jeudi 6 juin 2013

Infos santé-Cholestérol et statines


Cholestérol et statines

C’est reparti ! Après le livre sur les médicaments, coécrit avec Bernard Debré, Philippe Even se lance dans une nouvelle croisade contre les risques liés à l’excès de cholestérol et contre les statines, une famille de médicaments utilisés pour combattre l’excès de cholestérol. Une nouvelle attaque sans aucune nuance et qui soulève certains problèmes.

Dans l’opuscule précédent cosigné par Bernard Debré, les deux médecins dont, rappelons-le aucun n’est cardiologue, pharmacologue ou spécialiste des maladies du métabolisme, avaient déjà tiré à boulets rouges sur ces statines, ce qui a conduit, semble t-il à de nombreuses interrogations chez les patients et même à des arrêts de prise de ces médicaments.
Deux points essentiels sont mis en exergue dans le nouvel ouvrage.
Le premier concerne le cholestérol. Quand quelqu’un vous dit ‘j’ai du cholestérol’, sachez que c’est plutôt une bonne chose ! Le cholestérol est indispensable à notre vie : il forme la paroi des milliards de cellules de notre corps, il permet la synthèse de la vitamine D et des diverses hormones stéroïdes, dont les hormones sexuelles sans lesquelles nous ne serions pas là !
Mais quand on vous dit ‘j’ai trop de cholestérol’, là c’est autre chose ! Aujourd’hui on considère qu’un taux supérieur à 2 grammes par litre est un taux trop élevé. On estime aussi que dans ce taux global, il faut regarder divers composants, dont la partie de cholestérol transporté par des lipoprotéines de faible densité, les LDL. On considère que ce LDL-C est un facteur de risque cardiovasculaire en raison de sa propension à se déposer sur les artères. Cette notion du cholestérol comme facteur principal des maladies cardiovasculaires est néanmoins battu en brèche depuis un certain temps. Les lésions des vaisseaux sanguins, l’athérosclérose est, en effet, une maladie dont la composante initiale est de nature inflammatoire et immunologique.
La plaque calcifiée de cholestérol étant un élément supplémentaire de risque en raison du risque de rupture et de fragmentation qu’elle comporte. Les débris peuvent alors migrer dans la circulation d’aval et venir obstruer le débit sanguin de vaisseaux plus petits entrainant un infarctus du myocarde ou du cerveau.
  • Mauvais ou pas mauvais ?
Pour Philippe Even, il n’existe pas de ‘mauvais cholestérol’. Il reprend là une théorie développée depuis des années par le Dr Michel de Lorgeril, l’un des pères du ‘Paradoxe français’ et qui a publié en 2007 ‘Dites à votre médecin que le cholestérol est innocent
Il n’y a donc, à proprement parler, rien de novateur dans l’ouvrage de Philippe Even par rapport à ce que disait Michel de Lorgeril.
La notoriété du premier et son aura médiatique font qu’on en parle plus que du cardiologue et chercheur grenoblois.
Le second concerne les statines. Ces médicaments sont très largement prescrits dans de nombreux pays occidentaux. La mise au point de ces médicaments résulte de la découverte par deux chercheurs américains, Brown et Goldstein, d’un mécanisme permettant de comprendre la façon dont notre organisme synthétise et épure le cholestérol. Ils ont découvert, en effet, le rôle d’une enzyme, la HMG-Coenzyme A réductase qui joue un rôle important dans ces mécanismes. Cette découverte leur a valu le Prix Nobel de médecine en 1985.
Les statines sont des médicaments qui inhibent l’effet de cette réductase. Il en existe sous forme naturelle, notamment dans la levure de riz rouge, c’est la lovastatine.
Les statines ont été beaucoup prescrites avec pour but de faire baisser le taux de cholestérol. Beaucoup et sûrement trop prescrites pour diverses raisons, dont, évidemment des raisons commerciales. Mais pas uniquement. L’effet de réduction du taux de cholestérol obtenu a parfois eu un côté ‘magique’ qui a grisé les patients mais, hélas aussi, les médecins.
Certains en ont oublié que c’est d’abord et avant tout la lutte contre les facteurs de risque et les modifications des habitudes de vie qui étaient essentielles, avant la ‘potion magique’ manger des statines en continuant de fumer, en ne changeant pas ses habitudes alimentaires et en restant sédentaire produit rarement des miracles.
