C’est reparti ! Après le livre sur les
médicaments, coécrit avec Bernard Debré, Philippe Even se lance dans une
nouvelle croisade contre les risques liés à l’excès de cholestérol et contre
les statines, une famille de médicaments utilisés pour combattre l’excès de
cholestérol. Une nouvelle attaque sans aucune nuance et qui soulève certains
problèmes.
Dans l’opuscule
précédent cosigné par Bernard Debré, les deux médecins dont, rappelons-le aucun
n’est cardiologue, pharmacologue ou spécialiste des maladies du métabolisme,
avaient déjà tiré à boulets rouges sur ces statines, ce qui a conduit, semble
t-il à de nombreuses interrogations chez les patients et même à des arrêts de
prise de ces médicaments.
Deux points essentiels
sont mis en exergue dans le nouvel ouvrage.
Le premier concerne le
cholestérol. Quand quelqu’un vous dit ‘j’ai du cholestérol’, sachez
que c’est plutôt une bonne chose ! Le cholestérol est indispensable à notre vie
: il forme la paroi des milliards de cellules de notre corps, il permet la
synthèse de la vitamine D et des diverses hormones stéroïdes, dont les hormones
sexuelles sans lesquelles nous ne serions pas là !
Mais quand on vous dit
‘j’ai trop de cholestérol’, là c’est autre chose ! Aujourd’hui on considère
qu’un taux supérieur à 2 grammes par litre est un taux trop élevé. On
estime aussi que dans ce taux global, il faut regarder divers composants, dont
la partie de cholestérol transporté par des lipoprotéines de faible densité,
les LDL. On considère que ce LDL-C est un facteur de risque cardiovasculaire en
raison de sa propension à se déposer sur les artères. Cette notion du
cholestérol comme facteur principal des maladies cardiovasculaires est
néanmoins battu en brèche depuis un certain temps. Les lésions des vaisseaux
sanguins, l’athérosclérose est, en effet, une maladie dont la composante
initiale est de nature inflammatoire et immunologique.
La plaque calcifiée de
cholestérol étant un élément supplémentaire de risque en raison du risque de
rupture et de fragmentation qu’elle comporte. Les débris peuvent alors migrer
dans la circulation d’aval et venir obstruer le débit sanguin de vaisseaux plus
petits entrainant un infarctus du myocarde ou du cerveau.
- Mauvais ou pas mauvais ?
Pour Philippe Even, il
n’existe pas de ‘mauvais cholestérol’. Il reprend là une théorie développée
depuis des années par le Dr Michel de Lorgeril, l’un des pères du ‘Paradoxe
français’ et qui a publié en 2007 ‘Dites à votre médecin que le cholestérol est
innocent
Il n’y a donc, à
proprement parler, rien de novateur dans l’ouvrage de Philippe Even par rapport
à ce que disait Michel de Lorgeril.
La notoriété du
premier et son aura médiatique font qu’on en parle plus que du cardiologue et
chercheur grenoblois.
Le second concerne les
statines. Ces médicaments sont très largement prescrits dans de nombreux pays
occidentaux. La mise au point de ces médicaments résulte de la découverte par
deux chercheurs américains, Brown et Goldstein, d’un mécanisme permettant de
comprendre la façon dont notre organisme synthétise et épure le cholestérol.
Ils ont découvert, en effet, le rôle d’une enzyme, la HMG-Coenzyme A réductase
qui joue un rôle important dans ces mécanismes. Cette découverte leur a valu le
Prix Nobel de médecine en 1985.
Les statines sont des
médicaments qui inhibent l’effet de cette réductase. Il en existe sous forme
naturelle, notamment dans la levure de riz rouge, c’est la lovastatine.
Les statines ont été
beaucoup prescrites avec pour but de faire baisser le taux de cholestérol.
Beaucoup et sûrement trop prescrites pour diverses raisons, dont, évidemment
des raisons commerciales. Mais pas uniquement. L’effet de réduction du taux de
cholestérol obtenu a parfois eu un côté ‘magique’ qui a grisé les patients
mais, hélas aussi, les médecins.
Certains en ont oublié
que c’est d’abord et avant tout la lutte contre les facteurs de risque et les
modifications des habitudes de vie qui étaient essentielles, avant la ‘potion
magique’ manger des statines en continuant de fumer, en ne changeant pas ses
habitudes alimentaires et en restant sédentaire produit rarement des miracles.
