Réforme territoriale Hollande : dernier avatar du
jacobinisme
Les tares de
l’organisation territoriale remontent loin dans l’histoire de France. L’Ancien Régime et la Révolution de
Tocqueville avait décrit avec brio le fait que la centralisation caractérisait
l’Ancien Régime et que la Révolution avait moins été une rupture qu’une
confirmation. L’œuvre de centralisation s’est poursuivie à une tout autre
échelle sous la République, puis sous l’Empire. En dépit de plusieurs
changements normatifs, la France est restée un pays centralisé jusqu’à
l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand.
Les lois de
décentralisation de 1982-1983 ont certes desserré l’étau du gouvernement sur
les collectivités locales, mais elles ont surtout permis à l’opposition de se
constituer des baronnies inexpugnables ou peu s’en faut, motif pour lequel la
droite, traditionnellement centralisatrice, s’est en définitive bien accommodée
des nouveaux textes. De multiples scandales s’en sont suivis. Le budget des
collectivités locales a explosé, au même titre que le nombre des fonctionnaires
territoriaux, donc la dette publique et les impôts dits locaux.
Après avoir nié
l’évidence lors de la campagne électorale de 2012, François Hollande a
découvert il y a peu l’ampleur de la catastrophe. La réponse du pouvoir tient à
l’adoption d’une nouvelle réforme territoriale. Le débat, ces derniers jours,
s’est focalisé autour du nombre des régions. De 22, il fallait passer à 14,
puis à 13 ; des potentats locaux se sont déchirés sur le thème du « Touche pas
à ma région ! » en mettant en exergue de médiocres intérêts et en livrant un
cas clinique du « marché politique » qui sévit en France. Pourquoi au demeurant
vouloir réduire à tout prix le nombre des régions ? Pour constituer des régions
à taille européenne – cela rappelle les beaux jours du Gosplan – sur
le mode du « big is beautiful ». Pour soutenir les entreprises en accordant à
un échelon local le monopole des aides territoriales, nullement pour supprimer
les aides cela va de soi.
Une telle vision,
partagée par moult élus de l’opposition, s’inscrit une nouvelle fois dans la
lignée d’un jacobinisme et d’un interventionnisme bien français. La réforme
vient d’en haut ; elle provient du Deus ex
machina que constitue le Président de la République. C’est lui qui
tricote et détricote les régions comme un mécano, selon les canons du
constructivisme le plus éculé. C’est la « décentralisation centralisée »,
autrement dit la réforme territoriale à l’envers.
Au contraire, la vraie
réforme supposerait, pour être pertinente, le respect strict de la
subsidiarité, à commencer par la subsidiarité fiscale. Actuellement, les
collectivités locales ne sont pas autonomes parce qu’elles ne bénéficient pas
pour l’essentiel de ressources qui leur soient propres et parce qu’elles ne
sont pas libre de fixer totalement le poids de l’imposition, au prétexte de la
péréquation, traduisons : de l’égalitarisme. Elles en sont donc
réduites à quémander des ressources et autres subventions à l’État.
Une véritable réforme
territoriale ne peut advenir qu’en donnant au niveau local la place de choix
qui lui revient. Les impôts doivent être prélevés localement, ce qui permettra
d’une part de rapprocher le contribuable du citoyen, donc de conjuguer consentement
de l’impôt et consentement à l’impôt, et d’autre part de juguler
l’irresponsabilité des édiles, de créer une concurrence entre les collectivités
et les niveaux de collectivités, et de limiter les rentes de situation. On ne
se battra plus comme aujourd’hui sur le point de savoir si la région
Nord-Pas-de-Calais doit être fusionnée avec la Picardie, si le Poitou-Charentes
doit s’adjoindre au Limousin et à l’Aquitaine pour former des ensembles de
taille idoine et mieux subventionner les entreprises, ou encore si le nombre
des régions doit être réduit à 13 plutôt qu’à 14.
On ne s’écorchera plus
sur des questions dérisoires aux yeux des contribuables. On se livrera à la
concurrence pour attirer les individus et les sociétés dans des zones de droit,
et non plus de non-droit. Quant aux rapprochements entre collectivités locales,
ils s’effectueront spontanément et non plus par dirigisme. En ce sens,
l’existence actuelle de 37 000 communes en France, loin d’être un poids mort,
peut être envisagée comme une véritable richesse.
Source contrepoints.org
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