lundi 31 décembre 2018
dimanche 30 décembre 2018
samedi 29 décembre 2018
Billets
Une énigme pour Freud !
Une énigme pour Freud ! Pas de pulsion sexuelle, de pulsion de mâle, un être asexué à la tête très enflée par une prof possessive ,un être immergé dans un délire mental de gourou materné par une harpie maléfique ,un être victime de ses visions mondialistes , un psychopathe !
vendredi 28 décembre 2018
mercredi 26 décembre 2018
mardi 25 décembre 2018
lundi 24 décembre 2018
Billets-Macron démission ?
Macron démission ?
Nous
sommes au moins 45 % de Français à nous demander, depuis le 7 mai 2017 au soir,
ce qui pourrait bien nous débarrasser de Macron, ce fléau infligé au peuple
français par un putsch des « élites européennes » et élu grâce au manque de
discernement d’une majorité des quelques électeurs qui s’étaient déplacés.
Mais
il est illusoire de croire que le mouvement dit des gilets jaunes (GJ) puisse
provoquer le départ de cet insupportable personnage à la légitimité justement
contestée.
Le
mouvement a pu sembler sympathique dans un premier temps : une rébellion
populaire contre la taxe sur le diesel, l’impôt de trop, la petite goutte qui
faisait déborder le vase d’une France qui a le triste record mondial des
prélèvements fiscaux et d’un acharnement impitoyable contre le contribuable.
Or,
il apparut vite que le gros de ces GJ estimait Macron « pas assez à gauche » !
Ils ne se sont pas indignés quand il a aboli leur taxe d’habitation,
alourdissant celle des 20 % d’autres Français ciblés tout exprès pour
compenser. Pire, ils ne contestent même pas cette taxe-carbone dont le but
spécieux serait de « sauver la planète » – seulement le fait que Macron puise à
présent aussi dans leurs poches à eux.
Autre
exception française, comme tout mouvement protestataire, les GJ ont vite été
phagocytés par l’ultra-gauche anarchiste et casseuse de profession, dont la
police avait ordre de respecter à tout prix « l’intégrité physique », syndrome
Malek Oussekine oblige. Tandis que les télévisions nous servaient ad nauseam
les Picketty, Philippot, Mélenchon et autres marxistes patentés, réclamant « le
rétablissement de l’ISF pour les riches » et un nouveau Grenelle, sans jamais
mentionner que « les vraiment riches » échappent déjà aux frontières et que ce
qu’ils ne paient plus, ce sont les classes moyennes qui le paient à leur place
sous forme d’IFI et de CSG renforcée. Et ce seront les mêmes classes moyennes
qui devront payer pour les actes de vandalisme récents contre la propriété
publique et privée et aussi pour la redistribution vers le Tiers-Monde qu’est
vraiment la taxe écologiste.
Car
les GJ ont eu satisfaction : Macron a renoncé à les ponctionner, eux, mais pas
les autres !
C’est
ce qui explique qu’en ce 4e samedi, à deux semaines de Noël, Paris était
ville-fantôme, où les casseurs affrontaient la police à l’ouest, tandis que «
la Marche pour le Climat » se déroulait à l’est !
Et
non, cher Président Trump, les Français en majorité ne voient toujours pas où
les Euro-fanatiques les mènent. Ils ne veulent pas savoir que la nouvelle
Évaluation sur le Climat fournie par l’État profond américain (des
fonctionnaires et « scientifiques » nommés par Obama) et payée par
l’écolo-militant milliardaire Steyer est une imposture de plus. Ils veulent
simplement que ce soit les autres qui paient pour leurs vertueux idéaux.
L’armée
que Macron veut mettre sur pied « contre la Chine, la Russie et les États-Unis
» serait en fait l’instrument pour mettre au pas ces « dépravés » (dit
l’impérissable Paul Krugman) que sont les climato-sceptiques et les dissidents
à l’intégration européenne.
Macron
s’arroge le mérite de « ce 4e samedi cette fois sans victimes et aux dégâts
limités » : facile quand les transports ne fonctionnent pas et que les gens
restent chez eux puisque les commerces, cinémas et musées ont fermé ! Profitant
du chaos pour agir en douce, il ne s’exprimera qu’après avoir signé, contre la
France mais en conformité avec les forces européistes, l’infâme Pacte sur
l’immigration de l’ONU, autre imposture mondialiste. Véritable pacte
d’agression contre le peuple français puisqu’il vise à organiser à nos dépens
l’immigration massive de 100 millions d’Africains en Europe.
Où
sont les revendications des GJ devant ce coup de grâce donné à notre pays ? Ne
serait-ce pas l’occasion de dépasser les égoïsmes personnels ?
«
Macron démission » ? Si seulement ! Mais qui, à droite, pourrait l’emporter
aujourd’hui ? La France est rongée par l’envie et le socialisme.
Comment
faire comprendre à celui qui se voyait déjà empereur d’Europe qu’il a une
feuille de route toute tracée pour au moins terminer son mandat ? Véritable
égalité de tous devant l’impôt, fin des réglementations écologistes folles et
surtout baisse drastique des dépenses obscènes de l’État.
«
C’est l’Union européenne et moi ou le chaos », rugissait Macron il y a peu.
Pour
le moment, nous les avons, lui, son UE et le chaos.
Source Les4vérités.com
Par JOSLAIN EVELYNE.
jeudi 20 décembre 2018
Billets-Anselme Bellegarrigue, gloire oubliée de l’anarchisme
Anselme Bellegarrigue, gloire
oubliée de l’anarchisme
Bellegarrigue peut être vu comme un
précurseur de l’anarchisme individualiste américain contemporain.
