Test du marshmallow et succès dans la vie
Le test du marshmallow montre que chacun est
responsable de ses choix et a le pouvoir de dicter le cours de son avenir.
Walter Mischel est un
chercheur en psychologie de la Columbia University qui a été, depuis les années
1960, un pionnier dans la recherche sur l’habileté à retarder la satisfaction
et la maîtrise de soi. Sa plus grande contribution scientifique fut sans aucun
doute l’expérience
du marshmallow qu’il débuta à Stanford entre 1968 et 1974 et qu’il décrit
dans un livre récemment publié (à paraître très prochainement en
français). L’idée principale du livre est que la maîtrise de soi est une
habileté cognitive qui peut être acquise au cours de la vie, elle n’est pas
entièrement innée.
L’expérience du
marshmallow est simple. La première version concernait 550 enfants d’environ 5
ans. L’enfant est assis sur une chaise et devant lui se trouve une table sur
laquelle on retrouve deux assiettes. Dans la première, se trouve une
friandise/récompense que l’enfant aura choisie au préalable (souvent un
marshmallow). Dans la deuxième assiette, il y a deux friandises. On explique
ensuite à l’enfant que si à tout moment il appuie sur le bouton d’une sonnette
placée devant lui, il pourra obtenir l’assiette contenant un marshmallow. Par
contre, s’il patiente jusqu’au retour du moniteur 15 minutes plus tard, il
pourra obtenir l’assiette contenant deux marshmallows. Ensuite, le moniteur de
l’expérience sort de la pièce et laisse l’enfant seul avec la tentation. On
mesure ensuite le temps durant lequel l’enfant pourra tenir sans céder à
l’envie de manger la friandise.
La maîtrise de soi et le succès dans la vie
Quelques années après
avoir débuté ces expériences, Mischel remarqua un phénomène intéressant :
les enfants qui ont patienté jusqu’au retour du moniteur et obtenu la
récompense plus élevée réussissent mieux dans la vie. À l’enfance, leurs
résultats scolaires sont supérieurs. À l’adolescence, ils obtiennent un
meilleur pointage SAT à l’entrée
au collège et atteignent un niveau de scolarité supérieur. Vers la trentaine,
leur indice de masse corporelle est plus bas et leurs revenus plus élevés. Tous
les indicateurs observés démontrent que le temps d’attente de l’enfant est
corrélé à ses accomplissements dans sa vie future.
Mischel consacre une
bonne partie du livre à décrire les deux systèmes qui régissent nos décisions.
Le système limbique est plus primitif et plus influencé par les émotions. Il
détermine nos réactions à très court terme. Le cortex préfrontal quant à lui met
plus de temps à se développer (de la fin de l’enfance jusqu’au début de la
vingtaine) et fonctionne de manière plus rationnelle. Ce système influence
davantage les décisions à long terme. Mischel nomme ces deux systèmes comme
étant le « chaud » et le « froid ». Les jeunes enfants et,
dans une moindre mesure, les adolescents, sont très vulnérables aux égarements
du système limbique puisque leur cortex préfrontal est sous-développé. Plus
l’enfant vieillit, plus longtemps il attendra lors de l’expérience du
marshmallow. Les filles font aussi mieux que les garçons.
La maîtrise de soi : une habileté cognitive malléable ?
Durant des
millénaires, la maîtrise de soi a été considérée comme un trait immuable,
faisant de ceux qui en ont peu des perdants à la loterie biologique. En fait,
des expériences ont démontré que l’on peut apprendre à un enfant à modifier la
manière dont il perçoit un stimuli de manière à ce que la tentation soit
réduite. À cet égard, la créativité et l’imagination sont importantes. Les
enfants qui ont attendu jusqu’au bout avaient tendance à s’auto-divertir de
manière à faire passer le temps plus rapidement. Cela fait en sorte d’inhiber
le système chaud et d’activer le système froid.
