samedi 30 avril 2016

Billets-Vers la 6ème République… pour 2017



Vers la 6ème République… pour 2017

Et si on inventait la 6ème République, pour qu’elle naisse en douceur, sous la pression d’un peuple déterminé et organisé ?

Nous sommes entourés de bidons d’essence. Nous ne savons pas qui et quand craquera l’allumette. C’est ce qui se murmure dit-on dans les couloirs de l’assemblée. Le système actuel vit ses dernières heures. Un nouveau monde est en train de naître, l’ancien n’a pas l’air de vouloir s’adapter. Trop d’enjeux, trop d’égoïsme sont en cause. Notre pays a évolué souvent par la violence. Faisons le vœu, sans doute utopique, que la 6ème République naisse en douceur, sous la pression d’un peuple déterminé et organisé.

Un État en état d’urgence
L’économie en berne, le chômage, l’épée de Damoclès de la dette expliquent en partie le profond malaise du pays. Il existe d’autres causes, d’autres « bidons d’essence », également très lourds :

  • l’obsolescence du système de représentativité : tout a changé dans nos vies depuis 20 ans, sauf le système politique qui date d’un temps où il fallait 2 jours pour rallier la capitale à cheval. Ce système vit désormais pour s’auto-conserver, en s’arrogeant de nombreux avantages qui tiennent de l’Ancien régime.

  • l’injustice croissante entre les producteurs et les consommateurs : les politiques se multiplient les cadeaux pour acheter les votes, notamment ceux des fonctionnaires. Dans le même temps, les entreprises, les artisans et les classes moyennes du privé sont mis en coupe réglée. Un sentiment croissant d’injustice anime les laborares de ce pays.

  • l’absence d’issues pour la jeunesse : le taux de chômage des jeunes explose les compteurs en France. Cet indicateur minimise pourtant le malaise réel car de nombreux jeunes se sont déjà expatriés.

  • L’essor de médias libres qui permettent aux citoyens de s’informer (contrepoints.org est un bel exemple), de s’exprimer, de structurer des idées, mais aussi de s’organiser : le système médiatique est court-circuité. Le livre Pilleurs d’État a été numéro 1 des ventes sur Amazon.fr pendant de longues semaines alors que son auteur, Philippe Pascot, était boycotté par les médias traditionnels. Même chose pour Philippe de Villiers et son dernier ouvrage, qui dépassera probablement les 500 000 exemplaires vendus.

Construire la 6ème République
Dans mon roman À la découverte du fabuleux miracle français, je décris à la façon d’un road movie la France de la 6ème République. Je reprends ici quelques mesures proposées en y ajoutant de nouvelles réflexions.

  • Le referendum électronique, la pierre angulaire d’une démocratie « haute définition ». Ce dispositif comporte de nombreux avantages :

  • il peut faire reculer la corruption (il est facile de corrompre un collège d’élus, impossible d’acheter un peuple).

  • il est plus précis. On peut voter pour un candidat parce qu’il est le moins mauvais au moment de l’élection mais ne pas être d’accord avec ses prises de position par la suite. Décider à la carte apporte de la précision.

  • il pallie les faiblesses du scrutin à 2 tours. Si deux candidats assez proches divisent les voix d’un courant au premier tour, on risque d’élire un candidat de second choix. Un vote pondéré tel que le référendum électronique le permet renforce au contraire la vérité du scrutin.

  • il permet de faire passer des mesures difficiles. Dans le système de représentation actuel, les intérêts particuliers, économiques ou idéologiques, finissent souvent par l’emporter, bloquant la vraie réforme. Le référendum seul peut réussir à faire passer la vingtaine de mesures courageuses qui débloquerait le pays.

Techniquement, le referendum électronique peut être organisé de façon peu onéreuse et fréquente. Le peuple aurait ainsi la parole non pas une fois tous les 5 ans, mais chaque week-end. On peut imaginer un dispositif  fondé sur le blockchain dans lequel chaque vote serait envoyé à plusieurs systèmes indépendants. Le vote électronique serait ainsi inattaquable.

La saisine citoyenne par Internet
Donner le droit au peuple de décider, c’est bien. Lui donner l’initiative de sujets à débattre, c’est encore mieux. Tout sujet rassemblant plus de 500 000 citoyens devrait être débattu par l’assemblée puis voté en référendum.

Donner ainsi un large pouvoir au peuple peut effrayer les esprits timorés mais on rétorquera que des pays comme la Suisse, parmi les mieux administrés, fonctionnent déjà sur ce principe. De nombreuses études montrent qu’un groupe bien coordonné prend de bonnes décisions. Le groupe permet en effet d’augmenter le volume d’informations disponible pour la prise de décision. Il permet aussi de gommer les biais individuels. Par ailleurs, le peuple pourrait-il faire pire que des parlementaires professionnels totalement coupés du réel et qui sont souvent les marionnettes d’intérêts particuliers ? La réponse est dans la question…

Une transparence totale des dépenses
L’open data se met en place beaucoup trop lentement. Dans un contexte d’augmentation constante des dépenses, il est urgent de comprendre précisément à quoi est employé notre argent. L’audit de le Région Ile de France montre à quel point des politiques hors de contrôle peuvent nuire à une communauté. Il faut  exiger la traçabilité de chaque euro dépensé. Les coûts diminueront rapidement.

Une réduction drastique du poids de l’État, la principale force conservatrice du pays
L’État, il faut le comprendre, est un acteur clé du blocage en France. L’État soutient le système politique actuel via les médias publics, très nombreux, et semi publics, comme les journaux subventionnés. Ce tsunami marketing mobilise tous les ans des milliards d’euros publics afin de promouvoir une idéologie conservatrice.

L’État finance aussi massivement les hommes et femmes politiques puisque plus de 50 % des élus viennent du secteur public. Il y a 2 raisons à cela : les fonctionnaires disposent de plus de temps libre, ils ont aussi l’avantage de retrouver leur poste après leur mandat. Cette inégalité est au cœur du conservatisme français. Elle conduit à un verrouillage de l’intérieur du système ; des fonctionnaires qui votent des lois pour les fonctionnaires et pour le maintien du système.

Plusieurs mesures permettront par la suite de dégraisser les effectifs publics : l’autorisation du licenciement de fonctionnaires (si on prêche l’égalité, mettons-là en œuvre sur ce point précis), la mise en concurrence systématique des services publics par le privé, l’application généralisée de l’administration électronique qui permettrait de réduire de 80 % les effectifs de nombreuses administrations.


Une diminution du nombre d’élus
Le nombre de « représentants » du peuple est considérable en France, ce qui n’empêche pas paradoxalement ce même peuple d’avoir le sentiment que sa destinée lui échappe. Cette surreprésentation coûte cher à la nation et augmente le conservatisme, chacun ayant plus à perdre qu’à gagner au changement. L’opacité des décisions est également aggravée. Divisons par 2 le nombre de représentants et notre démocratie s’en trouvera fluidifiée.

La suppression du système paritaire 
Le système paritaire a été fondé après la deuxième guerre mondiale. Les syndicats sont peu représentatifs mais leur pouvoir de blocage est exorbitant. Ce sont des machines à fabriquer du chômage et à détruire l’emploi. Sait-on également qu’ils détournent chaque année des milliards d’euros en subventions et taxes diverses ? Essayer de réformer ce système éminemment conservateur est vain. Les réformes déclenchées en Union soviétique à partir des années 1960 n’ont jamais fonctionné. Supprimons le système paritaire et remettons les négociations au cœur de l’entreprise.

L’élection des juges par le peuple
La Justice est une cause de frustration pour la population car ce pouvoir fondamental lui échappe totalement. Les juges, souvent des idolâtres d’extrême gauche, sont incapables d’impartialité. Pour des raisons qui leur sont propres, ils relâchent apprentis terroristes et multirécidivistes, au prix de nouvelles victimes. Soumettons les juges au vote populaire comme c’est le cas aux États-Unis et l’on rendra la justice plus « juste ».

Et bien d’autres choses encore… 
La liste précédente n’est pas exhaustive. La notation des services de l’État pourrait faire bouger les choses. Un tripadvisor des services publics pourrait permettre de pointer du doigt les humiliations infligées à la population laborieuse par quelques fonctionnaires ou assimilés (URRSAF, RSI pour ne citer qu’eux).  La suppression de l’ENA ferait également bonne figure dans la libération du pays…

De l’utopie à l’action, 3 leviers à actionner
Ne rêvons pas. Le système ne se laissera pas faire. Ses défenses immunitaires se dressent comme des piquets contre le changement. Le courant d’Emmanuel Macron a subi un tir de barrage de droite comme de gauche. Pire, des députés ont récemment fait passer une loi pour limiter l’accès aux ‘petits candidats’, en limitant leur temps de parole à la télévision et en imposant la publicité de leurs parrainages. Scandaleux mais compréhensible dans une logique d’autoconservation.

S’engager dans les initiatives citoyennes
De nombreuses initiatives comme les Zèbres d’Alexandre Jardin ou « Nous Citoyens » se sont constituées pour faire changer la France. Ces projets qui bruissent de partout contribuent à faire bouger les lignes. L’exemple de mouvements tels que Podemos en Espagne peut aussi nous inspirer. Quel que soit le mouvement, s’engager est un acte citoyen de refus de la fatalité. La convergence de ces groupes qui semble se mettre en œuvre pourrait peut être permettre d’atteindre une masse critique.

Fédérer les nouveaux médias
Les médias autonomes représentent une audience massive et largement sous-estimée. Il faut créer un label de qualité pour ces sites et un réseau d’échange de trafic. La création d’une régie commune pourrait permettre d’optimiser la monétisation ces médias. Là encore, la masse critique peut être atteinte rapidement.

Imposer la réforme aux candidats de 2017
L’élection présidentielle doit permettre d’arracher aux candidats des engagements précis, dont celui de mettre en place le referendum électronique et la saisine populaire. Ces deux évolutions sont des prérequis car il est illusoire de penser que la classe politique passe elle-même des lois qui affecteraient son bien-être. Les réformes difficiles comme la réduction du nombre d’élus ou la suppression du système paritaire ne pourront jamais passer sans la consultation directe du peuple.

Note époque est anxiogène et passionnante à la fois. L’avènement de la 6ème République est souhaitable car notre pays glissera sinon sur la pente de l’auto-destruction. Mais il n’est pas malheureusement un scénario acquis. Il n’interviendra que si chaque citoyen s’attaque à l’inertie du système, en pesant de tout son poids.



Source contrepoints.org

mardi 26 avril 2016

lundi 25 avril 2016

Billets-La gauche relance l’État-providence


La gauche relance l’État-providence

Avec les élections en perspective, l’État-providence est plus que jamais à la mode : le gouvernement distribue largement l’argent des contribuables. C’est vous qui régalez.

L’État-providence demeure l’arme préférée de la gauche de gouvernement pour acheter et préserver la paix sociale (surtout à l’approche d’une année électorale cruciale). Le week-end dernier vient d’en donner une nouvelle preuve, avec une petite odeur de clientélisme.
  
L’État-providence pour calmer la jeunesse
Les médias subventionnés adorent répéter en boucle toutes les vertus de la Nuit Debout. Pour le gouvernement, ce mouvement pourrait constituer une menace dans la mesure où il est partiellement nourri par la contestation contre la loi El-Khomri. Il n’en fallait pas plus pour que le gouvernement relance l’expansion de l’État-providence.

Ainsi, le rapport Sirugue (du député par ailleurs rapporteur de la loi El-Khomri) propose d’ouvrir la perception des minima sociaux aux jeunes dès 18 ans. Face à la contestation, l’allocation !

« Je propose tout d’abord de supprimer la barrière d’âge pour les jeunes. Que toute personne puisse, dès ses 18 ans, bénéficier de ces allocations sans attendre ses 25 ans ».

Comme d’habitude, l’État préfère éviter les examens de conscience, par exemple sur l’incapacité de l’Université à préparer les jeunes au marché du travail. Au lieu d’améliorer la performance des politiques publiques, il vaut mieux piocher dans la caisse et pratiquer cette forme obsolète d’helicopter money qu’on appelle État-providence

J’en profite pour glisser combien cette grosse ficelle n’a rien à voir avec le revenu universel qu’évoque Libération. La solution proposée par Christophe Sirugue, en service commandé manifeste, ne bénéficiera qu’à un segment de population concerné par une problématique particulière, alors que le revenu universel est supposé bénéficier à tous (selon un principe limpide de solidarité).


L’État-providence pour calmer les intermittents du spectacle

Pendant que le député Sirugue servait à Manuel Valls la soupe que l’UNEF réclame, la ministre de la Culture Azoulay intervenait sur un autre front : celui des intermittents du spectacle.

Dans le cadre de la renégociation de la convention d’assurance-chômage, les partenaires sociaux doivent en effet présenter un document de cadrage sur le financement du régime. Sans véritable surprise, le MEDEF a proposé d’importantes économies pour cette catégorie d’allocataires qui représente 3% des effectifs, mais 25% du déficit de l’UNEDIC.
Dans une interview à Libération, qui confirme peu à peu son rôle d’agence de presse du gouvernement, Audrey Azoulay, qui prend une pose grotesque pour la photo, explique tout le mal qu’elle pense de la « démocratie sociale » ainsi que de la libre négociation entre partenaires sociaux, et entreprend de corriger les torts.

« Le soutien au spectacle vivant est au cœur de la politique artistique. Nous avons la chance d’avoir en France un modèle de soutien aux artistes envié à l’étranger, grâce au dynamisme de nos lieux de création et de diffusion. Cela passe par le maintien d’un régime spécifique d’assurance chômage, qui correspond à l’activité intermittente de ces professions aujourd’hui inquiètes pour les négociations sur l’avenir de l’Unédic. (…)
Le cadrage adressé au monde du spectacle est une provocation, et il est clairement un appel explicite à ce que ce soit le gouvernement qui finance une bonne part des économies. Tout le monde reconnaît qu’une économie se situant autour de 100 millions, après ceux de la précédente convention, constituera déjà un effort très important pour la profession. Le Premier ministre l’a dit, l’État ne laissera pas tomber les intermittents, il ne permettra pas que ce régime soit dans l’impasse. Mais la demande des professionnels du secteur est bien de préserver dans la durée un régime d’indemnisation du chômage dans le cadre de la solidarité professionnelle. »

Rappelons évidemment ici que ce que la ministre appelle la « solidarité professionnelle » s’appelle en réalité la « solidarité interprofessionnelle ». Elle consiste à demander aux petits patrons au bord de la faillite de financer la précarité imposée par les magnats de l’industrie culturelle qui peuvent faire ou défaire une campagne électorale par leur poids médiatique.

On l’aura noté, donc, la politique culturelle de l’État en faveur du spectacle vivant (c’est-à-dire de ces innombrables pièces de théâtre sans spectateurs où des comédiens incertains raillent les petits bourgeois obscurantistes qui ne viennent pas assister à leur délire fumeux) doit être financée par les cotisations des employeurs. Et la ministre n’a aucune gêne à expliquer que l’État pèsera de tout son poids pour maintenir cette perversion qui consiste à forcer des entreprises à cotiser pour des politiques qui relèvent de la décadence régalienne.

L’État-providence et les élections
On le voit, tout cela respire la campagne électorale pour les présidentielles. Comme l’avait annoncé François Hollande, le temps de la redistribution est venu. Ceux qui pensaient en profiter seront déçus : la redistribution ne profite qu’à l’électorat attendu par le Président de la République.


dimanche 24 avril 2016

Photos-William Eugene Smith



William Eugene Smith

William Eugene Smith est né à Wishita le 30 décembre 1918 dans l’état du Kansas. Issu d’une famille pauvre, il se passionne pour l’ingénierie aéronautique. A 14 ans il emprunte un appareil photo à sa mère et débute en prenant des photos d’avions et de sport.


Il collabore à la presse locale pendant ses années de lycée et décide rapidement de devenir photographe. A 18 ans il est confronté au suicide de son père qui décède malgré une transfusion sanguine de sa part. Cet événement tragique relaté de manière tronquée par les journaux est à l’origine de sa quête de vérité. La même année, il entre à l’université de Notre Dame où ses photographies lui permettent d’obtenir une bourse spécialement créée pour lui.


Un an plus tard en mars 1937 il part pour New York et s’inscrit au New York Institute of Photography. Newsweek vient de voir le jour. Automne 1937 Il rejoint le staff de ce magazine à mi-temps durant une année. Lorsque Newsweek décide de créer un poste de photographe à temps plein et embauche quelqu’un d’autre, Smith décide de devenir free-lance avant d’être mis à la porte par son patron qui lui interdit l’usage d’un appareil de format 6×6 considéré comme trop peu professionnel.


Pendant 5 ans Il travaille pour l’agence Black Star et obtient des publications dans Life, Colliers, American, The New York Time, etc.… Il exécute également des travaux de commande pour Life (170 de 1939 à 1942), puis, en désaccord avec les légendes et le peu d’utilisation qui est faite de ses images par le « Picture editor », il cesse sa collaboration avec ce journal en 1942. Il trouve alors du travail chez l’éditeur Crowell-Collier (Ammerican Magazine, Collier’s, Woman’s Home Companion) et pour Parade (42 essais photographiques publiés de 1942 à 1943).


L’Amérique est alors en guerre contre le Japon. Il essaie d’entrer dans la marine sans succès. Il devient correspondant de guerre pour le magazine « Flying », couvrant le conflit sur terre, en mer et dans les airs à Saipan, Guam, et Iwo jima. Toujours au cœur de l’action, ses camarades le surnomment « Wonderful Smith ». Il signe à nouveau un contrat avec Life en mai 1944 et produit des clichés exceptionnels jusqu’à ce qu’il soit sévèrement blessé à Okinawa le 22 mai 1945 par un tir de mortier qui lui déchire la joue et la bouche, et lui laissera des séquelles à la main gauche.


Certaines images réalisées pour ce magazine en 1944 qui documentent les populations civiles vaincues sont d’un tel réalisme qu’elles sont censurées. C’est en observant les victimes japonaises de la guerre qu’il prend conscience de l’importance de témoigner sur son aspect social et humanitaire.


Se développe alors un sentiment de responsabilité. Il lui faudra une longue période de deux années de convalescence avant de remettre l’œil derrière le viseur pour Life début 1946. C’est avec l’idée de faire une image qui soit à l’opposé d’une image de guerre, qu’il prend ces deux enfants de dos se tenant par la main. « The Walk to Paradise Garden » reste l’une des images les plus célèbres du siècle. Elle fera partie de l’exposition « Family of Man » du Musée d’art moderne de New York en 1955. « Gene », comme on le surnomme dorénavant, à un tempérament de battant pour faire reconnaître son travail photographique comme engagement artistique, puis comme instrument de lutte contre ses démons intérieurs. Il prend parti pour des causes avec des idées de gauche. Il impose l’usage du 35 mm auprès d’éditeurs obsédés par la qualité technique et apporte une vraie révolution dans la pratique du photojournalisme avec sa pratique non conventionnelle. Il est à l’origine d’un genre que l’on appelle les essais photographiques, sorte de petits récits en images. Il collabore à Life de 1947 à 1954 avec de nombreux sujets. “Nurse Midwife” (sage femme),” est un reportage sur Maude Callen, une femme noire qui vit dans une communauté rurale du sud (1951). Pour « Country Doctor », en 1948, il part une semaine sans l’accord de sa hiérarchie pour le Colorado où il passe près de quatre semaines avant de revenir à New York.