Anselme Bellegarrigue,
né en 1813 dans le Gers et mort approximativement à la fin du XIXe siècle,
quelque part en Amérique centrale, est sans conteste l’un des hérauts de
l’anarchisme naissant, qui fleure bon les senteurs épicées et les mets
succulents du Sud-Ouest. Fils de négociant, Anselme fréquente dans son
adolescence le Lycée d’Auch, puis fonde à Toulouse La Mosaïque du Midi, une bucolique et champêtre revue d’histoire
locale (plus locale que d’histoire, d’ailleurs). Après quelques insuccès, il
part en voyage, et visite, durant les années 1846-48, les Antilles, La
Nouvelle-Orléans, puis plus au nord New York et Boston. Ses voyages ont une
incidence majeure sur sa conviction, désormais chevillée au corps, des
bienfaits de la démocratie, du gouvernement limité et même de la souveraineté
individuelle pure et simple sur toute forme de dirigisme.
Anselme
Bellegarrigue revient en France le 21 février 1848, à l’aube de la chute de la
monarchie de Juillet. Le rôle qu’il exerça dans le cours de ces événements
n’est pas connu avec précision. Ce qui, en revanche, est certain, c’est qu’il
ne cessa pas de critiquer le cours que prit le mouvement révolutionnaire au
lendemain du renversement de Louis-Philippe. On connait bien cet échange resté
célèbre : un Gavroche en armes lui dit : «
Cette fois, on ne nous la volera pas notre victoire ! ;
Bellegarrigue lui rétorque alors : « Ah mon
ami, la victoire, on vous l’a déjà volée ; n’avez-vous pas nommé un
gouvernement provisoire ? »
Il
fréquente alors la Société Républicaine Centrale, dite « Club Blanqui », du nom
du socialiste « enfermé » Auguste Blanqui, frère de l’économiste Adolphe que
nous apprécions beaucoup dans nos colonnes. Bellegarrigue exige une
modification de la forme du gouvernement, l’introduction de la démocratie,
l’avènement non seulement de la souveraineté du peuple, mais aussi de la
souveraineté individuelle. Il accuse les partis politiques fantoches de la
Seconde République d’avoir détourné la révolte populaire vers plus d’autorité
et de centralisme, et les qualifie en conséquence du doux sobriquet de vermine des nations. Il dénie aux événements
de 1848 le qualificatif de « Révolution », dans la mesure où, selon lui, « une Révolution doit etre la ruine non pas d’un
gouvernement, mais du gouvernement ».
Sa
proximité avec les blanquistes et autres socialistes non marxistes ne doit pas
conduire à méprendre le lecteur d’aujourd’hui sur le compte de Bellegarrigue.
C’est exclusivement la contestation de l’autorité, que ces mouvements incarnent
par excellence, qui l’attire. Mais Bellegarrigue ne se prive pas, et c’est le
moins que l’on puisse dire, de critiquer copieusement les mesures sociales que
tous ces socialistes, utopistes, républicains, solidaristes, marxistes ou
proto-marxistes, aspirent de leurs vœux. Car pour lui, au final, toute mesure
gouvernementale quelle qu’elle soit, revient à l’esclavage des uns par les
autres, à la lutte violente entre les hommes.
En 1848,
Bellegarrigue publiait déjà Au fait ! Au fait !
Interprétation de l’idée démocratique. Il poursuivit ensuite avec Le Dieu des riches et le Dieu des pauvres,
puis Jean Mouton et le percepteur ; puis
La Civilisation ; puis enfin, et
surtout, en 1850, L’Anarchie, journal de
l’ordre, journal qu’il édita, publia et distribua lui-même. Deux numéros
seulement parurent, par manque de lecteurs. Le troisième numéro, consacré à
l’origine de la richesse, ne fut pas publié. Pour Sharif Gemie, L’Anarchie constitue le tout premier manifeste
anarchiste au monde.
Le père fondateur de l’anarchisme individualiste
Avec Han Ryner et Georges Palante, Anselme Bellegarrigue
peut être considéré comme l’un des pères fondateurs, sinon LE premier, le plus
antécédent, des fondateurs de l’anarchisme ; lequel, à l’époque, ne contenait
pas la dimension gauchiste, syndicaliste, qu’on lui connaît depuis la fin du
XIXe siècle. L’anarchie, c’est l’état d’un peuple qui, voulant se gouverner par
lui-même, manque de gouvernement précisément parce qu’il n’en veut plus.
Comme il
l’écrit :
« Qui dit affirmation du peuple, dit liberté
individuelle ;
Qui dit liberté individuelle, dit souveraineté de
chacun ;
Qui dit souveraineté de chacun, dit égalité ;
Qui dit égalité, dit solidarité ou fraternité ;
Qui dit fraternité, dit ordre social ;
Donc qui dit anarchie, dit ordre social. »
Un
gouvernement est fondé. C’est une construction sociale, éminemment
artificielle, et en rien le fruit d’une évolution naturelle des sociétés. Or,
dit Bellegarrigue, à l’instant même où le gouvernement est fondé, il a ses
créatures, et, par suite, ses partisans ; et au même moment où il a ses
partisans, il a aussi ses adversaires. La guerre civile s’explique donc, selon
lui, par un gouvernement qui veut venir et qui se trouve face à un gouvernement
qui ne veut pas s’en aller. Partisans et adversaires du gouvernement forment
les germes d’une guerre civile qui, tôt ou tard, éclatera au sein de la
société.