Mais, en revanche, cela peut produire de nombreux effets indésirables comme on l’a vu il y a quelques années avec la cerivastatine. Ce produit a entrainé des atteintes musculaires sévères, comme des destructions musculaires, une rhabdomyolyse, aux conséquences souvent très graves.
  • Donner les statines à bon escient
Les douleurs musculaires sont d’ailleurs un effet commun à toutes les statines. De même il est important de surveiller la fonction hépatique de façon régulière chez les sujets qui les prennent.
Dans son ouvrage, Philippe Even juge globalement inutiles ces médicaments, comme le fit de Lorgeril six ans plus tôt. Pour autant cela veut-il dire qu’il n’y a aucune raison de prendre des statines et qu’il faille tout jeter à la poubelle ?
Quitte à me faire insulter par quelques intégristes médicaux, j’ose dire que oui, les statines ont une utilité, mais seulement dans des cas très précis et qui vont de pair avec une modification des comportements et la mise en œuvre d’une réduction des facteurs de risque.
Aujourd’hui il est admis par nombre de spécialistes, mais aussi par la Haute Autorité de Santé et la revue ‘Prescrire’ que les statines ont leur place dans ce qu’on appelle la prévention secondaire des maladies cardiovasculaires.
Par ce terme, on désigne une prévention destinée à des patients qui ont déjà fait un accident, comme un infarctus du myocarde et chez lesquels on cherche à diminuer le risque de récidive.
Il a été établi par diverses études que certaines statines, associées je le répète à la lutte contre les facteurs de risque, permettaient de diminuer de 15 à 23% ce risque de récidive.
C’est certes loin d’être colossal, mais ce n’est pas négligeable d’autant qu’il ne faut pas oublier que les séquelles d’infarctus, notamment l’insuffisance cardiaque, grèvent lourdement la qualité et l’espérance de vie.
Certaines statines peuvent aussi avoir leur place dans la prévention primaire des accidents cardiovasculaires. Là il faut être précis. Il ne s’agit pas de distribuer ces produits comme des pilules magiques. La population visée est celles de personnes présentant des lésions sur les artères coronaires touchant plusieurs d’entre elles, avec généralement un diabète de type 2 associé et des facteurs de risque familiaux par exemple.
Là encore, un effet protecteur aux environs de 20 % est retrouvé à condition de cibler les bonnes indications.
La médecine est un art fort complexe qui ne vit pas forcément bien de dogmes ou de manichéisme. Trop longtemps, on a misé sur le ‘tout cholestérol’ alors que la recherche nous montre que l’athérosclérose est un phénomène avant tout inflammatoire et immunologique. Il faut savoir en tenir compte.
Mais décider que les statines n’ont aucune utilité, quel que soit le cas de figure, c’est certainement pratique pour faire la couverture du Nouvel Observateur mais pas forcément une démarche très responsable vis-à-vis de certaines catégories de patients.
Il est évident qu’une certaine forme d’exercice de la médecine paie aujourd’hui ses excès. Evident aussi que les sociétés savantes, notamment celles œuvrant dans le domaine cardiovasculaire, ont eu, avec l’industrie pharmaceutique, des relations très proches, voire trop proches, qui les mettent aujourd’hui en porte-à-faux et les empêchent de s’exprimer par peur d’être considérées comme des agents des laboratoires.
Mais il semble indispensable que sur de tels sujets, qui concernent des centaines de milliers de personnes dans notre pays, une information claire puisse être apportée, hors des polémiques, des anathèmes, des championnats de ‘M. Propre’.
Car, en bout de course, un patient qui fera le mauvais choix sous l’influence d’informations spectaculaires et parcellaires prendra peut-être un risque vital pour sa santé.
C’est toute l’importance du rôle des médecins et en premier lieu des médecins de famille, de répondre aux interrogations des patients.
Et ‘entendu chez son médecin’ est plus important que ‘vu à la télé’




Source docteurjd.com (blog santé de jd flaysakier)

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