A cure for Life
La critique du chef d’oeuvre de
Gore Verbinski
- Réalisateur : Gore Verbinski
- Acteurs : Jason Isaacs, Dane deHaan, Mia Goth
- Titre original : A Cure for Wellness
- Genre : Fantastique, Thriller, Épouvante horreur
- Nationalité : Américain
- Date de sortie : 15 février 2017
- Durée : 2h27mn
La
version réussie de Crimson Peak de Guillermo del Toro. Une œuvre
tordue, intense et atypique, dont l’hommage au cinéma gothique relève de la
démence pure. Jubilatoire !
Avertissement :
des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des
spectateurs.
L'argument
: Lockhart, jeune cadre ambitieux,
est lancé sur la trace de son patron disparu dans un mystérieux centre de
bien-être en Suisse.Pris au piège de l’Institut et de son énigmatique corps
médical, il découvre peu à peu la sinistre nature des soins proposés aux
patients. Alors qu’on lui diagnostique le même mal qui habite l’ensemble des
pensionnaires, Lockhart n’a plus d’autres choix que de se soumettre à l’étrange
traitement délivré par le centre… la Cure.
Notre avis : Attention OFNI. Hollywood est parfois capable de
nous clouer le bec et, en 2017, cela s’avère réjouissant. A cure for life ne ressemble en rien à l’offre actuelle de la
production horrifique. Le film d’épouvante n’est pas un micro-budget à moins de
10M$, contrairement à 90% de ce qui se produit dans le domaine. L’on parlera
d’ailleurs d’œuvre et non de produit, et elle est assumée comme tel par son
studio. Ce n’est ni un remake, ni un reboot, encore moins une suite, et l’on ne
sait jamais trop la direction que les scénaristes souhaitent emprunter
tellement l’habillage est étrange. Il n’y a point d’héroïsme, puisque le
personnage central est plus proche de l’anti-héros égoïste que des canons de
beaux gosses contemporains qui polluent un type de divertissement injustement
associé au public adolescent.
De surcroît, le thriller abonde dans les thèmes glauques,
entre inceste, viol ou réflexion sur le vieillissement en sanatorium, ce qui
n’est pas franchement sexy pour les plus jeunes. Le réalisateur ose l’audace en
alignant les séquences malaisées (gare aux dents et aux sangsues phalliques),
et ne se montre nullement pudique quant à la nudité. Verbinski semble même
vouloir porter un message sur la finance, avec une critique en filigrane du
système financier capitaliste (assimilé donc aux sangsues, la métaphore est
filée et offre une lecture riche de l’ensemble du film), de l’aliénation au
travail…
(C) Twentieth Century Fox
Plus qu’inhabituel également, A cure for life affiche une durée excessive de 2h30, jamais
observée dans le domaine. Ce qui peut être un frein avant d’entrer en salle,
devient source de « bien-être » (wellness, en anglais), puisque l’on
s’installe dans un trip intemporel, où l’on est invité à perdre ses repères
hors du réel. La démarche ne répond pas à des obligations narratives (cela
n’apporte a priori rien au récit, qui aurait largement pu être condensé), mais
cela donne corps à la narration. Celle-ci précipite un jeune yuppie de la
finance américaine, dans un établissement médical huppé, perdue dans les
montagnes, à la recherche du patron d’une grande société, parti en cure. Il va
lui-même perdre la notion du temps. Ce qui devait être un passage de quelques
heures devient un séjour quasi… tombal. Ne soyons pas réfractaire face à la
durée, l’ennui est inexistant et le sentiment d’apprécier le film dans sa
littérarité est un vrai bonheur de cinéphile.
(C) Twentieth Century Fox
Comble du plaisir et de l’originalité dans le genre, le
regard du cinéaste est celui d’un visionnaire qui compose l’image de
trouvailles épatantes, infiniment grandioses et vertigineuses, à l’image du
cadre alpin qui sert d’arrière-plan délicieusement gothique, effaçant ainsi les
souvenirs d’une décennie de found-footages moisis. Sans aucune star à l’écran,
le film est le fruit de l’imagination d’un réalisateur plutôt méconnu du grand
public, même s’il a réalisé Pirates des
Caraïbes ou le remake américain réussi de Ring, Monsieur Gore Verbinski. Le studio l’a
suivi dans cette aventure irrationnelle, alors qu’il se relevait à peine d’un
des plus gros échecs américains de la décennie, à savoir l’étonnant Lone Ranger, avec Johnny Depp, où il
démontrait déjà qu’il n’était pas un cinéaste comme les autres, dans son goût
pour les inserts décalés, du sublime visuel, et des durées, pour le coup,
excessives. Aussi, nous saluerons Twentieth Century Fox, comme Warner à l’époque
du remake de Mad Max, pour cette
prise de risque commerciale décidément trop rare.
(C) Twentieth Century Fox
Nonobstant tout cela, l’on notera la multitude de critiques
négatives que le film a reçue aux USA, dénotant les attentes trop élevées de
certains après le visionnage de ses intrigantes bandes-annonces. Il est vrai
que l’aboutissement narratif n’est pas des plus satisfaisants, tout en étant
curieux. Et c’est peut-être, nous semble-t-il, le seul petit reproche à faire
au film qui n’offre pas vraiment de rebondissements de situation qui permet une
relecture du film. Certains blâmeront le cinéaste pour ses excès d’ambitions.
Dans la démesure, A cure for life,
titre ironique « français » à peine mieux que l’original (A cure for wellness), peut susciter
l’animosité, voire l’antagonisme des réfractaires qui ne se retrouveront pas
dans cet univers sombre, loin du pop corn movie habituel, vendu pourtant par
une ridicule petite affiche de série B qui ne reflète pour le coup rien du
monument gothique de Gore Verbinski.
(C) Twentieth Century Fox
Dans tout son dispositif de l’étrange et avec ses grands
moyens A cure for Life semble
appelé à être un échec en salle. Malheureusement. Mais si tel est le cas,
l’œuvre saura in fine se relever. Dans 15 ans, l’on imagine une autre
génération s’interroger sur la réception critique et publique initiale d’un tel
parangon du cinéma visionnaire. En attendant, un conseil, il serait infiniment
dommage de se priver sur grand écran d’une vision aussi élaborée de cinéma.
Sachez que l’auteur de ses lignes a parfaitement jubilé sans jamais sombrer
dans l’ennui. Trop occupé à vivre l’expérience, comme ce qu’elle est, un
magnifique hommage au cinéma et à la littérature gothiques britanniques. Oui,
il y a du Mary Shelley, pour son goût pour la science, mais aussi du Horace
Walpole et du Ann Radcliffe, dans cette peinture accidentée de la nature, donc
forcément romantique également, au sens pictural du terme.
Cette offre d’alternative au cinéma balisé hollywoodien était
inespérée. Le résultat dément tient du miracle. Tout simplement immanquable.
Par Frédéric
Mignard
Source https://www.avoir-alire.com/
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