangereusement liberticide.
Vous êtes suspecté en
permanence de terrorisme. Oui, même si vous êtes une mère de famille postant
les photos de son dernier gâteau au chocolat. Votre vie privée est dorénavant
sous coupe réglée. Les sbires de l’État y accèdent quand ils le souhaitent.
En effet, le 5 mai,
les députés ont voté massivement le texte N°2669 intitulé « projet de loi sur
le renseignement ». Manuel Valls assure que la loi s’appliquera uniquement dans
le cadre de la lutte antiterroriste : « La surveillance sera ciblée strictement
sur les comportements menaçants. Les données tierces ne seront pas accessibles
ou exploitables par les services. » Mais ne sera-t-elle pas également appliquée
pour d’autres cas, par exemple contre l’activisme politique ? Vous pensez que
je délire, que je suis paranoïaque ? Regardons plutôt ce qui s’est passé de
l’autre côté de l’Atlantique.
Le cas américain préfigure ce qui nous attend en France
Les révélations
d’Edward Snowden sur la NSA ont dévoilé l’ampleur des atteintes aux libertés.
Le programme Prism, permet à la NSA d’avoir un accès privilégié aux serveurs et
aux données de neuf géants de l’Internet, parmi lesquels Google, Microsoft,
Facebook et Yahoo. Dans le sillage du 11 septembre 2001 et de la menace
terroriste persistante, le gouvernement américain a mis en place le « USA
Patriot Act », sous Bush Jr., ainsi que d’autres nouvelles lois et décrets
anti-terroristes sous Obama. Conformément à l’article 207 (III) du Patriot Act,
le gouvernement fédéral peut espionner tous les appels téléphoniques, fax et
e-mail à volonté – sans mandat de perquisition.
Sur simple demande du gouvernement…
Les fournisseurs de
services Internet doivent retourner les dossiers de courrier électronique et
leurs informations sur la clientèle sur simple demande du gouvernement. Les
compagnies de téléphone doivent également remettre des enregistrements
téléphoniques détaillés, y compris les numéros de carte de crédit ou de comptes
bancaires utilisés pour les paiements. Récemment, le FBI a développé un nouveau
logiciel appelé « lanterne magique » qui permet d’enregistrer chaque frappe
faite sur un ordinateur.
Aux États-Unis, pas plus de sécurité, mais moins de liberté
Depuis, surveillance
universelle, saisies de biens arbitraires, emprisonnements sans procès et
arrestations sommaires de « suspects » sont devenus des pratiques courantes.
Des pratiques qu’on croyait pourtant révolues depuis l’Allemagne nazie et la
Russie soviétique. De telles violations des libertés et de la vie privée
ont-elles leur place dans une société libre et civilisée et font-elles de
l’Amérique un pays plus sûr ? Les attentats de Boston n’ont pu être empêchés
malgré la surveillance généralisée par les agences gouvernementales. Pire : le
gouvernement américain s’est octroyé le droit d’utiliser la loi hors du cadre
du terrorisme. En 2013, sur les 11.129 demandes de perquisitions sur la base du
Patriot Act, seules 51 visaient des suspects d’actes terroristes. Le plus de
sécurité s’est donc soldé par moins de liberté.
Une frontière de plus en plus floue entre groupe terroriste et
opposition politique
Plus grave encore, la
frontière qui sépare le groupe terroriste de l’opposition politique s’estompe
progressivement. Le pouvoir se limite rarement à un objectif déclaré et c’est
ainsi que la définition des groupes terroristes potentiels a été élargie pour
inclure des groupes comme le Tea Party. En 2011, le vice-président Joe Biden a
accusé le Tea Party d’avoir « agi comme des terroristes » dans leur combat
contre le relèvement du plafond de la dette. Or quelques mois plus tard, l’IRS,
le département du fisc américain (Internal Revenue Service), a pris pour cible
les membres du Tea Party Patriot. L’affaire a été révélée au grand jour et a
mis dans l’embarras Obama et le parti démocrate.
Selon Jenny Beth
Martin, co-fondatrice du mouvement Tea Party Patriot, environ 1% des
contribuables américains ont été contrôlés chaque année par l’IRS, tandis que
10% de ceux qui ont donné de l’argent à des groupes Tea Party ont été contrôlés
depuis 2011.
Sans vie privée, il n’est point de libertés
En France, les
terroristes Merah et Kouachi-Coulibaly étaient surveillés. Pourtant, ils ont pu
arriver à leurs fins. C’est pourquoi on peut douter que les outils mis en place
par la nouvelle loi, permettant d’écouter toute la population française, parviendront
mieux à déjouer des attentats.
Mais le pire n’est pas
là. En effet la sécurité totale (risque zéro) n’est ni possible, ni souhaitable
car protéger la liberté en supprimant la liberté est un non-sens, une
contradiction. La liberté est plus précieuse que la sécurité. En effet, la
liberté n’est pas définie par la sécurité. La liberté est définie par la
capacité des citoyens à vivre sans subir l’interférence du gouvernement dans
leur vie privée. Or une sécurité totale ne pourrait être mise en place sans un
contrôle total sur la vie des citoyens. Seule une société totalitaire pourrait
se vanter d’apporter la sécurité totale à son peuple. C’est pourquoi le
gouvernement ne peut pas nous protéger contre toute forme de violence. Il ne
doit pas non plus nous protéger à n’importe quel prix.
La fin du domaine privé
Enfin, en perdant
l’anonymat, nous perdons notre capacité d’action, nous perdons la liberté
elle-même car on ne se sent plus libre d’exprimer ce qu’on pense. Glenn
Greenwald est le journaliste américain qui a travaillé avec Edward Snowden pour
révéler le scandale des écoutes de la NSA. Dans un livre consacré à cette
affaire, il écrit : « la vie privée est
essentielle à la liberté et au bonheur des hommes pour des raisons rarement
abordées, mais qui sont pourtant irréfutables. Premièrement, quand les
individus se savent observés, ils changent radicalement de comportement. Ils
s’efforcent de faire ce qu’on attend d’eux. Ils veulent s’éviter toute honte et
toute condamnation. Ils y parviennent en adhérant étroitement aux pratiques
sociales couramment admises, en se cantonnant dans des limites acceptées, en
évitant toute action susceptible de paraître déviante ou anormale. (…) C’est
dans le domaine privé que la créativité, le dissentiment et les défis à
l’orthodoxie peuvent germer. Une société où tout le monde sait qu’il peut être
observé par l’État – où, dans les faits, le domaine privé n’existe plus – est
une société où ces attributs sont perdus, tant au niveau collectif
qu’individuel. » (Nulle part où se
cacher, J.-C. Lattès, mai 2014).
Comment le gouvernement donne raison à Ben Laden…
En octobre 2001,
Oussama Ben Laden avait fait une prédiction : «
Je vous le dis, la liberté et les droits humains en Amérique sont condamnés. Le
gouvernement américain va conduire son peuple, et l’Occident en général, dans
un enfer insupportable et une vie étouffante. » (cité dans NewsMax.com
01/02/02).
En permettant au
gouvernement de détruire les libertés au nom de la lutte contre le terrorisme,
nous donnons pleinement raison à Ben Laden.
Source contrepoints.org
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