Dessins de presse
jeudi 31 août 2023
mercredi 30 août 2023
Recettes Petits Budgets-Purée de patidou
Purée de patidou
Préparation : 10 mn
Cuisson : 50 mn
Pour 4 personnes
500 g de patidou (variété de courge appelée aussi sweet dumpling)
1 cuillerée à soupe d’huile d’olive
Sel et poivre
1. Préchauffez le four à 200 °C (th. 6-7). Passez le patidou sous l’eau. Coupez-le en deux, de haut en bas. Ôtez les graines.
2. Déposez les deux moitiés de patidou dans un plat à four. Salez et poivrez l’intérieur. Badigeonnez d’huile d’olive. Couvrez d’aluminium ménager et mettez à cuire au four pendant 50 minutes.
3. Lorsque le patidou est tendre, sortez-le du four. Prélevez la chair avec une cuillère à soupe. Ecrasez-la grossièrement à la fourchette. Servez chaud.
Petits plus :
Ajoutez de la crème, du beurre ou du parmesan râpé à la purée.
Agrémentez-la de pignons de pin.
Tours de main :
Vérifiez la cuisson en enfonçant la pointe d’un couteau dans la chair du légume : elle ne doit pas rencontrer de résistance.
Pour ne pas vous brûler en prélevant la chair, laissez tiédir le patidou dans le four, il se pèlera plus facilement.
Recettes Petits Budgets-Salade de carottes au jus d’orange et au cumin
Salade de carottes au jus d’orange et au cumin
Préparation : 20 mn
Cuisson : sans
Pour 4 personnes
500 g de carottes
1 orange
1 citron
1 cuillerée à café d’eau de fleur d’oranger
1 cuillerée à soupe de sucre en poudre
½ cuillerée à soupe de cumin en poudre
Sel
1. Pressez l’orange et le citron.
2. Versez le jus dans un saladier, ajoutez l’eau de fleur d’oranger, 1 pincée de sel, le sucre et le cumin.
3. Mélangez le tout.
4. Râpez finement les carottes et ajoutez-les au contenu du saladier.
5. Mélanger et servez bien frais.
Variante :
Vous pouvez agrémenter cette salade de pignons de pin ou d’amandes effilées.
Recettes Petits Budgets-Tagliatelles au coulis de courgettes
Tagliatelles au coulis de courgettes
Préparation : 10 mn
Cuisson : 15 mn
Pour 4 personnes
300 g de tagliatelles
300 g de courgettes
1 tablette de bouillon d’aromates échalote-persil
1 gousse d’ail
60 g de fromage de chèvre frais
Sel et poivre
1. Rincez les courgettes, coupez les extrémités et pelez-les ; conservez 1 ou 2 rubans de peau. Coupez les courgettes en quatre puis recoupez-les en lamelles.
2. Faites bouillir 10 cl d’eau. Ajoutez la tablette de bouillon et les courgettes. Couvrez et laissez cuire pendant 15 minutes.
3. Faites chauffer une grande casserole d’eau, salez et mettez les pâtes ; mélangez à la fourchette et laissez cuire selon les indications portées sur l’emballage.
4. Pelez la gousse d’ail, retirez le germe et passez-la au presse-ail.
5. Lorsque les courgettes sont cuites, mixer-les, ajoutez le fromage de chèvre émietté et l’ail. Mixer à nouveau. Vérifiez l’assaisonnement.
6. Hachez finement les rubans de peau de courgette et incorporez-les à la sauce.
7. Égouttez les tagliatelles, versez-les dans un plat chaud. Servez sans attendre.
Astuce:
Si vous utilisez des pâtes fraîches, doublez la quantité et laissez-les cuire seulement de 2 à 3 minutes.
Petit plus :
Des pâtes en couleurs. Si vous faites votre pâte à nouilles vous-même, préparez à cette occasion des tagliatelles colorées. Pour obtenir des pâtes vertes, faites cuire à sec dans une casserole 200 g d’épinards, égouttez-les soigneusement et passez-les au moulin à légumes grille fine. Ajoutez cette purée à la farine et aux œufs.
Recette Petits Budgets-Salade de figues au chèvre frais
Salade de figues au chèvre frais
Préparation : 15 mn
Cuisson : 10 mn
Pour 4 personnes
8 belles figues violettes
2 bûches de chèvre frais
125 g de roquette ou de mesclun
2 cuillerées à soupe de miel liquide
2 cuillerées à soupe d’huile d’olive
1 cuillerée à soupe de graines de fenouil
Poivre du moulin
1. Découpez les figues et les bûches de chèvre en rondelles. Disposez-les dans un plat en les intercalant. Parsemez de graines de fenouil. Arrosez d’un filet d’huile d’olive et de miel. Poivrez généreusement.
2. Faites caraméliser sous le grill du four quelques minutes.
3. Servez sur un lit de roquette.
Astuce :
A défaut de fenouil, parsemez le tout de thym ou de romarin.
Recettes Petits Budgets-Gâteau aux châtaignes
Gâteau aux châtaignes
Préparation : 10 mn
Macération : 15 minutes
Cuisson : 45 mn
Pour 4 personnes
400 g de farine de châtaigne
50 g de raisins secs
50 g de pignons
1 branche de romarin
4 cuillerées à soupe d’huile d’olive extra vierge
Sel
1. Faites tremper pendant 15 minutes les raisins secs dans une petite jatte d’eau tiède.
2. Mélangez la farine de châtaigne, une pincée de sel et 3 cuillerées d’huile dans une jatte. En fouettant vigoureusement, ajoutez progressivement assez d’eau pour obtenir une pâte légère et sans grumeaux. Ajoutez les pignons et les raisins secs bien égouttés et séchés.
3. Versez cette préparation dans un moule à tarte enduit du reste d’huile au fond duquel vous aurez placé la branche de romarin. Faites cuire pendant 45 minutes dans un four préchauffé à 180 °C (th. 6). Le gâteau est prêt lorsqu’il est devenu ferme et qu’une peau croquante s’est formée à la surface. Démoulez, retirez le romarin et parsemez de pignons avant de servir.
Conseil
Délicieux avec une salade et du fromage de chèvre.
Recettes Petits Budgets-Tarte à l’orange
Tarte à l’orange
Préparation : 30 mn
Cuisson: 25 mn
Pour 6 personnes
350 g de pâte brisée
6 oranges
150 g de sucre
25 g de beurre
1 œuf
1. Étalez la pâte dans un moule d’environ 25 cm de diamètre. Piquez le fond à la fourchette.
2. Râpez le zeste d’une orange et pressez-la.
3. Mélangez à la fourchette l’œuf, 125 g de sucre, le zeste et le jus d’orange.
4. Pelez à vif les 5 autres oranges, puis coupez-les en rondelles très fines.
5. Préchauffez le four à 200 °C (th. 6-7).
6. Versez le mélange sur le fond de tarte et disposez les rondelles d’orange dessus, en les faisant se chevaucher joliment.
7. Faites fondre le beurre, versez-le sur la tarte et saupoudrez du sucre restant.
Mettez au four 25 minutes environ.
8. Laissez tiédir avant de démouler, et servez froid.
Conseil :
Vous pouvez parsemer cette tarte de graines de sésame.
Recettes Petits Budgets-Fondue de chou frisé
Fondue de chou frisé
Préparation : 10 mn
Cuisson : 40 mn
Pour 4 personnes
½ chou vert frisé
1 carotte
1 pomme
20 g de beurre
Sel et poivre
1. Faites bouillir une casserole d’eau.
2. Retirez le trognon du chou. Coupez les feuilles en fines lanières.
3. Plongez-les dans l’eau bouillante, salez et laissez cuire pendant 15 minutes.
4. Pelez la carotte et coupez-la en dés.
5. Ajoutez-la au chou et laissez cuire 15 minutes.
6. Epluchez la pomme, coupez-la en lamelles puis en dés.
7. Egouttez le chou et la carotte.
8. Mettez-les dans une casserole avec la pomme. Couvrez et laissez compoter à feu doux 10 minutes, en remuant de temps en temps.
9. Poivrez. Ajoutez le beurre et servez
Conseil : Ajoutez quelques pruneaux en même temps que la pomme.
Tour de main : Coupez le demi-chou en deux, posez chaque moitié sur une planche à découper et recoupez-les en tranches fines, qui se déferont en lamelles.
Recettes Petits Budgets-Potiron miel et raisins secs
Potiron miel et raisins secs
Préparation : 10 mn
Cuisson : 30 mn
Pour 4 personnes
1 kg de potiron
2 oignons
2 gousses d’ail
1 cuillerée à soupe de raisins secs
2 cuillerées à café de miel
2 cuillerées à café de ras-el-hanout
1 tablette de bouillon de volaille
Sel et poivre
1. Retirez la peau, les graines et les filaments du potiron. Coupez la pulpe en morceaux réguliers. Épluchez les oignons et hachez-les. Pelez l’ail et écrasez-le.
2. Mettez le potiron, les oignons et l’ail dans une casserole. Émiettez dessus la tablette de bouillon. Salez. Ajoutez 10 cl d’eau. Couvrez et laissez cuire 15 minutes. Pendant ce temps, rincez soigneusement les raisins secs.
3. Après 15 minutes de cuisson, poudrez le potiron avec le ras-el-hanout. Ajoutez les raisins secs et le miel. Poivrez. Mélangez. Couvrez.
4. Laissez cuire encore de 10 à 15 minutes à feu doux, jusqu’à ce que le potiron soit tendre. Servez chaud.
Conseil :
Ajoutez un peu de beurre frais et incorporez éventuellement quelques amandes entières au moment de servir.
Tour de main :
Vérifiez au cours de la cuisson que le potiron n’attache pas. Si cela se produisait, rajoutez un peu d’eau chaude.
S’il y a trop de liquide, ôtez le couvercle et laissez évaporer pendant quelques minutes.
mardi 29 août 2023
dimanche 27 août 2023
Recettes Gratins-Tomates gratinées à la brousse
Tomates gratinées à la brousse
Préparation : 20 mn
Cuisson : 30 mn
Pour 4 personnes
8 grosses tomates fermes
2 filets d’anchois
30 g de raisins secs
1 tranche épaisse de pain rassis
2 gousses d’ail
2 cuillerées à soupe d’huile d’olive
100 g de brousse
30 g de pignons
2 cuillerées à soupe de persil haché
2 cuillerées à soupe de chapelure
Sel et poivre du moulin
1. Mettez à dessaler les filets d’anchois dans un bol d’eau et les raisins à gonfler dans un deuxième bol.
2. Découpez un «chapeau» sur le dessus des tomates. Retirez la pulpe et les graines et jetez-les. Saupoudrez de sel l’intérieur des fruits ainsi évidés et retournez-les sur une assiette pour les laisser dégorger.
3. Pendant ce temps, détaillez le pain en petits dés, épluchez et émincez l’ail. Faites revenir le tout dans l’huile d’olive 3 à 5 minutes, puis égouttez-le sur une serviette en papier.
4. Préchauffez le four à 190 °C (th. 6-7).
5. Mélangez le pain aillé, les raisins secs égouttés, la brousse écrasée, les pignons et le persil ; salez et poivrez. Egouttez les anchois, émiettez-les et incorporez-les au mélange.
6. Farcissez les tomates de cette préparation, rangez-les dans un plat à gratin, saupoudrez-les de chapelure et enfournez pour 25 minutes. Servez chaud.
Débarrassée de ses graines et de son jus, la tomate offre un réceptacle idéal pour diverses farces. Il faut choisir des fruits suffisamment gros pour être garnis, mûrs mais fermes afin qu’ils ne se déforment pas en cours de cuisson.
Variante
Vous pouvez ajouter à la farce 1 cuillerée à soupe de crème fraîche et 1 œuf battu pour une consistance plus riche et plus onctueuse.
Billets-L’inaptocratie
L’inaptocratie
« Inaptocratie : un système de gouvernement où les moins capables de gouverner sont élus par les moins capables de produire et où les autres membres de la société les moins aptes à subvenir à eux-mêmes ou à réussir, sont récompensés par des biens et des services qui ont été payés par la confiscation de la richesse et du travail d'un nombre de producteurs en diminution continuelle. »
Origines de l'inaptocratie
Deux principes empiriques régissant les organisations humaines (et donc la politique), les principes de Peter et de Dilbert, peuvent expliquer l'évolution des gouvernants vers l'inaptocratie :
- principe de Peter : « tout employé tend à s'élever à son niveau d'incompétence » (et donc, « avec le temps, tout poste sera occupé par un incompétent incapable d'en assumer la responsabilité ») ;
- principe de Dilbert (plus pessimiste) : « les gens les moins compétents sont systématiquement affectés aux postes où ils risquent de causer le moins de dégâts : l'encadrement ».
La démocratie, également, favorise non pas la compétence des dirigeants, mais leur habileté à séduire l'électeur médian en lui faisant des promesses démagogiques.
En outre, il faut distinguer les hommes politiques, qui ont un pouvoir apparent, des membres de la fonction publique, qui ont le pouvoir effectif. Comme le rappelle Mencius Moldbug, l'État peut être assimilé à une entreprise qui n'a pas de finalité claire, et dont les "employés" (faute de concurrence et à cause de l'impuissance des "actionnaires"-citoyens) en viennent à servir non pas les individus, mais eux-mêmes. C'est une oligarchie de fonctionnaires qui détient alors le pouvoir réel ; de l'extérieur, leur action semblera relever de l'inaptocratie, car leur compétence se limitera à permettre au système de perdurer tel qu'il est, afin de continuer à favoriser leur caste.
Citations
- La France est en train de devenir une Ineptocracie. (Charles Gave, 2012)
- Cela porte un nom : le déclin... Nous sommes un continent en déclin et nous deviendrons les colonies des pays émergents. Je n’ai aucune raison d’être optimiste devant de telles attitudes de la part de ceux qui nous gouvernent. (...) La bêtise explique beaucoup de choses. (Claude Allègre, 27/12/2012)
- Le marché de la stupidité humaine recoupe pour une très large part un autre marché : le marché politique. (Thierry Falissard)
- Je crois que si on pouvait transformer la connerie en énergie, nous n'aurions plus aucun problème d'approvisionnement. (Jean-Pierre Petit)
- Abruti : personne omniprésente dans les domaines de la spéculation intellectuelle, également très active dans les voies de l'activité morale. Crétin : membre d'une dynastie régnante dans les lettres et dans la vie. Imbécile : membre d'une grande et puissante tribu, dont l'influence dans les affaires humaines a toujours été prééminente. (Ambrose Bierce)
- Une personne stupide est plus dangereuse qu'un bandit. (Carlo Maria Cipolla)
- Quand je fais une campagne, je ne la fais jamais pour les gens intelligents. Des gens intelligents, il y en a 5 à 6 %, il y en a 3 % avec moi et 3 % contre, je change rien du tout. Donc je fais campagne auprès des cons et là je ramasse des voix en masse. (Georges Frêche)
Billets-Entretien avec Pierre Rosanvallon
Entretien avec Pierre Rosanvallon
“La démocratie est fragile et la violence sociale est toujours plus proche qu’on ne le pense”. Rejet de l'autre, repli sur soi… la société se déchire. Et si on se parlait ? L'historien Pierre Rosanvallon entend rendre la parole aux oubliés, aux invisibles.
Les Français ne font plus société. Ils ne se font même plus d'illusion sur leur capacité à vivre ensemble, d'après un sondage CSA publié en novembre. Le populisme a trouvé sur ce terreau de quoi nourrir un sentiment d'insécurité et de morosité qui pourrait décider du résultat des prochaines élections, municipales et européennes. Il faut réagir.
L'historien Pierre Rosanvallon et les éditions du Seuil associent leurs efforts pour colmater la brèche – pour panser la plaie, profonde et infectée, du corps social français. Selon Rosanvallon, si les Français ne s'aiment pas, c'est d'abord parce qu'ils ne se connaissent pas, et ne se reconnaissent plus dans leurs représentants, leurs institutions et leurs médias.
D'où l'idée de rendre la parole, et la plume, à ces « invisibles » qui s'effacent dans la nuit politique. Une collection de témoignages denses (90 pages) et intenses et le site participatif Raconterlavie.fr brosseront le portrait de cette France qui change sous nos yeux. En espérant que, demain, elle retrouvera ce qui l'unit.
Pierre Rosanvallon, professeur au Collège de France, titulaire de la chaire d'histoire moderne et contemporaine du politique, répond à nos questions.
- La société française est « déchirée », dites-vous. Quels sont les signes de ce déchirement ?
D'abord, la multiplication des phénomènes de repli, de rejet des autres. La recherche des boucs émissaires habituels, comme l'islam, s'accompagne d'une désagrégation de la société : les riches vivent dans leur monde, et les « invisibles » sortent du paysage. Ce déchirement se traduit par un rejet du sommet de la société – attitude antipolitique, antidémocratique, même, puisque la démocratie, c'est la production d'un monde commun.
Attitude inquiétante, car la société ne s'appuie pas seulement sur des institutions officielles, elle « tient » aussi avec des institutions invisibles, telles la légitimité – qui fonde le lien entre le pouvoir et les citoyens – et la confiance. Avoir confiance, c'est croire qu'on peut miser sur des comportement futurs. Se défier, c'est refuser de se projeter dans l'avenir avec les autres, car l'autre est perçu comme un problème ou une menace. Surtout quand on ne le connaît pas.
- Mais comment expliquer qu'on ne se connaisse plus ?
La société française est coupée en deux : les grandes métropoles, marquées par la diversité, l'innovation et les emplois de demain, et une société « cassée », brutalisée par la chute de l'ancien monde industriel. Il s'agit moins d'une opposition ville/campagne que d'une opposition métropoles/villes moyennes en déclin (réparties essentiellement dans le nord, l'est et le centre du pays). Et ces deux sociétés s'ignorent.
Mais il y a une seconde explication à l'ignorance : le capitalisme a changé de nature. Prenez le monde ouvrier : aujourd'hui, il s'incarne moins dans la ligne de production automobile, largement automatisée, que dans les centres logistiques et les entrepôts. L'ouvrier spécialisé d'autrefois a été remplacé par le chauffeur-livreur ou le manutentionnaire. Le problème est qu'on utilise toujours les références de la société industrielle, qui disent mal les métamorphoses de notre tissu social. Les mots ne correspondent plus aux réalités.
- Pourquoi ?
Cette nouvelle société se rend aussi moins visible – les employés d'Amazon sont moins syndiqués que ne l'étaient ceux de Renault, par exemple. Or aucun corps collectif ne saurait exister sans un sentiment d'appartenance ; et pour que ce sentiment existe, il faut se raconter. En lançant notre collection et notre site, nous voudrions participer à la fabrication d'une « démocratie narrative » où chacun redeviendrait visible aux yeux de tous.
- On accuse les gouvernants d'être aveugles aux bouleversements du réel…
Si le monde politique perçoit à peu près les changements de mœurs, comme on l'a constaté avec la loi sur le mariage pour tous, pour le reste, la société lui est devenue terra incognita. C'est grave. Car élire des représentants n'est pas seulement voter pour des personnes qui ont des opinions similaires aux nôtres, c'est choisir des gens qui portent notre réalité – c'est-à-dire notre quotidien. Les politiques n'y arrivent plus, y compris dans les partis de gauche.
- Le mal est profond ?
La non-représentation nourrit le désarroi social et une indifférence, voire une haine croissante à l'égard du monde politique. Partout en Europe, la montée en puissance du populisme d'extrême droite exprime, en la déformant, une sourde demande de représentation. Si on ne rétablit pas cette demande dans sa justesse, on laisse grossir le fantasme d'un « peuple » uni et en colère face à un monde politique qui l'aurait abandonné. Or ce « peuple » n'est pas un bloc de marbre. Il faut décrire le monde social dans sa diversité. Il en résultera plus de solidarité, car c'est bien l'ignorance d'autrui qui produit la « désolidarité » sociale, en ravalant chacun à un stéréotype : le chômeur assisté, le Rom voleur…
Décrire la société, c'est donc sortir des grands concepts figés et saisir les vies singulières dans leurs moments de bascule, entrer aussi dans des lieux que la littérature ou la sociologie n'ont pas trouvé dignes d'explorer et qui sont pourtant révélateurs de la vie sociale. Ainsi, Annie Ernaux publiera en mars dans notre collection le journal de son hypermarché, et nous avons aussi en préparation un livre sur le tuning chez des jeunes de milieu populaire dans le nord de la France. Par le livre et l'Internet, il s'agit d'écrire le roman vrai de la société, avec des écritures très diverses, et de permettre à tous ceux qui le souhaitent d'en être les auteurs et les personnages.
- Raconter la vie s'inscrit dans une tradition déjà ancienne – on pense notamment aux journaux ouvriers du XIXe siècle, comme L'Artisan ou La Ruche populaire…
Avant même l'apparition des syndicats, des journaux avaient en effet lancé des enquêtes approfondies sur la vie des ouvriers. Mais notre projet renvoie aussi à d'autres expériences, celle des Français peints par eux-mêmes, lancée par l'éditeur Curmer en 1839, ou des enquêtes que Zola a réalisées auprès du personnel du Bon Marché avant d'écrire Au Bonheur des Dames ; je pense aussi au Balzac de la Comédie humaine, au George Orwell de Dans la dèche à Paris et à Londres (1933), à Steinbeck, au grand projet fédéral américain lancé par Franklin Roosevelt dans les années 30…
Plus tard, Michel Foucault et Michel de Certeau ont pressenti l'importance d'être attentif au quotidien, aux existences ordinaires. Tout récemment, Florence Aubenas, avec Le Quai de Ouistreham, ou Jean-Christophe Bailly, avec ses Voyages en France, ont aussi réussi à parler autrement de la société qui nous entoure. C'est ce que nous essaierons de faire, à une plus grande échelle.
- L'année 2014 commence. A quelle autre époque de notre Histoire vous fait penser la France d'aujourd'hui ?
A la fin du XIXe siècle. Le pays traverse alors une première mondialisation qui bouscule fortement ses structures et le force à s'ouvrir au monde. Le modèle républicain est heurté de front et, en réponse à ce traumatisme, un nouveau type de nationalisme – un « national-protectionnisme » – s'organise, autour de l'idée d'une égalité fondée… sur le rejet ! Le contrat social étant menacé, on se barricade et on ne pense plus le commun que sous les espèces d'une identité négative.
Songez au célèbre titre de la brochure de Barrès : Contre les étrangers ! Aux Etats-Unis, le racisme fonctionnera longtemps sur ce modèle du petit Blanc persuadé que sa couleur de peau le hisse « naturellement » à une forme d'aristocratie. Le simple « dénivelé » avec celui que l'on rejette – le Noir – fonde alors une solidarité inquiétante.
- C'est aussi le temps de l'affaire Dreyfus…
C'est le temps du bouc émissaire, en effet. Et ces délitements qui touchent toute l'Europe, notre continent les règle par la guerre en 1914. Sans faire de catastrophisme, n'oublions pas que la démocratie est fragile et que la violence sociale est toujours plus proche qu'on ne le pense.
Mais nous sommes aussi rassemblés par la conscience de notre Histoire – une Histoire au cours de laquelle nous avons prouvé que nous étions capables de construction commune. C'est là-dessus que nous devons construire, en commençant par réduire la « terrible ignorance dans laquelle nous sommes les uns des autres », pour reprendre les mots de Michelet.
A lire
Le Parlement des invisibles, La Société des égaux, de Pierre Rosanvallon ;
Chercheur au quotidien, de Sébastien Balibar ;
La Femme aux chats, de Guillaume Leblanc ;
Moi, Anthony, ouvrier d'aujourd'hui, d'Anthony ;
La Course ou la ville, d'Eve Charrin.
Tous parus aux éditions du Seuil, collection Raconter la vie, 5,90 €.
Illustration Séverin Millet
Propos recueillis par Olivier Pascal-Moussellard (Télérama)
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