« Vous ne pouvez pas éviter la faveur qui fonde le
privilège, qui provoque la division, qui crée l’antagonisme, qui détermine la
guerre civile. »
Tout
l’objet du combat de Bellegarrigue consistera donc à convaincre les citoyens de
renoncer d’une part à être des partisans, et de l’autre des adversaires du
gouvernement. Et par conséquent à les rendre indifférents au gouvernement.
C’est ainsi que la paix pourra être établie.
Il ajoute
que si l’État est une fiction, l’intérêt général, quant à lui, n’existe pas :
cette affirmation classique est martelée avec force par Bellegarrigue. La seule
vérité naturelle, démontrée à la fois matériellement par le fruit de l’histoire
et moralement par l’usage de la raison, c’est le moi.
« Mon intérêt est égal à celui de qui que ce soit ;
je ne puis devoir que ce qui m’est dû ; on ne peut me rendre qu’en proportion
de ce que je donne, mais je ne dois rien à qui ne me donne rien ; donc, je ne
dois rien à la raison collective, soit le gouvernement, car le gouvernement ne
me donne rien, et il peut d’autant moins me donner qu’il n’a que ce qu’il me
prend. »
La société
est un phénomène naturel, qui est la conséquence inévitable et forcée de
l’agrégation des individus. L’intérêt collectif en découle : il est une
déduction providentielle et fatale de l’agrégation des intérêts privés.
L’intérêt collectif ne peut donc être complet qu’autant que l’intérêt privé
reste entier.
C’est le droit individuel qui pèse sur le droit
collectif ; j’ai le même intérêt que la communauté à avoir une route et à
respirer l’air sain, toutefois j’abattrais ma forêt et je garderais mon champ
si la communauté ne m’indemnisait pas, mais comme son intérêt est de
m’indemniser, le mien est de céder, tel est l’intérêt collectif qui ressort de
la nature des choses.
L’intérêt
général, au sens de Rousseau, est donc pour lui porteur d’une menace terrible
pour toute liberté individuelle. C’est pour l’essentiel par sa capacité de
nuisance qu’il le définit :
Lorsque enfin vous appelez intérêt collectif celui
que vous invoquez pour m’empêcher de gagner ma vie au grand jour, de la manière
qui me plaît le mieux et sous le contrôle de tout le monde, je déclare que je
ne vous comprends pas, ou, mieux, que je vous comprends trop.
Selon
Bellegarrigue non seulement il n’y a pas, mais il ne peut pas y avoir de
contrat social, d’abord parce que la société n’est pas un artifice, un fait
scientifique, une combinaison de la mécanique ; la société est un phénomène
providentiel et indestructible ; les hommes sont en société par nature. L’état
de nature est déjà l’état de société ; il est donc absurde de vouloir
constituer, par un contrat, ce qui est constitué de soi.
Le
premier, et de manière aussi claire et sans nuance, Bellegarrigue fait du
pouvoir l’ennemi à abattre. Tant dans l’ordre social que dans l’ordre
politique. Tous les partis aspirent, par construction, à atteindre le pouvoir,
et par conséquent l’essence même du pouvoir est la source de la politique. Or
tout pouvoir est l’ennemi du peuple car le pouvoir est toujours le pouvoir,
c’est-à-dire le signe irréfragable de l’abdication de la souveraineté des
individus. Quiconque a le pouvoir est donc immédiatement dangereux. Les partis,
lorsqu’on les dépouille de ce prestige patriotique dont ils s’environnent pour
attraper les sots, n’est tout simplement qu’un assemblage d’ambitieux
vulgaires, faisant la chasse aux emplois. Mais le peuple est berné par le jeu du
pouvoir et des élections. Tout change parce que rien ne change, les mêmes
causes produisent toujours les mêmes effets. Mais si, a contrario, le peuple
s’occupait exclusivement de ses intérêts matériels, de son commerce, de ses
affaires, et s’il couvrait de son indifférence ou même de son mépris cette
basse stratégie qu’on appelle la politique, les partis, tout à coup isolés,
cesseraient de s’agiter ; le sentiment de leur impuissance glacerait leur
audace.
Ils sécheraient sur pied, s’égraineraient peu à peu
dans le sein du peuple, s’évanouiraient enfin et le gouvernement qui n’existe
que par l’opposition, qui ne s’alimente que des querelles que les partis lui
suscitent, qui n’a sa raison d’être que dans les partis, qui, en un mot, ne
fait depuis cinquante ans que se défendre et qui, s’il ne se défendait plus,
cesserait d’être, le gouvernement, dis- je, pourrirait comme un corps mort ; il
se dissoudrait de lui-même, et la liberté serait fondée.
Le vote,
l’exercice du suffrage universel, n’est pas une garantie, mais est au contraire
la cession pure et simple de la souveraineté. Là encore, le sens de la formule
de Bellegarrigue fait mouche :
Le peuple a tous les droits imaginables ; je
m’attribue, pour ma part, tous les droits, même celui de me brûler la cervelle
ou de m’aller jeter dans la rivière ; mais, outre que le droit à ma propre
destruction est placé en dehors du calme de la loi naturelle et cesse de
s’appeler un droit en devenant une anomalie du droit, un désespoir, cette
exaltation anormale que, pour aider le raisonnement, j’appellerai encore un
droit, celui-ci ne saurait, dans aucun cas, me donner la faculté de faire
partager à mes semblables le sort qu’il me convient personnellement de subir.
En est-il ainsi à l’égard du droit de voter ? Non. Dans ce cas, le sort du
votant entraîne le sort de celui qui s’abstient. (…) Je ne vois pas, par
exemple, comment ni pourquoi les trois millions de Français qui ne votent
jamais sont passibles de l’oppression légale ou arbitraire que fait peser sur
le pays un gouvernement fabriqué par les sept millions d’électeurs votants. Je
ne vois pas, en un mot, comment il arrive qu’un gouvernement que je n’ai pas
fait, que je n’ai pas voulu faire, que je ne consentirai jamais à faire, vient
me demander obéissance et argent, sous prétexte qu’il y est autorisé par ses
auteurs.
Bellegarrigue
place l’avenir dans la réserve, dans l’abstention et l’inertie civique, et
enfin dans l’activité économique, bref dans tout ce qui n’est pas politique.
Dans tout ce qui est même la négation de la politique.
Pour être libre, voyez-vous, il n’y a qu’à vouloir.
La liberté, que l’on nous a sottement appris à attendre comme un présent des
hommes, la liberté est en nous, la liberté c’est nous. Ce n’est ni par fusils,
ni par barricades, ni par agitations, ni par fatigues, ni par clubs, ni par
scrutins qu’il faut procéder pour l’atteindre, car tout cela n’est que du
dévergondage. Or, la liberté est honnête et on ne l’obtient que par la réserve,
la sérénité et la décence.
Un précurseur de Molinari et d’Ayn Rand ?
Si les liens de parenté entre la pensée d’Anselme
Bellegarrigue et les deux autres pères de l’anarchisme français sont évidents
(Han Ryner et plus encore Georges Palante, en particulier dans La Sensibilité individualiste), il est souvent mentionné que Bellegarrigue serait aussi
et plus encore, en quelque sorte, un précurseur de l’anarcho-capitalisme par le
truchement de Gustave de Molinari, et de la pensée objectiviste d’Ayn Rand. Ce
point mérite discussion et ne paraît pas si évident que cela.
Anselme
Bellegarrigue est un quasi contemporain de l’économiste belge Gustave de
Molinari. En premier lieu, il apparait assez clairement que les sujets
d’analyse de Molinari et ceux de Bellegarrigue se recoupent assez peu. Molinari
a essentiellement écrit sur les règles naturelles d’organisation du marché, sur
les moyens pour les ouvriers d’agir sur la marché du travail (les bourses), sur
les sphères « non marchandes » comme la religion, l’éducation, et enfin sur la
place et le rôle de l’État.
Ces sujets
sont plutôt éloignés des préoccupations portées par l’anarchiste français. Bien
évidemment il y a des points de convergence, en particulier les thèses liées à
la sensibilisation et à l’éducation des masses et des ouvriers, thème
extrêmement cher à Molinari et que l’on retrouve, par l’action des journaux
qu’il a animés, chez Bellegarrigue. Tous deux défendent avec ardeur des points
qu’ils jugent essentiels au développement harmonieux des relations entre les
individus. En premier lieu, la liberté d’expression. Ils estiment tous deux que
toutes les opinions doivent pouvoir s’exprimer, et que le progrès des sciences
en tous domaines est à ce prix. Ensuite, le droit d’association des
travailleurs : la possibilité d’association des individus est une des clefs
fondamentales de l’équilibre des sociétés mais, dans ce cadre, celle des
travailleurs, confrontés au pouvoir du capital, revêt une importance toute
particulière.
Si
Bellegarrigue n’est pas très prolixe sur ce point, Molinari aura de longs
développements sur les bourses du travail, qui selon lui reflèteraient mieux
l’offre et la demande d’emplois que ne le fera jamais une administration
autoritaire. Enfin, la nécessité de former les individus. Pour que la liberté
puisse s’exprimer pleinement, il ne suffit pas de la décréter, encore faut-il
que les individus soient capables d’assumer seuls et librement leurs propres
affaires. Il est donc tout à fait essentiel de former progressivement les gens.
On fait
aussi par ailleurs de Bellegarrigue le précurseur d’Ayn Rand et de son
objectivisme. Il est bien clair que la pensée de Rand comprend une dimension
individualiste extrême qui n’est pas sans rappeler notre penseur. Sans
toutefois détailler ce point outre mesure, car cela sortirait du format de cet
article, il apparaît tout de même assez artificiel de souligner une
quelconque filiation entre Bellegarrigue et Rand. La pensée objectiviste,
magistralement développée dans l’ouvrage qu’Alain Laurent a récemment consacré
à Ayn Rand, ne se résume en effet pas aux développements plus rudimentaires de
Bellegarrigue. Il comprend de nombreuses autres dimensions, résumées de manière
éclairante par Ayn Rand elle-même dans une chronique de 1962 au Los Angeles Times : une métaphysique (la
réalité existe en tant qu’absolu) ; une épistémologie (la raison est le seul
moyen qu’a l’homme pour percevoir la réalité ; une éthique (l’homme est une fin
pour lui-même, et non un moyen pour les autres) et enfin une politique (le
capitalisme de laissez-faire).
Si pour
Bellegarrigue la nature de l’homme lui impose de faire société, phénomène
éminemment artificiel, et que faire société ne signifie en rien faire
allégeance à un pouvoir tutélaire et accapareur des libertés individuelles,
pour Rand, en revanche, tout provient de la réalité qui s’impose à l’individu,
qui existe indépendamment de la conscience de l’individu, et à laquelle il
n’accède que par l’effort de la conscience. La conscience, pour s’exercer, a
besoin d’un code, d’une valeur cardinale vers laquelle elle tend : c’est la
vie, le fait de se maintenir en vie, qui constitue cette valeur suprême. Et
c’est à ce prix que l’homme pourra toucher au bonheur. Comme on le voit dans
ces quelques lignes, les thèses de Rand n’ont qu’un lien assez éloigné avec la
pensée de Bellegarrigue. Je renvoie pour de plus amples précisions aux
chapitres de l’ouvrage d’Alain Laurent visés en note ci-dessous.
S’il
fallait trouver un voisinage plus immédiat à la pensée de Bellegarrigue, et
outre ses frères siamois Ryner et Palante, il faudrait plutôt se tourner à mon
sens d’une part vers Max Stirner, et d’autre part vers Benjamin Tucker. Chez
Stirner tout d’abord, il y a d’innombrables accents et formules que
Bellegarrigue aurait pu faire siennes : «
L’État est le maître de mon esprit, il veut que je crois en lui et il m’impose
un credo, le credo de la légalité » ; « L’État
est le maître de mon esprit, il veut que je crois en lui et il m’impose un
credo, le credo de la légalité » ; « L’État est l’ennemi, le meurtrier de l’individu,
l’association en est la fille et l’auxiliaire ; le premier est un esprit, qui
veut être adoré en esprit et en vérité, la seconde est mon oeuvre, elle est née
de moi. L’État est le maître de mon
esprit, il veut que je crois en lui et m’impose un credo, le credo de la
légalité. Il exerce sur moi une influence morale, il règne sur mon esprit, il
proscrit mon moi pour se substituer à lui comme mon vrai moi. » Il
proclame que les religions et les idéologies se fondent avant tout sur des
superstitions. Il rejette aussi bien le libéralisme politique qui implique,
selon lui, une soumission à l’État, que le socialisme qui subordonne l’individu
à la société.
Stirner
comme Bellegarrigue sont des partisans chevronnés de l’individualisme et de
l’égoïsme. Mais si Stirner oppose l’association libre à la société par essence
coercitive, Bellegarrigue, on l’a vu, oppose pour l’essentiel la société, libre
dans l’état de nature, à l’État, Léviathan qui place les individus sous son
joug.
Mais pour
l’essentiel les points de comparaison s’arrêtent là. Posant le Moi en absolu,
Stirner refuse la notion de droit naturel, qu’il juge chimérique. Il fait
dériver la propriété non pas d’un droit, mais de la force. Rien n’est plus
étranger à la pensée de Bellegarrigue. C’est qu’à bien des égards Stirner fait
partie des « Hégeliens de gauche », qui est une des branches fondatrices du
socialisme contemporain, concurrente d’une part du socialisme utopique d’Owen,
Fourier ou Cabet, et d’autre part du socialisme scientifique marxiste. S’il
place la liberté et l’individu comme des absolus, ce n’est pas au profit d’une
réhabilitation de la société civile et des rapports humains naturels, fondés
sur la liberté, la propriété et la responsabilité, mais au profit d’une anomie
égotiste assumée. Quitte à trouver à Stirner une filiation, il faudrait plutôt
à mon sens partir d’Étienne de la Boétie et prolonger, de façon magistrale,
avec Nietzsche, que la chercher chez Bellegarrigue.
Reste
enfin Benjamin Tucker. C’est dans son périodique anarchiste La liberté que celui-ci a formalisé ses
principales thèses. On peut déjà observer ainsi, avec Bellegarrigue, une
parenté de supports de publication. Tucker et ses amis rejettent l’autorité
coercitive, la législation subie, la notion de contrat social. Pour Tucker, les
anarchistes doivent être considérés comme des « démocrates
jeffersoniens impavides ». En cette phase combinant Jefferson et
Thoreau, il veut dire ainsi que « le meilleur gouvernement est celui qui
gouverne le moins, et que celui qui gouverne le moins n’existe pas ». On
croirait lire du Bellegarrigue dans le texte.
Tucker
critique vertement le capitalisme d’État et la bourgeoisie d’État, comme
Bellegarrigue le fera dans L’Anarchie, journal
de l’ordre. Tucker comme Bellegarrigue insistent sur le fait que tous
les monopoles, fussent-ils privés, ne peuvent perdurer qu’avec le soutien de
l’État. Les deux en concluent que, plutôt que de renforcer l’autorité comme le
préconisent les marxistes, il faut à l’inverse l’évacuer du jeu économique et
laisser se déployer le principe qui lui est le plus hostile, celui de la
liberté.Tucker résume cela de manière éclairante : « les seuls qui croient vraiment au laissez-faire sont les anarchistes
» dit-il.
C’est en
ce sens selon nous que Bellegarrigue peut être vu comme un précurseur, moins de
l’objectivisme ou de l’anarcho-capitalisme, que de l’anarchisme individualiste
américain contemporain.
Source contrepoints.org
Billets-Attentats au Bataclan : la fusillade vue de l’intérieur
Attentats au Bataclan : la fusillade vue de l’intérieur
Julien Pearce, journaliste d’Europe 1 était
présent dans la salle de concert du Bataclan, dans le 11e arrondissement de
Paris, lors de la dramatique fusillade orchestrée par les terroristes vendredi
13 novembre au soir.
