mercredi 13 janvier 2016

Infos santé-Prothèses mammaires et cancer

Prothèses mammaires et cancer

L’affaire des prothèses défectueuses de marque PIP est en train d’entrer dans la catégorie très médiatique des ‘scandales sanitaires’. Il semble donc utile de rappeler quelques éléments concernant la survenue de cancers associés au port de prothèses mammaires.

Le premier point concerne la survenue de cas de cancers chez les porteuses de prothèses.

On entend ça et là que les pouvoirs publics refuseraient de reconnaître un lien entre ces cancers et les prothèses défectueuses. Quitte à passer pour un agent du pouvoir, j’abonde dans le sens de ces pouvoirs publics puisqu’à de rarissimes exceptions le lien entre l’exposition à un produit et la survenue d’un cancer est très difficile à prouver, voire quasi impossible. 

Mais, en revanche, certaines expositions peuvent jouer un rôle favorisant dans le développement du cancer, qui est un événement multifactoriel.
Constater des cas de cancer chez des femmes autour de la quarantaine n’est donc pas ‘anormal’, fût-ce des adénocarcinomes, forme la plus fréquente des cancers du sein. Au contraire de la reconstruction après mastectomie, la pose d’implants à visée cosmétique se fait en laissant du tissu mammaire, tissu capable de donner lieu au développement de tumeur. 

Des localisations cancéreuses primitives hors du sein semblent également n’avoir aucun rapport avec la présence de la prothèse.
Ce qui, en revanche, est extrêmement peu fréquent et doit retenir l’attention c’est la survenue d’un type très spécifique de tumeur : le lymphome anaplasique à grandes cellules (LAGC, dénommé en anglais ALCL).
Un seul des huit cas actuellement signalés correspond à ce type de tumeur.
Les lymphomes sont des cancers qui touchent les cellules de défenses appelés lymphocytes ou leurs précurseurs. 
C’est le système lymphatique qui est concerné par l’accumulation des cellules tumorales, en particulier dans les ganglions lymphatiques, la rate, la moelle osseuse et le thymus.

Le plus connu des lymphomes est la maladie de Hodgkin. Les autres lymphomes sont dits ‘non hodgkiniens’ ou LNH. Il en existe une vingtaine de formes environ. Ces LNH représentent, environ 10500 cas par an en France. 
Le lymphome anaplasique à grandes cellules est développé à partir des précurseurs des lymphocytes T. Il représente entre 0,5 et 2% des cas de lymphomes non hodgkiniens selon les divers registres.

La rareté extrême de cette tumeur chez les porteuses de prothèses est illustrée dans une étude néerlandaise publiée en 2008 dans le JAMA. Les auteurs de l’étude ont repris tous les cas de lymphomes du sein chez des femmes entre 1990 et 2006. Ils ont trouvé 11 cas de LAGC en 17 ans. Cinq de ces femmes étaient porteuses de prothèses mammaires bilatérales implantées dans un but cosmétique. 
Leur analyse les a amené à conclure que le risque pour une femme porteuse de prothèse de développer ce lymphome particulier se situait entre 0,1 et 0,3 pour 100 000. L’hypothèse derrière la maladie serait une réaction immune indirecte face à un corps étranger, sans qu’il y ait besoin d’avoir fuite de liquide.

Ce serait la capsule de la prothèse qui serait indirectement en cause. L’étude néerlandaise n’a pas montré qu’une marque était spécialement en cause.
En janvier 2011 la Food and Drug Administration, FDA, a publié une revue des cas connus. La littérature internationale mentionne 34 cas de LAGC sur prothèses. 
La FDA estime qu’au total, une soixantaine de cas est survenue dans le monde. Il faut mettre ce chiffre en rapport avec environ dix millions de femmes porteuses de prothèses. Ce qui est important à noter dans le document américain c’est que des cas ont été constatés aussi bien avec des prothèses remplies de solution saline qu’avec celles remplies de gel de silicone.

Cela tend à démontrer une fois encore que ce n’est pas le contenu mais le contenant qui semble être la source d’une réaction de l’organisme envers un corps étranger.
Il y a donc énormément d’inconnues dans ce dossier et quelques indices. Le risque est rarissime, mais il semble néanmoins que l’association entre prothèses mammaires et lymphome anaplasique à grandes cellules soit une réalité.
Ce lymphome se développe dans l’environnement immédiat de la prothèse. Il est constitué de cellules de type T, alors que les lymphomes du sein sont de type B.
Enfin, rappelons le, ces lymphomes se retrouvent avec les deux types de remplissage : solution saline ou gel de silicone. Il semble constituer une entité à part dans la famille des LAGC, avec des caractéristiques propres.

Les prothèses PIP posent le problème d’une fraude industrielle sur un produit utilisé en santé humaine mais qui est un dispositif médical, pas un médicament.
Cette nuance a des implications en matière d’exigences de contrôle dans les processus de fabrication et de suivi, moins stricts pour ces dispositifs, même si cela est en train de changer au niveau européen.
Il est important que la magnitude du risque soit connue. Ce risque, quelle que soit la marque, est d’environ 3 à 5 cas pour un million.

Pour information, chaque année, en France, trente mille femmes reçoivent des prothèses mammaires pour des raisons esthétiques et beaucoup moins pour une reconstruction après chirurgie pour cancer du sein.

Références des études :
de Jong D,
Anaplastic large-cell lymphoma in women with breast implants.
JAMA. 2008 Nov 5;300(17):2030-5. 

Anaplastic Large Cell Lymphoma (ALCL) In Women with Breast Implants: Preliminary FDA Findings and Analyses
January 2011
Center for Devices and Radiological Health
U.S. Food and Drug Administration


Source blog santé de jd flaysakier docteurjd.com

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