Absentéisme à l’Assemblée nationale et inflation
législative : deux plaies démocratiques
L’absentéisme au sein de
l’Assemblée nationale ainsi que l’inflation législative sont deux phénomènes
majeurs et regrettables.
L’absentéisme est un phénomène
majeur au sein de l’Assemblée nationale. Le taux de participation des députés
aux votes en séances publiques est estimé à 18 %, situation en partie due à la
surabondance de réunions concomitantes. Autre phénomène regrettable : l’inflation législative. En 2017, l’équivalent de
75 000 pages a été publié au Journal officiel.
Le 11 mai 2021, l’Assemblée
nationale a adopté le pass sanitaire. Sur ses 577 députés, seuls 293 étaient présents et ont voté (208 voix pour, 85 contre). Soit à
peine 50 %, exemple symptomatique de l’absentéisme dans nos instances
représentatives. Une loi qui va impacter fortement la vie des citoyens est
ainsi votée par un nombre réduit d’élus.
Il y a de graves carences dans
l’élaboration des lois et des actes législatifs. Même si, du fait du
présidentialisme français, l’Assemblée est plutôt une chambre d’enregistrement,
cet absentéisme nuit à la crédibilité des institutions.
ABSENTÉISME À L’ASSEMBLÉE
NATIONALE : MOINS D’UN TIERS DES DÉPUTÉS PARTICIPE AUX VOTES
Le site Datan compile un nombre important d’informations
relatives à l’activité parlementaire des députés. Leur taux de participation
aux votes fait partie des données. Deux scores
sont retenus.
Le premier ne prend en compte
que les votes en lien avec le domaine de spécialisation d’un député (chaque
député doit obligatoirement
être membre, en fonction de ses compétences, de
l’une des 8 commissions permanentes). Le deuxième prend en compte tous les
votes en séance publique.
Comme le précise Datan, les députés
votent principalement dans leur domaine de prédilection. Mais même dans ce cas,
le taux de participation moyen est de 39 %. Seuls 5 députés ont un score de 100 % : deux de LREM, un du Modem,
un de la France Insoumise (FI) et une de la Gauche radicale et républicaine.
Précisons que quatre de ces
députés sont membres de la commission de défense qui ne demande que 15 votes.
En revanche, pour les commissions examinant davantage de textes, comme la «
Finance » avec plus de 600 votes, le plus haut taux de participation est de 81
%.
Le taux pour tous les votes en
séance publique est de 18 %. Le score le plus élevé est celui d’Emmanuelle
Ménard (non-inscrite à un groupe politique) avec 63 %. Au niveau des groupes politiques, ce sont les députés d’Agir, de la FI et de LREM qui
participent le plus, avec un taux moyen de 21 %. En comparaison, il est de 14 %
pour les LR et de 12 % pour l’UDI, les plus absentéistes. Le fait qu’ils soient
dans l’opposition n’est pas une raison valable, compte tenu que la FI se montre
aussi active que la majorité.
Selon Datan, « ce
faible taux de participation s’explique par l’organisation du travail : avec
plusieurs réunions en même temps, seuls les députés spécialistes d’un sujet
participent aux discussions et votent en séance. »
Un point à mettre en lien avec
l’inflation législative : la quantité prime la qualité.
INFLATION LÉGISLATIVE,
DÉFLATION QUALITATIVE
Le nombre annuel de textes
législatifs a connu une hausse spectaculaire ces dernières décennies. En 2003,
les publications
au Journal officiel correspondaient à moins de
30 000 pages. En 2017, ce chiffre s’élevait à 75 000 et en 2019, à 69
086. Les lois sont de plus en plus volumineuses :
un peu plus de 300 000 mots en 2003, un chiffre déjà conséquent, et record atteint
en 2016 avec 2392 articles, représentant 801 426 mots.
L’Assemblée nationale vote
ainsi un nombre considérable de textes législatifs que les députés n’ont le
temps ni d’examiner ni de voter. Une production moins importante de lois plus
claires et s’insérant bien dans l’ordre juridique serait plus judicieuse. Car
cette frénésie législative oblige la population à se débattre dans
d’inextricables filets de normes qui s’empilent et souvent se contredisent.
Selon les indicateurs du Conseil d’Etat de 2021, il y
avait 53 207 articles de loi en vigueur en 2002, contre 89 185 en janvier 2021.
Soit une augmentation de 67 %. Le fameux principe du Code civil qui veut
que « nul n’est censé ignorer la loi » relève plus
que jamais de la fiction.
Dans une circulaire du 26 juillet 2017, l’ancien Premier ministre Édouard Philippe a demandé que toute nouvelle norme réglementaire soit compensée par la suppression ou, en cas d’impossibilité avérée, la simplification, d’au moins deux normes existantes. Une bonne initiative, inspirée du « One In, two out » britannique, mais qui ne concerne que les normes réglementaires et non les actes législatifs. Il est plus que temps qu’un tel système soit mis en place au Parlement.
Source contrepoints.org
Par Alexandre Massaux.
Alexandre Massaux est docteur
en droit spécialisé en relations internationales. Ses principaux centres
d’intérêts sont la stratégie politique, les questions de sécurité et
défense ainsi que la politique en Europe centrale et orientale.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire