Faut-il
acheter ou louer sa résidence principale
Les acheteurs
compulsifs justifient souvent leurs achats en arguant que louer c’est « jeter
l’argent par les fenêtres ». C’est une fausse bonne idée.
L’immobilier a toujours été considéré comme un secteur où il est
possible de s’enrichir facilement et rapidement. Si vous cherchez à faire un
coup immobilier en achetant pas cher et en revendant au prix fort, alors cet
article n’est pas pour vous. En revanche, si vous vous interrogez sur un achat
immobilier dans une optique de bon père de famille, j’espère que ces quelques
lignes où je partage mon expérience de gestionnaire immobilier sauront vous
satisfaire.
Pourquoi être propriétaire ?
Posséder sa résidence principale est une idée fortement ancrée
en France et il est indéniable que cela procure plusieurs avantages :
- Une sécurité immobilière en cas de chômage, de retraite anticipée…
- Le bénéfice de l’effet de levier de l’emprunt, outil de création de valeur autrement réservé aux entreprises ;
- Une fiscalité très accommodante, l’usage d’un logement par son propriétaire n’étant pas (encore) taxé.
La flambée des prix de l’immobilier depuis 20 ans en a encore
accru l’importance en créant un sentiment d’urgence immobilière. Acheter son
appartement est ainsi devenu l’obsession de notre génération qui a peur qu’à
force de rester locataire, elle ne puisse jamais acheter, la hausse continue
des prix la déclassant mécaniquement.
De la difficulté de prédire
l’évolution des prix de l’immobilier
Cette évolution montre le rôle clé de la montée des prix sur la
volonté ou non d’acheter sa résidence principale et, en la matière, il y a
sujet à échanger de nombreux arguments.
Les prix hauts reposent sur des facteurs conjoncturels (faibles
taux d’intérêts, forte création monétaire,…) et, parce qu’on a jamais vu un
arbre monter jusqu’au ciel, ils devront bien s’assagir à un moment ou à un
autre.
Inversement, il convient de se rappeler que les théoriciens de
la baisse voyaient déjà les prix chuter après les subprimes
en 2007 et que le niveau actuel de prix, à la différence des années 1990,
repose sur des facteurs plus structurels : une demande des particuliers et
une raréfaction de l’espace dans les grands centres urbains.
Deux idées fortes à garder en
tête sur les évolutions des prix
Savoir si les prix vont monter ou baisser, dans quelles zones, à
quel horizon de temps et dans quel calendrier sont des spéculations plutôt
hasardeuses. En revanche, et dans l’optique de répondre à la question titre de
cet article, je considère qu’il y a deux grandes idées à garder à
l’esprit :
- Sur le long terme, les prix de l’immobilier montent dans les zones denses : capitales, grands centres économiques, etc… C’est un effet mécanique de la loi de l’offre et de la demande.
- Sur le long terme, aucun produit n’est à l’abri de crises. Les prix des actifs immobiliers ne font pas exception et ils ne peuvent pas durablement augmenter plus vite que la capacité d’investissement des gens qui les achètent. Cela n’est pas contradictoire avec une hausse supérieure à l’inflation en raison, par exemple, de la baisse des taux qui a boosté la capacité d’investissement ou de l’arrivée d’acheteurs au pouvoir d’achat accru.
Une conclusion de bon sens mais
une mise en œuvre plus difficile
En supposant une augmentation des prix à long terme, la
conclusion qui s’impose est d’acheter sa résidence principale surtout dans les
grandes villes. Il devient dangereux à partir d’un certain âge de rester
locataire car cela expose à une insécurité immobilière tout en se privant d’une
prise de valeur.
En revanche, en intégrant le scénario d’une crise
conjoncturelle, la question qui se pose est de savoir quand et quelle résidence
principale acheter.
Les risques d’un achat prématuré
Si vous achetez un studio quand vous êtes un célibataire de 20
ans, vous devrez certainement en changer si vous vous mettez en couple ; idem
pour un couple sans enfant et qui achète un appartement avec une seule chambre.
À certaines périodes de la vie, notre situation personnelle
évolue et nos besoins immobiliers aussi. Le danger d’acheter à ce moment là est
de se retrouver collé en cas de baisse temporaire des prix. C’est l’exemple de
nombreuses familles qui, dans les années 1990 ou plus récemment aux États-Unis,
ne pouvaient pas vendre leurs appartements à cause d’une baisse de prix, et ce
malgré des situations personnelles difficiles : promiscuité, couple qui ne
peut pas divorcer car la vente de la maison entraînerait une trop forte
moins-value.
Au delà de l’aspect financier, un achat immobilier doit
s’inscrire dans un projet de vie au risque de se retrouver dans des situations
complexes : couple se retrouvant à l’étroit dans une trop petite surface
acquise parce qu’elle était dans leur budget, désillusion sur un quartier
choisi pour ses prix abordables mais dont on découvre par la suite les défauts…
La prudence doit être d’autant plus de mise qu’acheter et
revendre un appartement entraîne d’importants frais de transaction, d’environ
10% en intégrant les frais de notaire et de droits d’enregistrement à l’achat,
et les frais d’agence à la revente.
Acheter pour revendre quelques années plus tard nécessite donc
que les prix aient progressé d’au moins 10% seulement pour amortir les frais de
transaction.
Quelques fausses bonnes idées
Les acheteurs compulsifs justifient souvent leurs achats en
arguant que louer c’est « jeter l’argent par les fenêtres » et que
s’ils doivent déménager sans pouvoir vendre, ils mettront leur bien en
location.
Ces deux arguments sont pour moi typiquement des fausses bonnes
idées.
Quand on achète un bien, on « jette aussi l’argent par les
fenêtres » en payant les intérêts à la banque, lesquels sont
d’ailleurs parfois supérieurs au loyer, net des charges et des frais
d’entretien, que l’on aurait payé en restant locataire.
Il ne faut pas oublier qu’une part non négligeable d’un loyer ne
bénéficie pas au propriétaire. Selon les cas, c’est entre 20% et 50% qui sont
absorbés par les charges ou les travaux d’entretien.
Acheter n’est donc pas toujours la bonne affaire qu’on croit
puisque ces charges et ces travaux, eux, demeurent même si le loyer disparaît.
De plus, si on corrige le loyer payé des charges et travaux, on se rend compte
que la location n’est finalement pas si chère que ça ni très rentable pour le
propriétaire.
S’il n’y avait qu’une seule
question à se poser avant d’acheter
S’il ne devait y avoir qu’une seule question à se poser à mon
sens avant d’acheter, ce serait de savoir si on peut rester a minima entre cinq
et dix ans dans le logement qu’on projette d’acheter avant de devoir le vendre,
ou d’en changer.
C’est une durée suffisante pour amortir une éventuelle crise
immobilière ou pour que les prix aient, de manière quasi certaine, augmenté
suffisamment pour financer les frais de transaction et permettre un
remboursement au moins partiel de la dette.
Dans la négative, tout projet d’achat aurait à mon sens une
dimension spéculative car dépendante d’une hausse des prix. Ce n’est pas en soi
un mal et ces vingt dernières années ont montré que ce n’était pas
obligatoirement un pari insensé, bien au contraire, mais cela n’en reste pas
moins un pari…
Source contrepoints.org
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire