Médiator
Entre 1976 et 2009, le benfluorex (Mediator® a été
vraisemblablement à l’origine de 3100 hospitalisations et de 1300 décès au
minimum. Ces données, déjà évoquées, sont publiées pour la première fois par
deux épidémiologistes de l’Inserm dans une revue scientifique américaine.
Agnès
Fournier et Mahmoud Zureik sont deux épidémiologistes dont les travaux sont
reconnus internationalement dans le domaine des pathologies cardiovasculaires
notamment.
Il
n’est donc pas étonnant qu’ils se soient penchés sur le cas des valvulopathies,
c’est-à-dire les atteintes des valves cardiaques, chez les personnes ayant
suivi des traitements par benfluorex, dont le nom commercial est le Mediator®.
Ils
publient les résultats de leurs investigations dans la revue ‘Pharmacoepidemiology and Drug
Safety’ du 9 février 2012.
Les
auteurs ont eu accès à plusieurs bases de données. On apprend ainsi qu’entre
1976, début de la commercialisation, et 2009, date du retrait, ce sont 145
millions de boites de Médiator qui ont été délivrées. La durée moyenne
d’utilisation du médicament a été de dix-huit mois.
C’est
la période 2006-2009 que, les épidémiologistes ont choisi de retenir pour leur
évaluation. Grâce aux données fournies par l’Assurance maladie à partir
de dossiers de 303 336 patients ayant eu au moins un remboursement en 2006 pour
le Mediator, 54 % utilisant encore le produit en 2007, 39 % en 2008 et 31 % en
2009.
.
La
méthode retenue par les auteurs a consisté à extrapoler le nombre de cas
d’hospitalisations pour insuffisance valvulaire entre 2006 et 2009 chez
des sujets qui avaient pris ce médicament en 2006 rapportées au nombre total
d’utilisateurs du produit entre 1976 et 2009.
Il
y a eu, dans cette période 597 hospitalisations pour valvulopathies chez
des personnes ayant utilisé le Mediator, 320 atteintes mitrales, 270 atteintes
aortiques, 77, tricuspides et 41 atteintes plurivalvulaires.
Ils
ont aussi calculé qu’au moment du début de suivi, en 2006, les 303 336
personnes suivies avaient déjà consommé en moyenne 30 boites de Mediator.
Ils
ont choisi de s’intéresser aux patients ayant consommé plus de trente boites. A
partir des données 2006-2009 ils ont obtenu une estimation pour la période
1976-2009 du nombre de personnes utilisatrices du Mediator et hospitalisées
pour valvulopathies : 4 031
patients.
Sur
ces 4031 personnes, ils estiment que 3069 étaient attribuables à l’utilisation du Mediator.
Pour
estimer le nombre de décès chez les utilisateurs de Mediator au cours de la
carrière de ce médicament, 1976-2009, ils ont utilisé les données d’une vaste
étude conduite en Amérique du Nord.
Cette
étude avait montré que chez les personnes porteuses d’une atteinte valvulaire
modérée à sévère, le risque de décès prématuré lié à cette pathologie était de
43 %.
Fournier
et Zureik estiment donc à 1320
le nombre de décès lié à l’utilisation du benfluorex ou Mediator. Et ils
pensent que le chiffre réel est sans doute encore plus élevé.
Il
est évident que cette étude va être vivement attaquée, car elle enfonce
sérieusement le clou.
Elle
repose sur des modèles et des extrapolations. Mais les deux épidémiologistes
qui font ces extrapolations ne sont pas des ‘touristes’ ou des chercheurs en
mal de gloire.
Ils
appartiennent à de grandes équipes internationalement reconnues en matière de
mortalité cardiovasculaire. Ils n’ont aucun lien d’intérêt avec un quelconque
industriel.
Le
monde de la cardiologie a, depuis le début de l’affaire, battu en brèche
les travaux des épidémiologistes au prétexte, notamment, qu’ils n’avaient pas
fait de telles constatations dans leur pratique.
Mais
ils ne connaissaient quasiment pas ce produit, prescrit surtout par des
généralistes, des endocrinologues et des gynécologues.
D’autre
part, des études ont montré, que c’est sous le microscope et non pas à
l’échographie qu’on mettait en évidence les lésions caractéristiques de l’usage
de benfluorex.
Il
faut donc espérer que ce travail bénéficiera d’analyses et de critiques au sens
scientifique du terme et non pas de dénégations. Ecarter ces travaux d’un
revers de la main au prétexte qu’on est un mandarin n’est pas très productif.
On
devrait avoir, cependant, beaucoup de mal à réfuter les travaux de ces deux
chercheurs qui ont travaillé à partir de données chiffrées solides et
vérifiables.
Leur
estimation s’inscrit parfaitement dans la ‘fourchette’ de l’étude menée sur une
période différente par Catherine Hill et qui estime le nombre de décès
attribuables au Mediator entre 500 et 2000.
Référence de l’étude :
Agnès Fournier and Mahmoud Zureik
Estimates of deaths due to
valvular insufficiency attributable to he use of benfluorex in France
Pharmacoepidemiology and Drug Safety 2012.
Published online in wileyonlinelibrary.com doi:
10.1002/pds.3213
Lire également l’étude sur la cohorte de patients diabétiques
et qui ont pris du benfluorex
Alain Weill et al.
Benfluorex and valvular heart
disease: a cohort study of a million people with diabetes mellitus
Pharmacoepidemiology and Drug Safety 2010; 19: 1256–1262
LA RÉACTION DES LABORATOIRES SERVIER DU
09/02/2012
Les Laboratoires Servier tiennent à souligner que l’étude
annoncée aujourd’hui par la presse concernant Médiator n’est pas une nouvelle
étude. Il s’agit des mêmes chiffres déjà largement diffusés mais non confirmés,
issus d’une étude statistique dont la méthodologie a fait l’objet de sérieuses
critiques. Ces chiffres ont été simplement remaniés par les auteurs, en vue
d’une publication.
Des études cliniques menées par des cardiologues sont
actuellement en cours. Elles seules permettront d’évaluer l’incidence réelle
des valvulopathies chez les patients traités.
Source
docteurjd.com (blog santé de jd flaysakier)