Chuck PALAHNIUK
Peste
Traduit de
l’américain par Alain Defossé
(4ème de couverture)
Mais qui
est donc Buster Casey, alias Rant ? Dans un futur où une partie de la
population est « diurne » et l’autre « nocturne » selon un couvre feu très
strict, « Peste » prend la forme d’une biographie orale faite de rapports
contradictoires émanant de témoins qui ont connu le mystérieux Buster de près
ou de loin. Garçon aux mœurs étranges, friand de morsures animales en tous
genres pour certains, génial tueur en série ou répugnant individu pour
d’autres, le véritable Buster Casey semble, au fil des récits, de plus en plus
insaisissable et protéiforme. De quoi alimenter le mythe…
Dans ce
roman, sorte d’éloge funèbre chanté par un chœur constitué d’amis, de voisins,
de policiers, de médecins, de détracteurs et d’admirateurs, Chuck Palahniuk
explore les tréfonds de la vie moderne et dresse le portrait en creux d’une
Amérique en mal de repères. Evangile subversif et grotesque où le rire donne la
réplique à l’horreur, « Peste » décrit un monde qui marche sur la tête, où la
vie est à mourir d’ennui et la mort positive et créatrice.
Chuck
Palahniuk est une des figures majeures de la littérature américaine
contemporaine : l’univers noir et extrême de ses romans, parfois portés avec
succès à l’écran comme « Fight Club » ont fait de lui un auteur culte. Il vit
dans l’Etat de Washington et se consacre à l’écriture. Après « Choke », « Le
Festival de couille », et « A l’estomac », « Peste » et le quatrième ouvrage de
Palahniuk publié chez Denoël.
(1ere phrase :)
Wallace
Boyer(Vendeur de voitures) : Comme la plupart des gens, je n’ai pas rencontré
ni parlé à Rant Casey avant sa mort.
(Dernière phrase :)
Toni
Wiedlin (chauffarde) continue de participer aux Nuits de Crashing, mais nie
toutes les rumeurs selon lesquelles elle en serait devenue l’organisatrice.
438 pages
– Editions Denoël & d’Ailleur 2007 pour la traduction française
(Aide mémoire perso :)
« Peste » est la biographie
documentaire de Buster Casey, dit Rant, soit le plus grand serial killer de
tous les temps, à moins qu’il ne soit qu’un sombre crétin dégénéré de
Middletown, à moins qu’il ne soit qu'un génial voyageur spatio-temporel aux
pouvoirs divins, à moins qu’il ne soit le seul mec capable de déterminer le
détail du dernier repas d’une femme après un cuninlingus, à moins qu’il n’ait
jamais existé.
Les documentaires télévisés
américains sont friands de ce genre de biographie "orale" : une
longue succession d’interviews croisées vient dresser le portrait en creux
d’une rock star décédée ou d’un homme politique ou d’un criminel important. Quelques
photos par-dessus en zoom avant, et voilà de quoi remplir une heure de TV à peu
de frais. Une heure, sans compter la pub.
Chuck Palahniuk adopte ce format, ou
son équivalent écrit, pour raconter Buster Casey. Ou plutôt pour établir sa
légende.
Disons le immédiatement : le parti
pris à ses limites. Page après page, un foutoir décousu de propos
contradictoires esquissent l’évangile d’un type dont on ne saura jamais s’il
était une divinité ou un paumé crado. Drôle, serré.
Palahniuk n’a pas que des amis.
Depuis « Fight Club », il écrit
souvent où on l’attend : bourré d’idées publicitaires, simple et efficace,
toujours semé d’un doigt de porno ou de violence, méchant pour l’Amérique - on
pourrait appeler ça de la trash-réalité. Forcément, on aime.
Depuis « Fight Club », ses ficelles
sont bien identifiées : débusquer le ridicule de nos petites misères de
citoyens noyés dans la masse et le consumérisme, avec ici et là des éléments de
vérité souvent tirés de la presse ou de son boulot de journaliste ou de
recherches documentaires. Voilà pour la réalité. Et puis aller dans la chair
pour jouer sur les contrastes entre l’anonymat de nos corps et la violence des
fluides vitaux [sueur, sperme, sang]. Voilà pour le trash.
A côté de ça, faut reconnaitre,
Palahniuk frappe rarement à côté : il a beau cabotiner, sa prose percute
particulièrement bien les esprits. On est pas obligé d’aimer, mais on ne peut
pas cracher dessus.
« Peste » ne déroge pas à ces
quelques principes, le format de la "biographie orale" est
intéressant.
Buster Casey est un jeune américain
dont les amis d’enfance, les parents, les rencontres amoureuses, le shériff,
les voisins, les ennemis, un Historien, bref une bonne trentaine de personnes,
nous brosse l’histoire, sa mort étant donné pour acquise d’entrée de jeu.
L’amusant est dans les
contradictions de ces "témoignages". Le mythe naît du doute, de la
répétition et de l’inexplicable. Chaque chapitre tresse anecdotes, on-dits,
mensonges et calomnies.
Buster Casey enfant transforme la
fête d’Halloween en vraie exposition d’abats animaux. Buster Casey adolescent
joue à plonger son bras dans les terriers du désert, parce qu’il aime se faire
piquer/mordre/griffer par tout ce qui passe, avec une préférence pour les
araignées. Buster Casey jeune homme séduit tout ce qui passe, homme ou femme,
et lègue à chacun un échantillon de maladie rare et de virus dangereux.
C’est drôle, documenté [méthode
Palahniuk : s’ancrer dans le réel] et ça se lit tout seul. Buster Casey a des
érections si gênantes en classe qu’il en fait un prétexte d’exemption. Buster
Casey trouve des trésors dans de vieux pots de peintures. Buster Casey
disparait sans laisser de trace dans un spectaculaire et télévisé accident de
la route.
« Peste » est truffé de bonnes idées
[de quoi écrire trois bouquins pour d’autres]. Lorsque des théories de voyage
dans le temps s’immiscent dans l’intrigue, ça dérape total. La partition entre
les diurnes et les nocturnes imaginée par Palahniuk semble collée par-dessus.
Les Nuits de rentre-dedans collectif en bagnole envahissent les pages.
J’ai aimé les conseils du marchand
de voitures pour capter l’attention du client [ça sent le vécu à plein nez,
méthode Palahniuk]. J’ai aimé le basculement de l’économie locale aux mains des
enfants soudains richissimes [très drôle].
J’ai aimé ce livre.