Nuit debout
"Nuit debout" à
République, dans l'attente d'un mouvement "qui est en train de
naître"
Ils ne dorment pas,
c'est la "Nuit debout". Ils n'ont pas tous les mêmes espoirs, pas les
mêmes revendications, mais une même volonté. Ils appellent ça la
"convergence des luttes". Depuis trois nuits, plusieurs centaines de
manifestants occupent la place de la République, en plein cœur de Paris.
Bâches tendues entre
les arbres de la place, une scène où l'on improvise un rap au micro, sandwiches
préparés par des bénévoles et des slogans qui ont comme un air de déjà vu.
"Je lutte des classes", "Rêve générale", "Désobéis aux
lois injustes".
Ici, les combattants -
qui dorment peu, "nuit debout" oblige - sont plutôt jeunes, mais pas
tous. Certains sont contre la loi travail, d'autres dénoncent "les dérives
sécuritaires", "les violences policières". D'autres encore
insistent sur le combat pour le Droit au logement.
Troisième "Nuit
debout" depuis jeudi soir, dans la foulée de la manifestation contre la
loi travail. Au petit matin, les quelques dizaines qui sont encore là sont
délogées par les forces de l'ordre.
"Il ne faut pas
défendre la place de la République, mais défendre notre place dans la
République", s'écrie Michel au mégaphone. "Il faut arrêter de vouloir
structurer un mouvement, sinon il arrête d'être un mouvement".
Applaudissements dans la foule rassemblée sous la pluie ce samedi soir.
Pas de structure, une
particularité du phénomène "Nuit Debout" (porté par son hashtag sur
les réseaux sociaux). Des tentes disséminées sur la place, pas d'organisateurs,
mais des commissions créées à la hâte: action, communication, intendance etc.
"On décentralise, et on décide de tout en AG: on a des centaines de
personnes qui doivent travailler ensemble du jour au lendemain", explique
Cassien, 24 ans.
"Quelque chose
est en train de naître", analyse Oumar, 18 ans, un bandana multicolore sur
la tête. "Maintenant je vois pas encore à quoi ça ressemble",
ajoute-t-il.
- Le peuple décide -
Les indignés de la
Puerta del Sol à Madrid, un mouvement spontané apparu en mai 2011 en Espagne
pour dénoncer l'austérité et la corruption... La comparaison est tentante.
"C'est le même mode d'action", reconnaît Anna, 23 ans, photographe.
Mais pour elle, tout cela est "beaucoup plus prosaïque et désespéré".
"Il faut redonner
confiance en leur propre pouvoir aux gens. On leur a fait croire qu'ils étaient
impuissants", poursuit-elle.
Mirage d'une société
meilleure, détracteurs d'un système pourri par la politique politicienne et un
renvoi quasi systématique au pouvoir du "peuple", le discours
rappelle les mouvements populaires du début des années 2010.
Killian, 20 ans,
étudiant en audiovisuel, a déjà passé deux nuits à République et veut croire en
"un +Occupy+ comme dans les autres pays". Béret noir, veste kaki,
s'il attend surtout "le retrait de la loi El Khomri", il se prend à
rêver d'une "révolution". Mais pour ça, "il faut voir comment le
peuple décide".
Emilie, 32 ans, est
montée de l'Ardèche spécialement. "J'ai pris un duvet, deux culottes, deux
paires de chaussettes et voilà je suis là!".
"Non, elle ne
vient pas pour la loi El Khomri", décrète-t-elle en se roulant une
cigarette. "On vient dénoncer une fausse démocratie, en créer une vraie,
participative, directe. Il faut sortir du capitalisme, y'a plus que le pognon
qui compte (...), s'énerve la jeune femme au piercing sous la lèvre, qui
dénonce un "ras-le-bol général". Avant d'ajouter, comme beaucoup
d'autres, que sa parole individuelle importe peu : "je suis personne pour
décider, c'est au peuple".
Trois jours que Sonia,
19 ans, est là. "J'attends de voir où le mouvement va, où il se dirige. Il
est trop tôt pour dire si on est train de réinventer quelque chose". Elle
hésite avant de préciser que oui, elle est "jeune communiste" (JC),
comme Marco, 20 ans, à ses côtés et insiste sur l'importance d'aller
"au-delà de ces clivages".
"On est pas là en
tant que JC, on est là en tant que +mobilisés+, +engagés dans la lutte+".
Mais pour Marco, "le combat doit se construire et se structurer".
Etudiants,
travailleurs, précaires, ils rêvent de réinventer un monde. A commencer par son
calendrier, en ce "33 mars", comme ils le proclament déjà.
Il faut maintenant penser les conditions pour la suite : http://www.nonfiction.fr/article-4826-la_recherche_dalternatives_au_dela_des_incantations_a_la_mode.htm
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