Selon Mischel,
l’ensemble d’habilités cognitives qui permettent la maîtrise de soi constituent
la fonction exécutive (EF). Cette fonction permet de contrôler ses pensées, ses
impulsions, ses actions et ses émotions. Elle nous donne la liberté d’inhiber nos
envies de manière à rediriger notre attention vers les manières d’atteindre nos
objectifs à plus long terme, donc de planifier rationnellement plutôt que de
réagir compulsivement. Elle permet aussi de maîtriser les émotions négatives
comme la colère, l’agressivité et le pessimisme. L’EF nous rend plus apte à
être persévérant, à être optimiste, à gérer nos frustrations et à tolérer les
échecs. Pour Mischel, ces mécanismes neuronaux sont essentiels au succès dans
la vie. Par ailleurs, l’attitude constructive induite par une EF efficace
permet de se protéger des troubles mentaux tels que la dépression et l’anxiété.
Ainsi, la manière dont
on visualise les stimuli influence notre capacité à résister à la compulsion.
Par exemple, une personne voulant arrêter de fumer pourra focaliser son
attention sur des photos de gens atteints du cancer du poumon. On peut
s’imaginer que la cigarette est un bâton de dynamite qui va nous exploser en
pleine figure si on l’allume. Lorsqu’il est question de choix à plus long
terme, comme par exemple la décision d’épargner un montant pour sa retraite, on
peut aider les gens à repousser l’envie de dépenser l’argent immédiatement en
les amenant à visualiser leur avenir de la manière la plus concrète possible,
de manière à rendre l’avenir plus « chaud » comparativement au
présent.
Cependant, notre EF
peut se fatiguer. Une fois que l’on a accompli un acte requérant une certaine
maîtrise de soi, il se peut que l’on devienne plus enclin à céder à la
tentation si un autre stimulus survient. Par exemple, vous êtes à un cocktail
où l’on sert des boissons alcoolisées à volonté. Vous tenez le coup et éviter
d’en prendre car vous souhaitez rester sobre et surveiller votre ligne. Vous
planifiez aussi de ne pas prendre de dessert au souper suivant ce cocktail.
Cependant, après le souper, si le serveur vous propose un dessert, il sera plus
probable que vous le mangiez car votre EF aura été éprouvée par l’acte de vous
priver de boissons alcoolisées. Ce phénomène a été démontré scientifiquement
par l’expérience des radis (ici).
Conclusion
Ainsi, la leçon
principale des recherches menées par Mischel et ses pairs est que
l’architecture de notre cerveau n’est pas tant déterminée par notre ADN et
notre développement intra-utérus. Elle est en fait, plus malléable que l’on ne
l’avait imaginé et nous pouvons activement influencer la façon dont nous nous
comportons de manière à améliorer notre sort dans la vie.
Par contre, Mischel
déplore l’écart de succès dans la société, alors que plusieurs enfants naissent
dans des familles où la lecture n’est pas une activité valorisée, où leur
créativité n’est pas stimulée, où le niveau de langage à la maison est
déficient, où ils ne sont pas suffisamment alimentés pour être performant à
l’école, qui vivent dans des quartiers dangereux et fréquentent des écoles
violentes tout en étant exposés à de la violence physique et/ou verbale à la
maison, ce qui induit une anxiété quotidienne malsaine. Ces enfants n’évoluent
pas dans un contexte favorisant le développement de leur fonction exécutive, ce
qui fait en sorte qu’ils démarrent leur vie bien en arrière de la ligne de
départ.
Pour ma part, je
trouve que les implications du test du marshmallow sont très intéressantes.
Tout d’abord, il démontre qu’il y a un avantage à réduire sa satisfaction à
court terme pour obtenir une récompense plus élevée à plus long terme. C’est le
principe de base de l’épargne et de l’investissement, et donc du capitalisme.
Ce principe fondamental est à la fois valide pour l’individu et au niveau de la
société.
Deuxièmement, les
études citées par Mischel démontrent que cette habileté cognitive n’est pas
immuable. Chacun est responsable de ses choix et a le pouvoir de dicter le
cours de son avenir. Ceci dit, certains enfants évoluent dans un environnement
où il est plus difficile de faire les bons choix et de développer une
« fonction exécutive » performante. Par quels moyens pouvons-nous
pallier cette injustice ?
René Descartes disait
« je pense, donc je suis ». Walter Mischel ajoute : « je pense, donc je peux changer ce que je
suis ».
Source contrepoints.org
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