L’indécence de Macron
Monsieur
Macron, en visite dans un bureau de la Poste de Montreuil ce lundi 6 juin, a
essuyé des œufs, que l’on espère point pourris, et a dû se réfugier dans le dit
bureau de poste d’où il a dénoncé les « agitateurs professionnels »
responsables de cette atteinte à son auguste personne. Et certes, il faut
l’avouer, un œuf avait atterri sur sa chevelure : petit désordre et
immense indécence. Ou, plus précisément, un immense double indécence.
Indécence de comportement
La
première, la plus évidente, tient aux réactions de l’individu. Oh, assurément,
on comprend que cela ne soit pas agréable. Mais, somme toute, cela est moins
grave que de perdre un œil dans une manifestation, ce qui est arrivé à deux
lycéens lors de confrontations avec la police dans le cadre du mouvement contre
la loi El Khomri. C’est aussi moins grave que les blessures infligées par les
grenades dites « de désencerclement » utilisées par la police, et
dont certaines ont été délibérément lancées à hauteur de tête ou de visage
alors que le règlement stipule qu’elles doivent être uniquement lancées dans
les jambes. C’est enfin moins grave que les blessures infligées à des
journalistes couvrant ces manifestations, dont l’un est toujours dans le coma.
Indécence donc d’un Ministre qui ose se plaindre, et il faut voir en quels
termes, alors que les manifestations font parties des « risques du
métier » pour tout membre du gouvernement. Oublie-t-il que le gouvernement
auquel il appartient a usé de l’article 49.3 pour faire passer, en première
lecture cette loi qui rassemble aujourd’hui contre elle une majorité de
français, ce qui est d’une autre violence, bien supérieure, que l’œuf qui a
atterri sur son crâne ? Oublie-t-il qu’en tant que membre de ce même
gouvernement, il est solidaire de son Premier-ministre dans la décision d’user
de l’article 49.3 ? Visiblement Monsieur Macron ne connaît pas le droit
constitutionnel ni la commune décence en cette affaire.
Indécence d’attitude
Mais il
y a une autre indécence. La visite du sieur Macron venait alors que la Poste se
préparait à sortir un timbre commémorant les 80 ans du Front Populaire. Or, le
sieur Macron représente dans sa politique comme dans ses idées, l’exact opposé
de ce qu’a pu représenter le front populaire. Non qu’on lui conteste le droit
d’avoir ses idées, même si elles sont nocives et mauvaises. Mais la commune
décence, oui cette « common decency » dont parlait George Orwell – et
que plusieurs philosophes ont exhumée – aurait dû lui faire comprendre que sa
venue ne pouvait manquer de provoquer des protestations. Et parmi les formes de
protestation qui sont communes en France, il y a le jet d’œuf, les pommes
cuites et les tomates pourries. C’est la première qui a donc été utilisée. Le
ci-devant ministre peut s’estimer heureux que les manifestants n’aient pas
utilisé des pavés ou des boulons, autres formes de protestation à l’honneur
dans la classe ouvrière. Alors, que le sieur Macron n’ait pas apprécié ce geste,
on peut le comprendre. Mais qui ne puisse comprendre que sa venue, avec tout ce
qu’il représente en matière de politique d’abandon des services publics, en
matière de régression sociale, soient insupportables pour de très nombreuses
personnes de notre pays, cela on avoue ne pas pouvoir le comprendre. Voici donc
le membre d’un gouvernement qui a brutalisé une large partie des travailleurs
de notre pays, dont les idées sont aux antipodes du progrès social, qui vient
parader dans une banlieue ouvrière et qui s’étonne des réactions que cela
provoque. Voici bien une autre indécence, une indécence bien aussi grave que la
première.
Du respect et des gens respectables
Si les
membres du gouvernement veulent donc être respectés, il faut qu’ils soient
respectables. Sur ce point aussi Emmanuel Macron est coupable. Ses déclarations
sur le « costume » en sont l’une des multiples preuves. Nous ne
reprochons pas au sieur Macron de faire de la politique. Son mouvement
« En Marche », lancé avec la complaisance des grands médias et
alimenté par de l’argent collecté à l’étranger, nous indiffère. Nous ne
reprochons pas au sieur Macron ses manœuvres avec le maire de Lyon, Monsieur
Gérard Collomb, pour se trouver une circonscription accueillante. Nous ne lui
reprochons pas ses ambitions présidentielles, au demeurant bien risibles dans
l’état actuel des choses. Ce que nous lui reprochons c’est de ne pas comprendre
que quand on a ces ambitions, quand on a ces projets politiques, on se doit
d’être respectable chose qu’à l’évidence il ne comprend pas. Le respect n’est
entré dans son crâne de « fort-en-thème », pour ne pas dire son crâne
d’œuf, que sous la forme de ce qui lui est dû et non pas de ce qu’il doit aux
autres. Comme il ne comprend pas toute l’indécence qu’il y a à venir parader
pour ce qui représente dans les faits un enterrement symbolique de ce qu’a pu
représenter le Front Populaire dans ce qui fut justement un des bastions de la
gauche historique, et à se plaindre de manifestation quand d’autres de nos
concitoyens souffrent dans leur chair des conséquences des violences
policières.
Ce
comportement est bas, il est petit ; de la taille d’un micron.
Source russeurope.hypotheses.org
par Jacques Sapir
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire