Témoignage : médecin, en 30 ans, j’ai vu…
Quelles ont été les conséquences sur le système de santé de la politique menée ces 30 dernières années ?
Quand les professionnels de santé vont-ils mettre un terme à la dérive administrative de la Santé et de la protection sociale ?
Quand vont-ils reconquérir le Droit de soigner et d’être soigné dans une véritable Démocratie sanitaire et sociale ?
En 30 ans, j’ai vu le nombre d’administrations, d’administratifs et de réglementations augmenter.
J’ai vu les médecins, les infirmières de moins en moins motivés.
J’ai vu les hôpitaux s’endetter de plus en plus.
J’ai vu le personnel soignant connaître de plus en plus le harcèlement administratif.
J’ai vu les burn-out, les dépressions et les suicides de soignants augmenter.
J’ai vu la médecine de ville se désertifier.
J’ai vu la dégradation de la qualité des soins.
J’ai vu la France chuter dans les classements internationaux de son système de soins.
J’ai vu avec le parcours de soins des pertes de chances, ou pire…
Et depuis 2015, j’ai vu pour la première fois l’espérance de vie baisser en France, ce qui n’était pas arrivé depuis 1945.
Comme s’ il n’y avait pas assez de ces administrations publiques, j’ai vu mettre en place des « Sécu bis », complémentaires santé obligatoires taxées et partiellement fiscalisées, pour » améliorer » l’accès aux soins alors que 95% de la population avait déjà une complémentaire souvent meilleure, et que pour la solidarité nationale on avait déjà la CMU et l’AME.
J’ai vu ces complémentaires plafonner les remboursements par des contrats » responsables » ou, cotiser PLUS pour être remboursé MOINS, obligeant à une SÉCU sur-complémentaire, sur-taxée et fiscalisée.
J’ai vu l’instauration du tiers payant déresponsabilisant, qui va être étendu.
Je verrai bientôt le reste à charge zéro, qui ne fera qu’accentuer les dépenses des ménages en enrichissant les intermédiaires. Comme si 100% des citoyens avaient besoin de L’État pour la solidarité !
J’ai vu depuis 30 ans les professionnels de santé être la variable d’ajustement des déficits de la Sécu. Il faut bien rémunérer tous ces administratifs qui justifient leurs salaires en empêchant les soignants de travailler !
J’ai vu des libéraux de santé malades, en arrêt de travail, déclarés par la CARMF : « Aptes à exercer une QUELCONQUE activité professionnelle non médicale », en attendant qu’ils puissent ré-exercer leurs professions de soignants, pour ne pas avoir à leur verser d’indemnités journalières, pas plus qu’une rente d’invalidité. Autrement dit, pour les obliger à reprendre leur travail alors qu’ils étaient inaptes, mettant ainsi en danger leur santé, leur vie et donc celles de leurs patients. En réalité cotiser sans contrepartie à des caisses d’insécurité sociale ! Une véritable escroquerie aux cotisations.
J’ai vu institutionnaliser les discriminations entre médecins libéraux par des secteurs d’activité non basés sur des critères médicaux, mais des critères administratifs ; j’ai vu ainsi des plus utiles que d’autres.
J’ai vu ceux du secteur 1 conventionnés, les plus sociaux ou les plus vertueux, être punis depuis 30 ans par les honoraires les plus bas de l’OCDE.
J’ai vu de vrais libéraux non conventionnés punis du tarif d’autorité et leurs patients subissant une escroquerie aux cotisations sociales sans contrepartie.
J’ai vu naître des maisons médicales ou personne ne veut aller mais des guérisseurs ou autres occuper ces maisons.
Je vois venir les réseaux de soins obligatoires sous peine de non remboursement.
Je vois venir les installations obligées sous peine de déconventionnement,.
J’ai relu la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen et constaté ses viols et des citoyens ne demeurant plus libres et égaux en Droits, des distinctions sociales avec des plus utiles que d’autres !
J’ai vu la Justice dire le Droit mais ne plus appliquer la Loi.
J’ai vu les » avantages conventionnels » se réduire au fil du temps.
J’ai vu la suppression du cumul abattements conventionnels et AGA.
J’ai vu des conventions non respectées, les unes après les autres.
J’ai vu des actes techniques perdre leur valeur à maintes reprises alors que l’on n’avait promis aucun acte perdant.
Je n’ai jamais vu la convergence promise des revenus des différentes spécialités médicales…
J’ai vu les retraites ou » honoraires différés » fondre dans un système Madoff.
Je vois des confrères cumuler emploi et retraite par insuffisance de leur retraite.
J’ai vu les cabinets ne plus trouver de repreneurs.
J’ai vu des pays que l’on a privés de promotions entières de médecins pour pallier le MICA, numerus clausus.
Je vois des médecins s’expatrier du fait du poids des charges et des horaires pour les couvrir.
Je vois un exercice médical devenu liberticide ou les administratifs ont pris le pouvoir et dictent leurs lois, un système de protection sociale inéquitable ou la Solidarité nationale ne s’applique qu’entre décideurs et intermédiaires et quelques régimes spéciaux pour préserver la paix sociale.
Je n’ai pas vu la République irréprochable, exemplaire, ni même la vie publique moralisée, moins encore une démocratie sanitaire et sociale, je ne vois qu’une République bananière où, sous prétexte de Solidarité nationale et de Justice sociale, la pauvreté et l’exclusion augmentent. Où le système de santé, comme les retraites, s’effondrent sous les mensonges électoralistes de nos décideurs depuis 40 ans.
« Les médecins sont les seuls à pouvoir provoquer une révolution » disait Georges Pompidou.
Aujourd’hui patient, j’aimerais voir une véritable Démocratie sanitaire et sociale des médecins et autres, soignants ou non, se lever pour retrouver la Liberté de soigner et d’être soigné, et revoir la meilleure médecine du monde, place que la France occupait auparavant.
Source contrepoints.org
Par Edward Meztger.
Une tribune de l’Alliance des Professions de Santé
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