Mais, en revanche,
cela peut produire de nombreux effets indésirables comme on l’a vu il y a
quelques années avec la cerivastatine. Ce produit a entrainé des atteintes
musculaires sévères, comme des destructions musculaires, une rhabdomyolyse, aux
conséquences souvent très graves.
- Donner les statines à bon escient
Les douleurs
musculaires sont d’ailleurs un effet commun à toutes les statines. De même il
est important de surveiller la fonction hépatique de façon régulière chez les
sujets qui les prennent.
Dans son ouvrage,
Philippe Even juge globalement inutiles ces médicaments, comme le fit de
Lorgeril six ans plus tôt. Pour autant cela veut-il dire qu’il n’y a aucune
raison de prendre des statines et qu’il faille tout jeter à la poubelle ?
Quitte à me faire
insulter par quelques intégristes médicaux, j’ose dire que oui, les statines
ont une utilité, mais seulement dans des cas très précis et qui vont de pair
avec une modification des comportements et la mise en œuvre d’une réduction des
facteurs de risque.
Aujourd’hui il est
admis par nombre de spécialistes, mais aussi par la Haute Autorité de Santé et
la revue ‘Prescrire’ que les statines ont leur place dans ce qu’on appelle la
prévention secondaire des maladies cardiovasculaires.
Par ce terme, on
désigne une prévention destinée à des patients qui ont déjà fait un accident,
comme un infarctus du myocarde et chez lesquels on cherche à diminuer le risque
de récidive.
Il a été établi par
diverses études que certaines statines, associées je le répète à la lutte
contre les facteurs de risque, permettaient de diminuer de 15 à 23% ce risque
de récidive.
C’est certes loin
d’être colossal, mais ce n’est pas négligeable d’autant qu’il ne faut pas
oublier que les séquelles d’infarctus, notamment l’insuffisance cardiaque,
grèvent lourdement la qualité et l’espérance de vie.
Certaines statines
peuvent aussi avoir leur place dans la prévention primaire des accidents
cardiovasculaires. Là il faut être précis. Il ne s’agit pas de distribuer ces
produits comme des pilules magiques. La population visée est celles de
personnes présentant des lésions sur les artères coronaires touchant plusieurs
d’entre elles, avec généralement un diabète de type 2 associé et des facteurs
de risque familiaux par exemple.
Là encore, un effet
protecteur aux environs de 20 % est retrouvé à condition de cibler les bonnes
indications.
La médecine est un art
fort complexe qui ne vit pas forcément bien de dogmes ou de manichéisme. Trop
longtemps, on a misé sur le ‘tout cholestérol’ alors que la recherche nous
montre que l’athérosclérose est un phénomène avant tout inflammatoire et immunologique.
Il faut savoir en tenir compte.
Mais décider que les
statines n’ont aucune utilité, quel que soit le cas de figure, c’est
certainement pratique pour faire la couverture du Nouvel Observateur mais pas
forcément une démarche très responsable vis-à-vis de certaines catégories de
patients.
Il est évident qu’une
certaine forme d’exercice de la médecine paie aujourd’hui ses excès. Evident
aussi que les sociétés savantes, notamment celles œuvrant dans le domaine
cardiovasculaire, ont eu, avec l’industrie pharmaceutique, des relations très
proches, voire trop proches, qui les mettent aujourd’hui en porte-à-faux et les
empêchent de s’exprimer par peur d’être considérées comme des agents des
laboratoires.
Mais il semble
indispensable que sur de tels sujets, qui concernent des centaines de milliers
de personnes dans notre pays, une information claire puisse être apportée, hors
des polémiques, des anathèmes, des championnats de ‘M. Propre’.
Car, en bout de
course, un patient qui fera le mauvais choix sous l’influence d’informations
spectaculaires et parcellaires prendra peut-être un risque vital pour sa santé.
C’est toute
l’importance du rôle des médecins et en premier lieu des médecins de famille,
de répondre aux interrogations des patients.
Et ‘entendu chez son
médecin’ est plus important que ‘vu à la télé’
Source docteurjd.com (blog santé de jd flaysakier)
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