vendredi 31 mai 2019

Recettes Confitures-Confiture fraises et rhubarbe


Confiture fraises et rhubarbe

Préparation : 15 mn
Réfrigération : 2 heures
Cuisson : 6 mn
Pour 1 pot de 375 g
200 g de fraises
150 g de rhubarbe
210 g de sucre
½ citron
1. Lavez, équeutez et coupez les fraises en 2 ou en 4 selon leur grosseur.
2. Épluchez la rhubarbe et coupez-la en tronçon de 2 centimètres.
3. Versez les fruits dans un saladier, ajoutez le sucre ainsi que le jus de ½ citron, recouvrez de film alimentaire et placez au réfrigérateur pendant 2 heures.
4. Portez ensuite la préparation à ébullition dans votre bassine à confiture, puis laissez cuire à feu vif pendant 6 minutes. Ecumez si nécessaire.
5. Remplissez le pot à confiture et retournez-le jusqu’à ce qu’il soit complètement refroidi. 


jeudi 30 mai 2019

Infos santé : Sport et Santé-Chaussures de course minimalistes



Chaussures de course minimalistes

Des chaussures de course toutes fines et toutes souples envahissent les rayons. Tout le monde en parle… De quoi s’agit-il exactement ? Est-ce une mode ou un vrai concept ? Est-ce bénéfique ou dangereux ? Faut-il adhérer ? Comment l’utiliser ?

Par Stéphane CASCUA, médecin du sport et Philippe HERISSON, kinésithérapeute du sport.

Dans les années 1970, les trottoirs américains accueillent de nouveaux humanoïdes : les joggers ! Afin que leurs bonnes résolutions « santé » ne se brisent pas sur le macadam, l’urgence scientifique semble d’adapter la chaussure. Dans les rues des grandes villes, le revêtement dur est conçu pour marcher, pas pour courir ! La semelle amortissante s’impose ! La surenchère technologique et marketing est de mise : caoutchouc, mousses, alvéoles, petites bulles et grosses bulles. Sommes-nous allés trop loin ?

  • Intelligent comme ses pieds !
Les pieds mais aussi les membres inférieurs et la colonne vertébrale sont pourvus de mécanismes d’amortissement sophistiqués et efficaces. À l’impact, la voûte plantaire s’étale, les articulations se fléchissent. Les membranes fibreuses et les tendons sont mis en tension. Les petits muscles des pieds ou ceux, plus puissants, des jambes freinent et contrôlent le mouvement. Ces tissus accumulent l’énergie élastique ; elle sera restituée lors de la propulsion. Si Homo Ergaster, il y a 2 millions d’années, ne courait pas sur le macadam, il ne courait pas non plus avec des semelles amortissantes ! Blaise DUBOIS réalise une belle synthèse bibliographique. Il en ressort que ces chaussures sophistiquées n’ont pas démontré leur efficacité préventive sur les blessures. Au contraire, des modèles moins chers et moins épais semblent plus protecteurs. Depuis fort longtemps, l’enseignement traditionnel de podologie du sport met l’accent sur l’ambivalence de l’amorti. Par sa mollesse, il augmente le roulis du chaussage et aggrave les pathologies d’instabilité. Par son épaisseur, il se contente d’accroître la distance de freinage mais n’absorbe pas l’énergie de l’impact. Il ne fait qu’étaler le pic de pression. En physique, on dirait que la puissance du choc est diminuée mais que le travail reste identique. De fait, une semelle amortissante augmente le temps de contact et ralentit la course. Elle peut perturber le fonctionnement des mécanismes fins coordonnant le freinage. L’intervention asynchrone de l’appareil locomoteur pourrait favoriser les souffrances articulaires et tendineuses. La surépaisseur en arrière de la chaussure donne une impression inappropriée de confort. Elle favorise l’attaque du talon aux dépens d’un déroulé du pas plus harmonieux. Les contraintes mécaniques en réception sont, en réalité, majorées. Dans ces conditions chaque prise de contact avec le sol repousse le coureur vers l’arrière et le rendement est sérieusement altéré. Depuis pas mal d’années, les professionnels proposent de trottiner pieds nus quelques minutes par semaine. La plage voisine ou le gazon du terrain de foot entouré de la piste en tartan étaient les bienvenus. Nous suggérions aussi d’utiliser des chaussures de compétition de temps à autre à l’entraînement ! Les prémices du minimalisme ?

  • Chaussures minimalistes : structure et fonction
La structure de la chaussure minimaliste s’oppose sur bien des points à celle des runnings traditionnelles. Elle tente de restaurer la fonction naturelle du pied tout en le protégeant. En ce sens, elle est plus efficace que les peaux lacées de nos ancêtres. La semelle est constituée d’une mousse fine donc beaucoup moins amortissante. L’ensemble de vos articulations s’emploie à freiner l’impact. L’énergie élastique s’accumule dans vos muscles et vos tendons. Le talon de la chaussure minimaliste n’est pas plus haut que l’avant de la semelle. De façon quasi-spontanée, vous jetez moins la jambe en avant, votre talon ne vient plus frapper le sol en avant de votre centre de gravité, votre pied prend contact plus horizontalement. Votre voûte plantaire claque moins, se déroule plus harmonieusement et souplement. Votre foulée est moins ample mais gagne en fréquence et devient plus rentable. Cette semelle fine et souple vous permet de mieux sentir le sol. Les petits os de vos pieds se mobilisent plus aisément pour encaisser la réception et épouser les irrégularités du terrain. Le contrefort est beaucoup plus souple. L’os de votre talon retrouve son mouvement naturel. Conformément à sa fonction anatomique, il bouge dans les 3 dimensions, on dit qu’il « roule, tangue et vire » sous l’astragale, l’os de la cheville. Liberté du pied et du talon, voilà qui réduit les contraintes en torsion sur vos chevilles. Sans oublier qu’un talon plus bas limite le bras de levier, responsable des instabilités. Ainsi, les chaussures minimalistes pourraient contribuer à réduire le risque d’entorse.