Au micro de France
Télévisions, il témoigne des tragiques événements et de l’effroi :
« Ça
faisait quarante minutes à peu près que le concert avait débuté. Il y avait
énormément de monde dans la salle. C’était quasiment plein. Et au milieu d’une
chanson, on a entendu des détonations qui venaient de derrière. On a entendu
des cris. J’ai tourné la tête. Et là j’ai vu plusieurs individus qui portaient
des kalachnikovs, qui nous visaient et qui tiraient de manière totalement
aléatoire sur la foule. Ils avaient le visage découvert. Celui que j’ai vu en
particulier était habillé tout de noir. Son visage m’a paru très jeune :
la vingtaine.
Alors
immédiatement tout le monde s’est couché sur le sol. C’est un réflexe dans ce
genre de situation, j’imagine. Il y avait tellement de monde que je me suis
retrouvé avec une ou deux personnes sur moi, ce qui m’a probablement sauvé la
vie, d’une certaine manière.
On a
attendu une sorte d’accalmie, un moment où tous ont rechargé leurs armes en
même temps, et on s’est réfugié à droite de la scène où il y avait une sorte de
petit local technique, qui était plongé dans le noir. Il y avait déjà une
dizaine de personnes à l’intérieur totalement terrifiées. Ce local ne menait
nulle part : il n’y avait pas de sortie, il n’y avait pas d’issue. On
venait de quitter un piège pour un autre, d’une certaine manière, même si on
était moins exposés. Donc on a attendu encore quelques minutes à l’intérieur.
Les tirs continuaient évidemment. On ne comprenait pas exactement ce qu’il se
passait.
Ils
étaient de nouveau en train de recharger leurs armes. C’est à ce moment-là
qu’une dizaine de personnes et moi-même avons décidé de courir sur la scène,
parce que de l’autre côté se trouvait la seule issue de secours qui donnait sur
une rue.
Instinctivement,
j’ai tourné la tête quand j’étais au milieu de la scène : j’ai vu ces
hommes qui recommençaient à tirer, qui continuaient à tirer, qui exécutaient
froidement les gens sur le sol, et qui me regardaient aussi courir.
À ce
moment-là j’ai attrapé une demoiselle qui était montée sur la scène et qui
était grièvement blessée : elle avait reçu deux balles, au niveau du
fessier et au niveau de la cuisse gauche. Elle saignait beaucoup et était en
train de perdre connaissance. Je l’ai attrapée, l’ai mise sur mes épaules et on
a couru dans la rue. »
Le bilan est
lourd : plus de quatre-vingts personnes sont mortes sur place, dont les
quatre assaillants.
Photo: Le Bataclan – Crédit photo : Jxandreani via Flickr (CC BY
2.0)
Source contrepoints.org
mardi 18 décembre 2018
jeudi 13 décembre 2018
mardi 11 décembre 2018
lundi 10 décembre 2018
samedi 8 décembre 2018
Billets-Gilets jaunes : le week-end où tout peut bascule
Gilets jaunes : le
week-end où tout peut basculer
Si la capitale s’attend à vivre ce
samedi 8 décembre 2018 une de ses journées les plus chaudes depuis des
décennies, la province est également à surveiller.
La
France s’éveille. Beaucoup de regards sont tournés vers elle. Ce samedi 8
décembre 2018 pourrait bien être une de ces dates que retiennent les livres
d’histoire. Nul ne peut prédire comment tourneront les multiples manifestations
prévues aujourd’hui sur le territoire français mais divers indices laissent à
penser que l’escalade entamée voici plusieurs semaines ne prendra pas fin ce
week-end. L’évolution du mouvement des Gilets jaunes ressemble en effet à une
courbe de Gauss qui n’a pas encore atteint son apogée.
Pour
rappel, tout a commencé avec une simple pétition lancée sur Internet fin mai,
laquelle réclamait une baisse des taxes sur le carburant. Très vite appuyée par
des centaines de milliers de personnes, atteignant même le million de
signataires, elle fut suivie par un appel à bloquer le pays le samedi 17
novembre, lancé par deux chauffeurs routiers. Preuve de la popularité des idées
antifiscales, il fut relayé partout sur la toile au point de devenir viral.
Résultat : le samedi 17 novembre 2018 marqua le
début d’un large mouvement populaire d’une nature encore inconnue
jusque-là. Non soutenu par les syndicats,
il mobilisa plus de 287 000 citoyens,
selon les chiffres du ministère de l’Intérieur. Déjà, des troubles se
produisirent. Plus de cent individus dégradèrent la préfecture de Troyes. Des
cocktails Molotov furent jetés en direction des forces de l’ordre sur l’A4. La
journée de protestation déboucha sur 282 interpellations, 409 blessés et un
mort.
UN MOUVEMENT EN EXPANSION
Surtout, elle n’en resta pas là. Les blocages se
poursuivirent en semaine. Une flambée de violence embrasa l’île de la Réunion, où fut décrété un couvre-feu
et où l’armée dut intervenir. L’exécutif, qui avait signalé depuis une dizaine
de jours, par la voix du Président Macron et celle du Premier ministre
Philippe, qu’il ne reviendrait pas sur l’augmentation des taxes sur le
carburant quel que soit le succès de la manifestation, tint parole. La presse
continua à relayer, comme elle l’avait fait précédemment, l’idée que les Gilets
jaunes étaient des extrémistes de droite, quod non.
Conséquence du dédain politique et de l’insulte
médiatique, le pays se mobilisa à nouveau le samedi 24 novembre, de manière plus virulente cette fois. Sur les Champs
Élysées, il y eut des barrages dressés et des heurts entre police et
manifestants. Soixante-neuf personnes furent interpellées dans la capitale, 157
dans toute la France. Le gouvernement tenta une fois de plus d’associer les
troubles à l’extrême-droite (alors qu’ils provenaient essentiellement de
l’extrême-gauche et d’individus inconnus des services de police) ; cela
n’entacha pas le soutien populaire au mouvement (71 % selon l’Ifop, 84 %
selon Odoxa). Plutôt qu’un essoufflement, ce fut un renforcement des gilets
jaunes qui résulta des premiers affrontements entre peuple et pouvoir.
Parmi les professionnels de la politique, d’aucuns virent
une aubaine dans ce qu’ils pensaient être une jacquerie, mais les Gilets jaunes ne furent point dupes des
tentatives de récupération et de manipulation dont ils étaient l’objet. Ils ne
se laissèrent pas diviser par les appels du pouvoir à se structurer et
repoussèrent les avances de Marine Le Pen (Rassemblement National) et de
Jean-Luc Mélenchon (France Insoumise). Les syndicats restèrent également
hors-jeu. Le monde médiatique, lui aussi victime de la colère populaire,
découvrit, à sa plus grande stupeur, preuve de sa déconnexion avec le réel, que
les corps intermédiaires ne jouissaient plus de la moindre considération au
sein de la population. Cela fleurait bon la crise de régime.
L’IMPUISSANCE POLITIQUE
Entre-temps,
le Président Macron était sorti de sa réserve en s’exprimant le mardi 27
novembre dans une allocution télévisuelle du plus triste effet : il ne
répondait en rien à la détresse financière des Gilets jaunes et s’entêtait dans
une politique écologique bien éloignée des préoccupations quotidiennes des
Français. Il était évident que, face à un tel mépris, face à une telle sourde
oreille, la colère hausserait d’un ton.
Cela ne manqua pas. La radicalisation des Gilets jaunes
put s’observer le samedi 1er décembre 2018 à divers endroits de France, au
premier rang desquels Paris. Paris où, au mépris des consignes des autorités,
les manifestants affrontèrent de longues heures durant les CRS, s’emparant de
l’Arc de Triomphe et repoussant plusieurs assauts policiers. Paris où 112
véhicules et six bâtiments furent incendiés. Paris
où de nombreux commerces furent vandalisés et pillés. Paris où un
fusil d’assaut fut volé aux forces de l’ordre.
Paris où les caméras de télévision gravèrent dans la mémoire collective les
images d’une authentique insurrection. La province n’était pas en reste. Des
échauffourées s’observèrent à Marseille, Toulouse, Dijon et Bordeaux. Au Puy-en-Velay, des manifestants assiégèrent la préfecture et y
boutèrent le feu (70 blessés, dont 18
policiers). À Bordeaux, près de 200 insurgés tentèrent de prendre d’assaut la
mairie. Rien qu’à Paris, on arrêta 412 individus ; 133 personnes furent
blessées, dont 23 parmi les forces de l’ordre. Les chiffres de Toulouse doivent
également être mentionnés afin de bien saisir les contours de la
révolte : 58 blessés, dont 48 parmi les forces de l’ordre.
Du bout des lèvres, les médias mainstream osèrent reconnaître que la situation était
quasi-insurrectionnelle mais, depuis l’Argentine où se tenait le sommet du G20,
Emmanuel Macron ne sembla guère s’en émouvoir. Dans une allocution qui avait
des allures du « rien » consigné
par Louis XVI dans son journal au soir du 14 juillet 1789, il parla de
longues minutes d’écologie avant de condamner les violences en France, refusant
de s’étendre sur le sujet. Une humiliation de plus pour les insurgés. Comment
expliquer ce comportement insensé ?
Méconnaissance
de la gravité de la situation ? Croyance aveugle en les thèses
écologistes ? Volonté de renvoyer une image de président fort ?
Toujours est-il que cette prise de parole renforça la haine dont il faisait
l’objet, pourtant déjà incommensurable.
La France se réveilla avec une sacrée gueule de bois. La
presse s’émut du vandalisme qui avait souillé Paris ; les réseaux sociaux
relayèrent avec virulence les exactions des forces de l’ordre. Les tirs
de flashball à hauteur d’homme, qui furent confirmés
a posteriori par des CRS, donnèrent lieu à l’impressionnante image d’un
retraité pacifique, la joue arrachée par une balle, ou à de multiples vidéos
d’individus aux yeux pochés et traumatisés. Ils débouchèrent également sur
le décès accidentel d’une octogénaire touchée
au visage par une grenade lacrymogène alors qu’elle fermait les volets de son
appartement. Plusieurs vidéos circulant sur la toile montrèrent des CRS
qui agressaient des personnes âgées,
qui passaient à tabac des Gilets jaunes au
sol et mains en l’air, qui arrêtaient
certains de leurs collègues infiltrés, qui
étaient accusés par des Gilets jaunes de casser du mobilier urbain sous un déguisement civil ou qui brutalisaient
un journaliste.
AUX ARMES CITOYENS !
Les jours suivants virent la contestation sociale
s’accroître. Le 2 décembre, des centaines d’ambulanciers
manifestèrent devant l’Assemblée nationale.
Les lycéens embrayèrent et envahirent les rues à leur tour. Routiers et
agriculteurs se joignirent à la grogne générale. Lors de sa visite à la
préfecture du Puy-en-Velay le 4 décembre, le Président Macron fut hué et même poursuivi
sur plusieurs centaines de mètres par des
citoyens.
Parallèlement, et c’est peut-être là le plus grave pour
le pouvoir, le mécontentement gagna les rangs des forces de l’ordre. Déjà le
soir du 1er décembre, sur le plateau de BFM TV, des représentants des
syndicats policiers s’étaient plaints à demi-mot de ce que leurs collègues
avaient dû subir pour défendre les conséquences de l’arrogance du chef de
l’État ; ils avaient également évoqué le découragement qui pointait au
sein des troupes. Les jours qui suivirent, des CRS s’épanchèrent
dans les médias. Certains avaient été mobilisés de
6 à 22 heures, sans recevoir à manger ou à boire, sans recevoir non plus de
consignes particulières sur la façon de contenir les Gilets jaunes. Beaucoup
furent frappés par la violence qui leur fut opposée, sans précédent ;
quelques-uns se risquèrent même à parler de scènes de guerre. Le Premier
ministre eut beau les remercier et le Président leur promettre une prime, le
syndicat de police Vigi n’en appela pas moins à une grève illimitée à partir du samedi 8 décembre 2018, date prévue
pour le quatrième samedi de manifestation, ou le « quatrième acte »
ainsi que l’appellent les Gilets jaunes. Dans son communiqué, Vigi ne pratique
pas la langue de bois : « Notre hiérarchie va encore nous envoyer prendre des coups à sa
place et à la place du gouvernement. Nous savons que nous aurons des blessés et
nous craignons d’avoir des morts parmi nous. »
Tel est bien le nœud du problème : des insurgés le
promettaient déjà samedi dernier (voyez par exemple le live de Rémy Buisine,
à la 54e minute), et ce fut confirmé dans la presse de cette
semaine, l’hostilité d’une frange des Gilets jaunes
à l’égard du pouvoir, et plus particulièrement d’Emmanuel Macron, est devenue
telle que d’aucuns sont prêts à prendre les armes ce samedi. D’ailleurs,
d’après un sondage de l’institut Harris, 15 % des Français approuvent que des
Gilets jaunes recourent à la violence. L’Élysée a affirmé redouter que des
individus viennent à Paris pour tuer.
Et c’est ainsi qu’à l’amertume des policiers s’ajoute une
menace redoutable sur les institutions de la République, une menace d’autant
plus redoutable qu’il ressort des images et des témoignages que les forces de
l’ordre furent déjà proches du point de rupture samedi dernier. À Paris, après
une heure et demi de lutte à peine, les CRS n’avaient plus de grenades
assourdissantes, ni de munitions pour leurs flashballs. Au total, plus
de 13 500 grenades furent tirées, tant et si
bien que, ces derniers jours, un grand travail de réapprovisionnement dut avoir
lieu au sein des unités d’intervention.
UNE PERTE DE CONTRÔLE DU POUVOIR RÉGALIEN
Si la capitale s’attend à vivre ce samedi 8 décembre 2018
une de ses journées les plus chaudes depuis des décennies, la province est
également à surveiller. Le fait que le pouvoir ait rapatrié à Paris de nombreux
CRS afin de défendre les institutions (8 000 hommes seront mobilisés à
Paris, pour 81 000 dans le reste du pays)
découvre d’autant des villes où la colère pourrait s’exprimer de façon
violente. S’il y eut, samedi dernier, 48 blessés parmi les forces de l’ordre
présentes à Toulouse, ce fut avant tout parce qu’il s’agissait d’hommes et de
femmes non formés pour ce type d’intervention et mal équipés. Il est donc dans
l’ordre du possible que l’État français, tout en réussissant à survivre à Paris
grâce à l’aide policière, voie des villes ou des départements échapper à son
contrôle.
La Présidence, prenant peu à peu conscience de la gravité
de la situation, est revenue mercredi sur l’augmentation de la taxe à l’origine
de la révolte, de façon confuse et maladroite. C’était trop tard : le
mouvement des Gilets jaunes avait été trop humilié au cours des dernières
semaines pour se contenter d’une si maigre victoire. La hausse de la taxe était
la goutte d’eau qui avait fait déborder le vase, mais celui-ci demeurait plein.
Aussi entendit-on un Gilet jaune (et pas le moindre, puisqu’il s’agit d’un des
deux routiers à l’origine de l’appel à bloquer le pays le 17 novembre) inviter
ses frères de lutte à une marche sur l’Élysée en plein direct sur BFM TV. Car, oui, il faut
l’écrire, là où les politiciens parlent de « factieux »
et les médias de « casseurs », les intéressés se voient comme des
révolutionnaires.
Ces
derniers jours, divers responsables politiques et gouvernementaux ont appelé
les citoyens au calme et à la responsabilité. D’autres ont préféré jouer les
opportunistes ; c’est ainsi que le député et leader de la France Insoumise
Jean-Luc Mélenchon, empêtré dans des affaires judiciaires, a encouragé
l’insurrection populaire. Le mouvement des Gilets jaunes, globalement
pacifique, n’en surveillera pas moins d’un œil attentif les manifestations qui
blondiront les villes de France ce samedi : il a pu remarquer, à son plus
grand désarroi, que le régime en place ne commençait à écouter ses citoyens que
lorsque ceux-ci devenaient violents.
Source contrepoints.org
Par Oliver Rach.
Oliver Rach, juriste de formation, est un Liégeois
touche-à-tout, attentif à la transformation de sa ville, féru de politique
nationale, épris d’histoire et passionné par les arts narratifs.
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