  • Utilisation prudente et progressive
Remettre en fonction toutes ses structures anatomiques restées quiescentes dans vos runnings devrait se révéler bénéfique mais particulièrement sollicitant. La prudence s’impose afin que cette sollicitation ne tourne pas à l’agression tissulaire et à la lésion. L’absence de surélévation du talon tire plus qu’à l’accoutumée sur votre mollet et la tendinite d’Achille guette. L’extension des orteils est plus marquée. Les baguettes osseuses de l’avant pied assument plus de contraintes en torsion. La fracture de fatigue menace. Les chaussures minimalistes constituent plus un « exercice d’athlétisme » qu’un mode d’entraînement. Il est d’usage de proposer de trottiner 1 à 2 minutes avec cet équipement novateur, début ou fin de séance. Il est possible d’ajouter 1 à 2 minutes supplémentaires à chaque sortie sans dépasser 1 heure. N’hésitez pas à demander des conseils personnalisés à votre kinésithérapeute, votre podologue ou votre médecin du sport. Ils connaissent vos particularités morphologiques et vos antécédents de blessures. Quelques coureurs d’exception vont jusqu’à 20 km avec des chaussures minimalistes… comme d’autres ont fait le marathon pieds nus. Mais évitons le fanatisme ! Après adaptation, leur utilisation classique reste les footings de régénération, l’échauffement ou le retour au calme. Les données scientifiques et le recul expérimental manquent encore un peu au-delà. En compétition, lors des entraînements prolongés, la fatigue altère les capacités frénatrices des muscles et la coordination. Amorti et stabilité redeviennent indispensables pour ménager les os, le cartilage, les ligaments et les tendons. La chaussure de running traditionnelle retrouve sa totale justification et reprend toute sa place !

  • Porteurs de semelles correctrices !
Si vous portez des semelles correctrices dans vos chaussures de jogging, votre médecin et votre podologue ont diagnostiqué une altération de la statique de votre pied ou un trouble dynamique de votre foulée. Parfois, ils cherchent à compenser une usure ou une blessure plus haut située dans la jambe ou la colonne. L’avis de ces 2 professionnels est obligatoire avant de tester les chaussures minimalistes. Il est probable qu’ils vous recommandent de conserver votre correction plantaire afin de soutenir votre pied aux endroits les plus fragiles. Afin de renforcer ces mêmes points faibles, le minimalisme n’est pas exclu… à dose homéopathique. Par exemple, un pied plat, pronateur, s’écrasant sur son arche interne se sent mieux avec un bon soutien de voûte. À l’inverse, une chaussure minimaliste peut être considérée comme un exercice de « rééducation ». Ce chaussage améliore la force, l’endurance et la coordination du muscle jambier postérieur qui soutient le sommet de l’arche. Le pied devient moins pronateur ! Le minimalisme permet de réaliser quelques « séries de musculation » bien utiles mais l’excès mènerait rapidement à la lésion de ce tendon perpétuellement étiré par l’effondrement de la voûte.


Source SantéSportMag

Infos santé: Sport et Santé-La marche


La marche

Marcher est vivement conseillé pour les seniors. Les fameuses « 30 minutes de marche active » semblent constituer la panacée pour profiter de tous les bénéfices de l’exercice. Qu’en est-il vraiment ? Comment optimiser votre programme ?

Par le Docteur Stéphane CASCUA, médecin du sport.

À l’origine de la promotion et de l’excellente image de la marche on trouve de nombreuses recherches médicales confrontées à une réflexion sociologique et politique. Dès les années 80, PAFFENBARGER indique que les tous premiers effets favorables de l’activité physique se manifestent à partir d’une dépense énergétique hebdomadaire de 500 à 1 000 kilocalories. Voilà qui correspond à une durée de 2 heures à 4 heures de marche par semaine. D’autres articles viendront confirmer cet ordre de grandeur. Notez d’emblée qu’à ce niveau d’activité les bienfaits sont significatifs mais restent modérés. Le risque d’infarctus, d’hypertension artérielle, d’excès de cholestérol et d’autres maladies dites de civilisation diminue légèrement. Ainsi, la probabilité de survenue de maladie cardiovasculaire est réduite de 15 à 30 % et celle du diabète de 6 %. Sachez aussi que les bénéfices continuent de croître jusqu’à 3 500 kilocalories hebdomadaires soit l’équivalent de 10 kilomètres de course par jour. Dans ces conditions le risque de crise cardiaque est divisé par 3.
  • Après la médecine, la sociologie et la politique
À la rubrique sociopolitique, il faut admettre que la marche est très facile à pratiquer, même sans tenue de sport, même pour aller travailler. De surcroit, les études montrent que son intérêt persiste si elle est réalisée de façon discontinue. Ainsi, les allers-retours à la photocopieuse conservent leur pertinence scientifique tout au long de la journée ! Mais l’INSERM indique encore de nombreux freins à la marche quotidienne : absence ou mauvais état des trottoirs, obscurité, sensation d’insécurité. De fait, elle est encore plus difficile à mettre en place à la campagne qu’à la ville. Contrairement à une idée reçue, les enquêtes mettent en évidence que vivre en zone rurale ne favorise pas l’activité physique. Au contraire, le porte à porte en voiture y est beaucoup plus systématique. Quant à faire la promotion d’autres activités sportives, les politiques sont moins enthousiastes. Lorsque l’intensité de l’effort augmente, l’équilibre « risque/bénéfice » devient plus précaire et un couteux bilan médical est parfois nécessaire. De plus, si ces démarches amènent toute la population à la piscine ou sur les terrains de tennis, les collectivités locales se verront rapidement reprocher leur manque d’infrastructures. Décidément, mieux vaut proposer à chacun de marcher dans la rue…
  • Le cœur est sollicité… mais pas assez
Il n’en reste pas moins vrai que la marche recèle bien des intérêts pour la santé. Elle répond presque en totalité à la définition du sport d’endurance : activité physique sollicitant le cœur à intensité moyenne grâce à l’utilisation d’une volumineuse masse musculaire notamment celle des membres inférieurs. En marche à pied, le niveau de travail cardiaque est plutôt faible mais nous trouverons des astuces pratiques pour y remédier ! Certaines études montrent qu’elle permet d’améliorer le pronostic vital… et même la VO2 max… chez des patients sortant des services de cardiologie. Cette constatation s’explique aisément grâce à la notion essentielle d’ « effet d’entraînement ». Vous progressez lorsque vous effectuez un peu plus d’exercice que d’habitude. En pratique, vous comprenez pourquoi la marche à pied est bénéfique pour la santé du sédentaire repenti et sans grande efficacité pour le coureur de fond assidu ! Bref, c’est mieux que rien et c’est indispensable pour commencer le sport progressivement ! Une bonne façon de compenser le manque d’intensité cardiovasculaire de la marche est de prolonger sa durée. En effet, les études corrèlent volontiers les bienfaits de l’activité physique à la dépense énergétique. Cette dernière est principalement liée à la distance parcourue et relativement indépendante de la vitesse. Puisque, le plus souvent, on court deux fois plus vite qu’on ne marche, 30 minutes de marche correspond à 15 minutes de footing. Ainsi, en pratique, il est vivement conseillé d’atteindre progressivement 1 à 1h30 de marche par jour pour profiter pleinement des bienfaits d’une activité d’endurance.
  • L’appareil locomoteur se renforce… mais pas assez !
Chaque pas impacte la structure osseuse, crée des microlésions qui sont à l’origine d’une réparation plus solide. Logiquement, les études montrent que la marche à pied est efficace pour lutter contre l’ostéoporose. D’autres mettent en évidence que la course est plus efficace. Même les femmes ménopausées profitent d’un peu de trottinement au sein de leur programme. Bien sûr, lors des déplacements à pieds, les muscles des jambes travaillent et même ceux du dos. S’ils sont faibles, ils se renforcent…  s’ils sont forts, ils ne progressent pas ! Le cartilage bénéficie de cette activité douce et fonctionnellement essentielle pour préserver son autonomie. Ainsi, la marche est efficace pour lutter contre l’arthrose. Une étude fait référence. Des patients victimes d’arthrose de genou sont répartis en 3 groupes. Le premier se repose, le second fait de la musculation, le troisième insiste sur la marche. Comme vous le devinez, c’est ce dernier qui présente le moins de douleur et la plus grande aptitude à bouger à la fin du protocole. La marche améliore l’équilibre spécifiquement lors de cette pratique mais reste de fait peu efficace pour se récupérer en cas d’incident de type glissade ou brusque irrégularité sur le sol. Là encore, nous allons vous proposer de booster cette activité pour la rendre plus efficace…
  • La marche avec options « cardiovasculaires » !
Pour accroître le travail du cœur, les instituts de prévention vous parlent de « marche active », c’est bien ! Mais, comme vous l’avez compris, la vitesse idéale dépend de vos aptitudes. Si initialement, il est recommandé de renouer avec le mouvement tout en restant « en aisance respiratoire », il est rapidement conseillé de percevoir un « très léger essoufflement ». Les plus aguerris recherchent alors une intensité telle qu’ils puissent « parler mais pas chanter ». Dès que vous avez retrouvé la forme, l’allure de marche efficace pour le cœur est incompatible avec la vie quotidienne. À cette cadence, vous risquez fort de bousculer tous ceux qui déambulent sur le trottoir ou d’arriver ruisselant au bureau. La marche active devient vite une pratique sportive à part entière nécessitant d’enfiler une tenue adaptée et de s’octroyer un peu de temps. Cependant, quelques astuces peuvent vous aider à vous rapprocher de ce niveau de sollicitation. Pour ne rien gâcher, elles contribuent aussi à votre renforcement musculaire !
  • La marche avec « options musculaires » !
N’hésitez pas à prendre un peu de poids…  transportez vos affaires avec un sac à dos. Voilà qui fait aussi travailler vos muscles longeant la colonne ! Dans le même esprit, ne ronchonnez plus lorsque vous ramenez quelques commissions à pied. Portez deux sacs de poids comparable et modéré  peut constituer un véritable exercice de musculation. Pour rendre cette pratique plus ludique et plus efficace, amusez-vous à faire quelques exercices. Pliez les coudes, montez les bras sur le côté, en avant et arrière, etc. Si vous croisez vos voisins, nul doute, vous allez les impressionner ! Discrètement, faites des pauses ou posez vos cabas de temps à autre comme si vous faisiez des séries de musculation.  Chargé ou non, pensez aux rues en pentes et aux escaliers, vos cuisses et votre cœur apprécient cette sollicitation. Lors de vos balades spécifiques, prenez des bâtons et optez pour la marche nordique. Ainsi, vous associez de façon très efficace renforcement musculaire et augmentation du travail cardiaque. Dans vos moments de disponibilité, la randonnée sur le relief et en terrain varié transforme la marche en une activité sportive beaucoup plus complète. Le cœur travaille longtemps et plus intensément en côte. Les muscles aussi sont mis à contribution plus vigoureusement, surtout si vous portez un sac à dos et si vous utilisez des bâtons. Votre système nerveux peaufine votre équilibre dans les descentes caillouteuses. Ainsi, ces grandes balades dominicales associées à une préparation  quotidienne à l’aide de bonnes séances de marche active peuvent constituer un vrai « programme santé forme » pour le sénior.
  • La marche vous pousse au maximum !
On peut reprocher à la marche usuelle son manque d’intensité pour garder le jeune sénior en forme. À l’inverse, la randonnée en côte amène parfois le sénior âgé au maximum de ses aptitudes cardiovasculaires.  Les constatations de terrain sont là pour le prouver. Je côtoie des retraités actifs et branchés qui aiment à utiliser un cardiofréquencemètre. Lorsqu’ils crapahutent vigoureusement sur le relief, ils approchent leur fréquence cardiaque maximum. De façon comparable, un test progressif de marche sur tapis roulant en pente, est souvent utilisé par les cardiologues pour mener à bien leur épreuve d’effort maximum chez les seniors. On parle de « protocole de BRUCE ». De fait, vous comprenez pourquoi ce type de bilan se révèle souvent nécessaire pour valider une simple aptitude à la randonnée chez un senior actif !


Source SantéSportMag

Infos santé : Sport et Santé-Le lumbago chez l’enfant



Le lumbago chez l’enfant

 Cet adage médical justifie un bilan diagnostique rigoureux pour éliminer une lésion osseuse en cas de douleur lombaire avant la fin de la croissance ! Alors, si votre petit athlète a mal en bas du dos, consultez votre médecin et lisez cet article !

Par le docteur Stéphane Cascua, médecin du sport.

La colonne est constituée d’un empilement de vertèbres séparées d’un petit amortisseur, le disque. Chacun de ces blocs se prolonge d’un arc osseux pourvu de deux petites articulations qui guident le mouvement à la manière de spatules de ski. Ce sont ces structures qui risquent de se fissurer chez l’enfant.


Illustration : Mathieu PINET

  • Colonne de jeune bipède sportif en danger !
Chez l’enfant, le disque intervertébral est souple. Il résiste aisément aux contraintes de compression ou d’inclinaison. Les hernies discales sont exceptionnelles. En revanche, l’os en croissance est fragile. Quand la colonne vertébrale se cambre, les arcs postérieurs s’impactent. Ils sont pris en tenaille. Les chocs finissent par les fissurer. Il se constitue une véritable fracture de fatigue. En langage médical, on parle de « spondylolyse ». Le plus souvent, elle se localise sur la dernière vertèbre, la 5e lombaire. Cette lésion est inhérente à la verticalisation et au dos creux. Elle n’existe ni chez les quadrupèdes, ni chez les humains handicapés n’ayant jamais marché. On la retrouve chez 3 à 6 % des enfants… et dans les mêmes proportions chez les adultes sédentaires. Ces chiffres confirment tout simplement que cette lésion se constitue obligatoirement avant la fin de la croissance ! Elle touche 20 % des sportifs de haut niveau. Plus la discipline impose de cambrer le bas du dos, plus ce ratio augmente. Ainsi, 60 à 70 % des gymnastes et des pratiquants du plongeon en sont victimes. Parfois, la fracture se produit aussi sur les vertèbres sus-jacentes, 4e voire 3e lombaire. C’est notamment le cas chez les professionnels du cirque et autres contorsionnistes.


Illustration : Mathieu PINET

  • Fréquent mais néfaste !
Cette lésion est fréquente chez l’adulte. Pourtant il faut la traiter dès l’enfance ! En effet, la fracture sépare les petites articulations situées sur l’arc postérieur et le gros bloc osseux antérieur appelé « corps vertébral ». Du fait de la cambrure, ce dernier risque de glisser vers l’avant. On parle de « spondylolisthésis ». Dans 85 % des cas, le décalage entre les 2 vertèbres est stable et modéré, inférieur à 1/3 de la longueur du disque intervertébral. Souvent, il ne fait pas mal. Lorsque la vertèbre cassée est plus étroite en arrière qu’en avant, si celle située en-dessous est très inclinée ou en forme de toboggan, l’aggravation est probable. Exceptionnellement, il arrive que la vertèbre du haut passe complètement en avant de sa voisine du bas et tombe en avant du bassin ! C’est la « spondyloptose ». À tous les stades, des douleurs peuvent survenir au fil des ans. En effet, le disque est soumis à des contraintes de cisaillement alors qu’il est conçu pour assumer une compression. Ses anneaux fibreux se déchirent, le liquide gélatineux contenu au milieu peut même sortir et former une hernie discale. Parfois, un gros noyau fibreux et distendu s’est formé en remplacement du cal osseux. C’est le « nodule de GILL ». Il arrive que ce dernier soit irrité par la répétition des impactions lors des hyperextensions de la colonne. Plus ennuyeux, il peut toucher, voire emprisonner, le nerf sciatique qui sort du canal vertébral juste à cet endroit. Cette fois, les douleurs lombaires irradient dans la jambe !


Illustration : Mathieu PINET

  • Profitez de la fracture !
Chez l’adulte, plusieurs années après la constitution de la fracture, il ne subsiste aucun potentiel de consolidation. En revanche, chez l’enfant, au cours des semaines qui suivent la survenue des  douleurs, la spondylolyse peut cicatriser. D’où l’importance de ne pas rater le diagnostic ! Voilà pourquoi « tout lumbago de l’enfant est une fracture de fatigue… jusqu’à preuve du contraire ». En pratique, devant de tels symptômes, votre médecin du sport prescrit une radiographie. Si une fracture est visible, il est indispensable de savoir si elle est récente. Pour cela, il est nécessaire de réaliser une I.R.M. ou une scintigraphie. Le premier examen montre une inflammation et un œdème autour de la zone nouvellement cassée. Le second consiste à injecter dans le sang une substance qui se fixe sur l’os qui travaille. Tant que le tissu osseux tente encore de réparer la fissure, le produit se concentre dans les arcs vertébraux. Une caméra détecte cette hyperactivité. Dans ces circonstances, une immobilisation mérite d’être tentée !

  • Un traitement contraignant, pas toujours efficace… mais indispensable !
Si la fracture est récente, si elle peut encore consolider, un corset s’impose. Il est réalisé sur mesure et bloque l’extension du dos. Il est dit en « délordose ». Classiquement, il est à conserver toute la journée pendant 3 mois. La nuit, il est théoriquement inutile car, souvenez-vous, il s’agit d’une blessure provoquée par le redressement et la verticalité. Certains médecins tentent de limiter à 6 semaines l’immobilisation ; d’autres la prolongent jusqu’à 4 ou 6 mois en fonction des résultats. Pendant toute cette période, une rééducation visant à réduire la cambrure est conseillée. Le vélo, en vous plaçant légèrement penché en avant, permet de garder la forme pendant les semaines d’immobilisation. La natation est contre-indiquée. Malgré son image favorable, elle creuse le bas de la colonne. Au retrait du corset, les études mettent en évidence 60 à 80 % de consolidation. Dans le cas contraire, même si le cal osseux ne s’est pas formé, les douleurs se sont souvent apaisées.

  • Prévention pour toujours !
Consolidation ou non, glissement ou non, douleur ou non, la prévention est définitivement indispensable ! La rééducation doit se poursuivre pour limiter le dos creux et automatiser cette nouvelle posture. Il faut assouplir les muscles situés à l’arrière de la colonne et des cuisses. Il est opportun de renforcer les abdominaux et surtout d’optimiser leur coordination afin qu’ils ne se laissent pas distendre. Le travail de gainage regroupe les exercices emblématiques. Il est effectué d’abord sur des appuis stables puis en utilisant des coussins et des ballons. Il ne faut pas hésiter à modifier le geste sportif afin de limiter la cambrure du dos. Exemple : un tennisman doit apprendre à armer son service en privilégiant la rotation de son bras et la flexion de ses genoux. Le pli souvent, ces mesures parviennent à apaiser les souffrances du sportif. Certains médecins proposent d’infiltrer le nodule de cicatrisation resté inflammé. Parfois, une opération est envisagée. Habituellement, le chirurgien prélève un bout d’os dans le bassin. Il l’insère à la place du nodule de cicatrisation mou et inefficace puis le visse en comprimant l’ensemble. Là encore, une immobilisation par corset s’impose pendant 3 mois.



Source SantéSportMag

Infos santé : Sport et Santé-Douleurs en bas du dos


Douleurs en bas du dos

Vous avez mal le matin, assis ou debout longtemps. Votre médecin vous a dit : « Vous souffrez de lombalgie chronique, vos disques sont tassés ». Commencez par un peu de kinésithérapie, et surtout continuez par une autorééducation régulière !

Avec la collaboration de Grégory DELENTE, kinésithérapeute du sport.

Entre chaque vertèbre de votre colonne, il existe un disque. Il est constitué d’une succession d’anneau fibreux à la manière d’un oignon. Au centre, on trouve une boule de substance visqueuse qui sert d’amortisseur et de répartiteur de pression. A l’occasion d’un mouvement rapide et d’une compression violente, elle peut déchirer les anneaux et s’expulser à l’extérieur du disque : c’est la hernie. Plus souvent, au cours du sport ou de la vie quotidienne, les petits gestes agressifs s’accumulent. Les anneaux se fissurent insidieusement et la gélatine s’y infiltre. Le disque balafré de cicatrice devient rigide et se tasse. L’os des vertèbres situées de part et d’autres doivent encaisser les contraintes inhabituel et devient douloureux : C’est l’insuffisance discale ! Dans ces circonstances, vous souffrez le matin en sortant du lit, vous avez mal assis ou debout longtemps. Visiblement votre colonne n’aime pas l’immobilité. Offrez-lui du mouvement ! L’auto-rééducation parvient à limiter l’usure des disques et surtout à compenser cette dégradation.


  • Musclez et soutenez votre colonne
La colonne lombaire est la seule structure osseuse entre le thorax et le bassin. Elle doit être fermement maintenue par un solide cylindre musculaire : en avant les abdominaux dit « grands droits », la fameuse plaque de chocolat, sur le côté, les abdominaux obliques et les transverses, en arrière, longeant la colonne et encore plus impliqués dans sa stabilité, les paravertébraux. Ainsi, trois exercices clés contribuent au soutien de votre colonne lombaire.

  • Exercice 1 : renforcement des grands droits


Illustration : Mathieu PINET

Allongé sur le dos, jambes fléchies et dos plat.
Sans bouger,  poussez avec vos mains sur vos genoux tout en soufflant pendant 3 secondes. Récupérez 2 secondes. Adaptez la force exercée à votre niveau.
Répétez l’exercice 20 à 40 fois.

  • Exercice 2 : renforcement des obliques et des transverses


Illustration : Mathieu PINET

Allongé sur le dos, jambes fléchies et dos plat.
Sans bouger, poussez avec la main droite  sur l’intérieur de  genou gauche, tout en soufflant pendant 3 secondes. Récupérez 2 secondes et changez de côté. Adaptez la force exercée à votre niveau.
Répétez l’exercice 20 à 40 fois.

  • Exercice 3 : renforcement des paravertébraux.
Allongé sur le sol, genoux fléchis, monter lentement le bassin. Alignez le tronc et la cuisse et creusez légèrement le dos comme en position debout. Gardez l’attitude 3 secondes. Redescendez doucement. Enchaînez 20 à 40 mouvements.

Illustration : Mathieu PINET

  • Assouplissez votre colonne
Vos disques se sont enraidis par accumulations de petites cicatrices fibreuses. La réduction de la mobilité qui en résulte provoque également une perte de souplesse des ligaments et des muscles qui entourent la colonne. Il est grand temps de rompre ce cercle vicieux ! Sinon, le moindre mouvement risquerait de déchirer l’une de ces structures, provoquant un accroissement des douleurs voir un lumbago. Mieux vaut mobiliser votre dos : progressivement, mais sans hypocrisie et tout sens !
  • Exercice 4 : assouplissement en flexion
Allongé sur le dos, attrapez vos genoux fléchis avec vos mains. Gardez la position 20 secondes : les muscles se relâchent. Tirez un peu plus vigoureusement pour obtenir une tension des ligaments et des disques. Conservez cette nouvelle attitude 10 secondes.

Illustration : Mathieu PINET

Si cet exercice ne provoque aucune sensation dans le bas de votre colonne, tendez un peu plus les genoux et attrapez vos mollets ou vos chevilles.

  • Exercice 5 : assouplissement en rotation
Allongé sur le dos, bras écartés pour fixer les épaules au sol, basculez vos genoux fléchis à droite. Gardez la position 20 secondes. Vos muscles se relâchent. Essayez de gagner en amplitude 10 secondes pour mobiliser vos vertèbres. Recommencez du côté opposé.

 Illustration : Mathieu PINET

  • Exercice 6 : assouplissement en extension
Allongé sur le ventre, remontez vos épaules et posez vos avant-bras sur le sol. Plaquez l’avant de votre bassin sur le sol, la cambrure doit venir du bas du dos. N’hésitez pas à contracter vos muscles lombaires et vos fessiers. Vous sentez que « ça travaille » au-dessus du bassin : c’est normal !


Illustration : Mathieu PINET

  • Equilibrez votre colonne
Vos muscles ont gagné en force et en endurance. Il faut désormais qu’ils soient plus vigilant et contrôlent mieux la position de votre colonne. C’est indispensable en position debout ou en courant. C’est nécessaire aussi quand vous mobilisez votre colonne au quotidien.

  • Exercice 7 : coordination statique
Position identique à l’exercice 3 mais soulevez un genou et le coude opposé. Fermez les yeux et maintenez l’équilibre 10 à 30 secondes en conservant le buste aligné sur la cuisse. Changez de côté. Les chaînes musculaires diagonales sont celles de la course.

Illustration : Mathieu PINET

Vous pouvez corser la difficulté en montant les 2  mains.

  • Exercice 8 : coordination dynamique
Lorsque vous ramassez un objet léger tombé par terre, inutile d’écraser vos genoux en vous accroupissant, inutile de transformer votre colonne en tige de bambou ! Vos articulations sont faites pour s’articuler ! Retrouvez cette coordination naturelle !
Penchez-vous lentement en avant, Fléchissez légèrement les genoux, déroulez vos vertèbres et basculez votre bassin. Commencez en posant vos mains sur l’assise d’une chaise. En quelques séances, vous toucherez le sol sans difficulté. Redressez-vous tranquillement, enrouler vos vertèbres, faites pivoter votre bassin, tendez les genoux. Faites ce mouvement 10 à 30 fois.


Illustration : Mathieu PINET

  • Exercice 9 : relaxation musculaire
Celui là devrait vous plaire ! Prenez un grand bain à 37°, détendez vous pendant 10 à 20 minutes. Vous cumulez positon allongée, apesanteur et chaleur. C’est idéal pour mettre tous vos muscles au repos et relâcher l’ensemble de votre colonne.

  • Une colonne vertébrale de galopeur
Les petites articulations situées à l’arrière des vertèbres lombaires sont larges et plates de profil. Elles empêchent cette portion de colonne de tourner. Juste en au-dessus, à proximité des côtes, et juste en dessous, à la jonction avec le bassin, elles sont en formes de spatules de ski et permettent une légère rotation.
Notre colonne lombaire d’ancien quadrupède est faite pour galoper. A ce niveau, elle s’étendait et se pliait amplement à chaque foulée. De nos jours, ces deux mouvements sont assumés aisément, la rotation est plus difficile et se localise aux deux extrémités. En pratique, il est inutile d’insister sur le gain de souplesse en rotation. Restez prudent.


Source SantéSportMag

mercredi 29 mai 2019

Billets-Les Whistleblowers


Les Whistleblowers

Aux Etats-Unis, le combat solitaire des “whistleblowers”, patriotes de la transparence
Aussi appelés lanceurs d’alerte, ils percent des scandales tels qu'Enron ou Abou Ghraib. Mais en divulguant des infos top secret, ils défient l’Etat et les industriels. Et se mettent en danger.

« J'ai prêté quatre fois serment pour ce pays. Deux fois dans l'armée, une fois à la CIA, et une fois à la NSA (1)» A 55 ans, dont trente à servir l'Administration jusque dans ses recoins les plus secrets, Thomas Drake est devenu un ennemi d'Etat. Son crime ? Avoir parlé au Congrès – puis à la presse – du nébuleux projet Trailblazer, un système de surveillance généralisée des télécommunications développé par la National Security Agency.
En dénonçant une suite de dysfonctionnements, il pense légitimement être couvert par la loi qui, aux Etats-Unis, protège constitutionnellement les whistleblowers, les lanceurs d'alerte. Seulement, un beau matin de 2007, une douzaine d'agents du FBI débarquent sur la pelouse de sa propriété du Maryland. Ils perquisitionnent tout. Ils désossent sa bibliothèque. Ils veulent même embarquer les ordinateurs 8-bits de collection de cet expert informatique décoré dans l'armée et fan de Star Trek.
Drake est poursuivi au nom de l'Espionage Act, un texte centenaire et en partie anticonstitutionnel qui punit les activités anti-américaines (pour mémoire, c'est celui qui a mené les époux Rosenberg à la chaise électrique). En tout, il va passer un an de sa vie à essayer de ne pas en passer trente-cinq derrière les barreaux.

Nous le rencontrons à Washington, dans les bureaux du Government Accountability Project (GAP), une organisation qui représente et défend environ soixante  whistleblowers par an. Sur K Street, bien évidemment, l'avenue historique des cabinets de lobbying et des think tanks. Les traits émaciés par un combat de plus de six ans qui l'a épuisé mais le regard d'un bleu toujours patriote, Thomas Drake a longtemps fait partie du système.
Cet échalas de 1,90 m, aux cheveux grisonnants, a grandi avec les auditions télévisées du Watergate ; pour le compte de la CIA, il a travaillé comme expert en renseignement électronique en Allemagne de l'Est aux grandes heures de la Stasi ; il connaît le visage de l'espionnage. Mais rien ne pouvait le préparer à ce qu'il a enduré.
« J'ai vécu l'Etat policier, lâche-t-il en se repeignant et en citant Les Trois Jours du CondorOn m'a traité comme un espion du KGB pendant la guerre froide. Je suis radioactif. A la NSA, une seule personne m'adresse encore la parole. » Malgré les pressions, il n'a jamais voulu plaider coupable dans son affaire, un dossier de plusieurs milliers de pages : « Devant la cour, la vérité ne suffisait pas»
Aux Etats-Unis, les whistleblowers bénéficient pourtant d'un statut sanctuarisé depuis un siècle et demi, grâce au Whistleblower Protection Act (en 1863, il s'appelait encore le False Claims Act). Leur rôle vertueux n'est plus à prouver. Sans eux, la presse aurait bien du mal à révéler certains scandales. Sans eux, le public n'aurait peut-être jamais eu connaissance de Guantanamo ou des tortures d'Abou Ghraib, mises au jour par le soldat Joseph Darby.
« On leur doit les plus gros­ses révélations des dix dernières années », renchérit Jesselyn Radack, l'avocate de Drake, une ancienne du Département de la Justice. Elle défend plusieurs autres clients. Il faut dire que les candidats ne manquent pas. « Toutes les relations entre les hommes reposent, cela va de soi, sur le fait qu'ils savent des choses les uns sur les autres », écrivait le philosophe allemand Georg Simmel en incipit de Secret et sociétés secrètes.
Aux Etats-Unis, les relations entre les hommes reposent sur le fait que 4,8 millions de personnes savent des choses sur l'Administration. C'est le nombre faramineux d'accréditations secret-défense disséminées à travers le territoire. En 2011, les agences américaines ont dépensé plus de 11 milliards de dollars pour garder secrets leurs secrets, investis dans du matériel informatique sécurisé ou des formations à la confidentialité. C'est 30 % de plus qu'en 2009. Pour un peu, on y verrait presque une bulle spéculative de la cachotterie. Certains racontent même qu'au Département d'Etat, des employés n'hésitent pas à classifier cartes de vœux et avis de naissance.
Contre toute attente, de soupapes de sécurité démocratiques les whistleblowers sont devenus les ennemis numéro 1 de l'Administration. Le cas de Thomas Drake a été très médiatisé, jusqu'à un long portrait dans The New Yorker. Mais ce n'est pas le seul, loin de là. En tout, l'administration Obama a déjà poursuivi six fonctionnaires (dont la moitié au FBI et à la CIA), contre trois avant l'arrivée du si gentil Barack à la Maison-Blanche.

Le prochain à visiter les prétoires, au mois de septembre ? Le soldat Bradley Manning, 24 ans, qui aurait transmis des centaines de milliers de télégrammes diplomatiques à WikiLeaks. Après avoir échappé de justesse à la peine de mort, il risque fort de finir sa vie en prison.
Aujour­d'hui, parler est devenu un crime. Comme les Romains, qui plantaient les têtes de leurs ennemis au bout d'une pique en guise d'avertissement, le gouvernement veut faire des exem­ples pour tuer les vocations dans l'œuf. « Le livre le plus facile à censurer est celui qui n'a pas été écrit », avance Peter Van Buren sur un ton sibyllin.
Il sait de quoi il parle. Après vingt-quatre ans de bons et loyaux services au Département d'Etat, ce diplomate polyglotte du Foreign Service, grand chauve à l'air affa­ble, a été mis à pied sans ménagement il y a quelques mois : son ouvrage sur la reconstruction en Irak (We meant well) n'a pas beaucoup plu à Hillary Clinton. Même les journalistes sont contaminés par la paranoïa.
Tous ont en mémoire l'exemple de James Risen, un reporter du New York Times, colauréat du prix Pulitzer, à deux doigts d'être poursuivi en 2008 pour avoir – devinez quoi – menacé la sécurité nationale en dévoilant les détails de l'Opération Merlin (une manœuvre de l'administration Clinton pour retarder le programme nucléaire iranien).
Quand on leur demande quel est le point de basculement, nos interlocuteurs familiers du monde du renseignement sont formels : le 11 Septembre. « J'ai su que quelque chose ne tournait pas rond dans les semaines qui ont suivi les attentats », raconte Thomas Drake.
A l'époque, il était aux premières loges, à Fort Meade, la base de la NSA, sortie 32 sur l'autoroute, à une vingtaine de miles du centre de Washington. C'est dans ce bâtiment aveugle ultra classifié, dont l'existence ne fut reconnue qu'en 1957, que se transmettent les informations les plus sensibles, que s'élaborent les opérations les plus confidentielles. « La sécurité nationale est devenue une religion d'Etat, s'inquiète encore Drake. Et ce n'est plus personnalisé, comme au temps de McCarthy, c'est incarné par toute l'Administration. »
Le régime d'exception en vigueur depuis 2001, matérialisé par le Patriot Act ou les National Security Letters (2), est en train d'être inscrit dans la Constitution. Officials Secret Act, Shield Act, les projets pullulent, poussant chaque fois le curseur un peu plus loin. Tous fondaient beaucoup d'espoirs en Barack Obama, le professeur de droit constitutionnel, qui avait promis de légiférer en leur faveur. Le retour de manivelle a été violent.
A quelques blocs des locaux climatisés du GAP, Steven Aftergood est chercheur à la Federation of American Scientists. Depuis 1989, cet expert reconnu dans tout le pays étudie méthodiquement les secrets de l'Administration. Dans son bureau du sixième étage d'un bâtiment anonyme, noyé sous les piles de livres, il tente de prendre un peu de hauteur sur la situation.


© Grégoire Alexandre

« Obama n'est pas si différent de ses prédécesseurs, plaide-t-il. Déjà, en 2000, nous avons failli adopter une législation draconienne vis-à-vis des whistleblowers, et il a fallu le veto in extremis de Clinton pour que le texte ne passe pas. Cependant, il y a trois facteurs à prendre en compte. Primo, les moyens technologiques permettent de faire fuiter des informations plus facilement, mais aussi d'identifier les whistleblowers de façon beaucoup plus rapi­de. Deusio, il y a eu un trauma WikiLeaks, et l'Administration veut faire un exemple. Tertio, nous sommes dans une année électorale, et tous les politiques rivalisent d'ingéniosité pour serrer la vis. »
Bingo : quelques jours avant ma visite, trois sénateurs républicains se fendaient d'une tribune dans le Washington Post titrée « Leaks must be plugged », « Les fuites doivent être colmatées ». Et tant pis si la Constitution prévoit que le Congrès ne puisse pas voter une loi contraire au premier amendement, relatif à la liberté d'expression.
Dans ce dédale législatif, les whistleblowers pourraient être livrés à eux-mêmes, chair à canon d'une bureaucratie revancharde. Heureusement, dans la région de Washington DC, une demi-douzaine de structures sont là pour leur tracer des itinéraires sécurisés. Pour les épauler au quotidien, aussi. Une poignée d'avocats se sont d'ailleurs spécialisés dans ces parties d'échecs interminables. Stephen M. Kohn en fait partie. On pourrait même dire qu'il a inventé le gambit procédural.
Ami de feu l'historien Howard Zinn, il défend des lanceurs d'alerte depuis 1984, de son confortable cabinet situé dans une maison en brownstone du quartier de Georgetown. Il a fondé le National Whistleblowers Center, une structure pour les protéger, et a même rédigé un guide pratique à leur intention (3). En ce moment, inutile de dire qu'il ne chôme pas. Son meilleur conseil ? Venir le voir immédiatement, avant même de sortir la moindre information. « Sinon, vous êtes broyés par le système»
Même s'il s'inscrit dans de grands principes de démocratie et de transparence, le petit monde de la fuite est fait de cas particuliers et d'interrogations personnelles. Surtout, c'est un immense sacrifice humain. « Nous ne voulons pas détruire le gouvernement, nous voulons le rendre meilleur », soupire Peter Van Buren.

Pour l'heure, c'est surtout le gouvernement qui semble vouloir anéantir leswhistleblowers. La femme de l'ex-diplomate craint pour l'avenir de ses enfants, qu'ils soient blacklistés à l'université. Lui sait qu'il doit déménager, changer de vie. Dans une région (la Beltway, qui court entre la Virginie et le Maryland) où tout le monde travaille de près ou de loin pour l'Administration, sortir du bois peut vite vous emmener dans un no man's land.
Le placardisé du Département d'Etat raconte même qu'un ancien collègue, effrayé à l'idée de perdre son job, a dépêché sa femme dans un café pour qu'il lui remette un exemplaire dédicacé de son livre. Dans leur bouche, un mot revient inlassablement, « isolement ». « Dans le meilleur des cas, ils finissent ruinés, au chômage et marginalisés, lâche Jesselyn Radack. Dans le pire, ils mettent fin à leurs jours. »
Au moment de l'abandon des charges qui pesaient contre lui, Drake a ressenti des symptômes de stress post-traumatique, comme un soldat de retour du front. Il lui a fallu plus d'un an pour se remettre d'aplomb, apprivoiser les flash-back. Son propre père a fini par se poser des questions sur sa culpabilité, et son fils, étudiant en droit, s'est demandé « à quoi rimait ce bordel ». « Plus ça dure, plus la pression est forte, reconnaît-il, précisant : Je ne peux pas abandonner mais le prix est élevé. »
Entre hypothèques immobilières et familiales, son combat lui a coûté, dit-il, un million de dollars. Depuis, l'ancien cadre du renseignement s'est inscrit en doctorat, et il a même trouvé un petit boulot dans une grande entreprise d'informatique. Malgré les coups qu'on lui a assénés, il tient toujours debout : « Les Pères fondateurs de ce pays l'ont énoncé très clairement. Le premier amendement, qui fonde la liberté d'expression, est un droit mais c'est surtout une responsabilité. »

  • Et en France ?
Sans statut légal protégé, les whistleblowers français doivent même composer avec une carence : il n'existe pas de véritable traduction du mot. Par commodité, on les appelle « lanceurs d'alerte ». Et ils œuvrent dans le flou. Hormis l'article 40 du Code de procédure pénale, qui oblige tous les fonctionnaires à dénoncer les infractions dont ils ont connaissance dans le cadre de leur activité, c'est le vide.
Dotée d'un système rudimentaire d'alertes légales, la Cnil n'a jamais voulu se pencher sérieusement sur la question, craignant de mettre sur pied « un système organisé de délation professionnelle ». Résultat : peu de Français soufflent dans le sifflet. On pourrait évoquer Sihem Souid, la fliquette auteur du brûlant Omerta dans la policeOu Jean-Luc Touly, terreur des marchés de l'eau, licencié de Veolia puis réintégré sur décision de justice.
Conseiller régional Europe Ecologie depuis 2010, ce dernier est également membre historique d'Anticor, une association qui combat la corruption et les conflits d'intérêts. C'est d'ailleurs accompagné de son avocat William Bourdon qu'il était allé réclamer, en 2008, un encadrement du whistleblowing à Gérard Larcher, alors président du Sénat. En vain. A la faveur du changement de majorité, les militants de la transparence espèrent inscrire leurs doléances dans l'agenda. Ce n'est pas gagné.

(1) Créée en 1952, la National Security Agency (NSA) est la plus secrète des agences de renseignements américaines. L'un de ses sobriquets l'énonce clairement : « Never Say Anything », « Ne dites jamais rien ».

(2) Renforcées après le 11 Septembre, ces requêtes autorisent les agences de renseignements à réclamer les données personnelles d'un individu à n'importe quelle entreprise privée (un fournisseur d'accès à Internet, par exemple).

(3) The Whistleblower's Handbook, A step-by-step guide to doing what's right and protecting yourself aux éditions Lyons Press, 2011.


Source Télérama Olivier Tesquet