Il suit le docteur partout, et fait des photographies avec un appareil dépourvu de film pour mieux appréhender son sujet, et se faire accepter. (Life publie 28 photographies dans l’essai « Country Doctor » dans son édition du 20 septembre 1948). Vers la fin des années 50, il quitte sa famille pour emménager dans un loft à New York. 1951: son reportage « Spanish Village » est si éprouvant qu’il fait l’objet d’un placement dans un hôpital psychiatrique à son retour à New York. Il continue sa collaboration avec Life jusqu’en 1954, après avoir fait des photos du Dr Albert Schweitzer, dans un sujet appelé « A Man of Mercy ». Il démissionne et rentre à l’agence Magnum qui lui offre une petite commande pour un livre qui doit servir à fêter le bicentenaire de la ville de Pittsburgh, pour Stefan Lorant, un éditeur connu. Ce reportage qui devait lui prendre quelques semaines devient une obsession. Il passe plus de deux années inspiré par Joyce et Faulkner et cherche à donner une vision de la ville.


Il fait plus de 10 000 négatifs qu’il passe des mois à tirer 7000 tirages de lecture, tel un orfèvre qu’il est dans l’art du tirage. L’obtention d’une bourse Guggenheim en 1956 et en 1958 l’aideront financièrement, à ce qui s’avèrera un échec financier pour lui et pour Magnum. Il rechigne à la publication du projet par Life ou Look parce qu’ils refusent de lui donner des garanties de contrôle sur le choix et la disposition des images. En 1959 Tom Maloney lui propose de publier 88 images dans US Camera Photography Annual. En 1964 Lorant publiera finalement 62 de ses images dans Pittsburgh : “the Story of an American City”.


Il restera obsédé tout au long de sa vie par le fait de n’avoir pu mener à bien ce projet. Il sombre alors dans l’alcool et les amphétamines. Cet épisode lui permet de passer du photojournalisme à une approche plus artistique de sa pratique. En 1957 il quitte sa famille et s’installe dans un loft au 821 de la 6ème avenue (Avenue of the Americas) peuplée de musiciens de jazz et de peintres. Pendant plusieurs années, il fait des images de sa fenêtre, des portraits d’artistes et de musiciens. Il publie un livre « As From My Window I Sometimes Glance » qui présente des images abstraites. De 1961 à 1962 il photographie Hitachi firme industrielle japonaise. Sa compagne d’alors est Carole Thomas. En 1970 le “Jewish Museum” de New York lui consacre une grande rétrospective intitulée “Let Truth Be the Prejudice“.


En compagnie de sa deuxième femme Eileen Mioko, photographe, il se rend au Japon en 1971 pour l’accompagner. De 1971 à 1974, il passe quatre années à vivre dans le dénuement le plus total, pour un reportage à « Minamata », petit village de pêcheurs japonais pollué par l’industrie chimique. Sa photo de Tomoko Uemura, jeune fille victime de malformation due à la pollution des rivières par le mercure est une photo qui résume son engagement total. Il est intéressant de noter que cette photo célèbre à été prise avec un objectif 16 mm, grand angulaire avec un Minolta Srt 101. La photographie de cette jeune japonaise née aveugle et muette avec des membres déformés, dans les bras de sa mère, qui lui donne le bain reste comme l’une des premières photos à avoir dénoncé les problèmes d’environnement. Victime de brutalités d’employés de la firme japonaise Chisso, responsable de ce que l’on appelle maintenant « la maladie de Minamata » (empoisonnement au mercure), il perd presque l’usage de la vue et doit être rapatrié d’urgence en 1974. Jim Hughes, rédacteur en chef de Camera 35, et Life publieront le reportage « Minamata » qui devient un livre culte en 1975, année où Smith est l’invité des Rencontres internationales d’Arles. En 1976 il déménage pour Tucson (Arizona) afin d’organiser ses archives achetées par le « Center for Creative Photography », et pour enseigner à l’université. Il a une première attaque cardiaque en décembre 1977. Il décède d’un infarctus le 15 octobre 1978 à Tucson en Arizona. Il laisse une empreinte dans l’histoire de la photographie, par la force de ses images qui font encore référence auprès de nombreux photojournalistes.


Pour honorer sa mémoire, un prix annuel décerné par l’“International Center of Photography “de New York a été créé en 1978. Parrainé par Nikon, le prix W Eugene Smith est une bourse annuelle de 30 000 $ qui demeure l’une des plus belles distinctions dans le monde de l’image de presse.


Eugene Smith était un passionné de Jazz, il a laissé des enregistrements sonores live exceptionnels qui vont faire l’objet d’une publication intitulé « JAZZ LOFT PROJECT » en 2009, aux cotés d’images extraites des 25 000 photographies qu’il a prises de la fenêtre du quatrième étage de son appartement New Yorkais du « 821 Sixth Avenue ».

samedi 23 avril 2016

vendredi 22 avril 2016

Billets-Présidentielles : sondages


Présidentielles : sondages

Résultats des intentions de vote avec 4 hypothèses de candidatures pour Les Républicains : Alain Juppé (sans François Bayrou), Nicolas Sarkozy, François Fillon et Bruno Le Maire.

Pour cette première mesure des intentions de vote des Français, BVA a travaillé sur quatre hypothèses de candidatures pour Les Républicains : Alain Juppé (sans François Bayrou), Nicolas Sarkozy, François Fillon et Bruno Le Maire.

Voici les résultats de ce sondage BVA-Presse Régionale.

François Hollande disqualifié
François Hollande n’apparaît pas en mesure, pour le moment, de se qualifier pour le second tour. Quelle que soit l’hypothèse testée, l’actuel président de la République arriverait en troisième position, loin derrière Marine Le Pen et le candidat Les Républicains, avec un score oscillant entre 13,5% et 15% des suffrages exprimés seulement. Face à Alain Juppé, il serait même 3ème ex-aequo avec Jean-Luc Mélenchon.

Marine Le Pen arriverait en tête du premier tour, sauf face à Alain Juppé
Quelle que soit l’hypothèse testée, la présidente du Front national apparaît en mesure de se qualifier pour le second tour de l’élection présidentielle, avec un score compris entre 27% et 30% des voix.

Alain Juppé devance nettement les autres candidats Les Républicains
Si tous les candidats Les Républicains testés apparaissent en mesure de se qualifier pour le second tour, Alain Juppé (35%) est aujourd’hui le seul capable d’arriver en tête au premier tour devant Marine Le Pen. Son score est supérieur à celui de Nicolas Sarkozy (22%), François Fillon (21%) et Bruno Le Maire (18%).


Intentions de vote au premier tour-Hypothèse Alain Juppé-Sans François Bayrou. Sondage BVA

Jean-Luc Mélenchon talonnerait François Hollande
Selon les hypothèses testées, le score de Jean-Luc Mélenchon oscille entre 12% et 13,5%, juste derrière François Hollande. Il fait même jeu égal avec lui dans l’hypothèse où la droite serait représentée par Alain Juppé. Il bénéficie sans doute de la fracture interne de la gauche. Deux sujets d’actualité impactent le plus les intentions de vote de ces électeurs : la Loi Travail et la mouvement Nuit Debout.

Terrorisme, crise des migrants et impôts : les 3 sujets d’actualité ayant le plus impacté les intentions de vote
Ces thèmes (parmi les dix ayant fait le plus de bruit sur Internet au cours des dernières semaines) traduisent ainsi les préoccupations des Français et apparaissent en décalage avec les sujets relayés par les médias (Nuit Debout, Panama Papers).

Ces résultats varient significativement selon l’intention de vote exprimée : les électeurs potentiels de Marine Le Pen mentionnent prioritairement le terrorisme, la crise des migrants et la déchéance de nationalité, quand les personnes ayant l’intention de voter pour Jean-Luc Mélenchon mettent en avant le projet de loi El Khomri ou le mouvement Nuit Debout.

mercredi 20 avril 2016

lundi 18 avril 2016

dimanche 17 avril 2016

samedi 16 avril 2016

jeudi 14 avril 2016

mercredi 13 avril 2016

mardi 12 avril 2016

dimanche 10 avril 2016

vendredi 8 avril 2016

Billets



Tags à la faculté de Nanterre en avril 2016 (Crédits : ESFL, CC-BY 2.0)

jeudi 7 avril 2016

Billets-Denis Robert


Denis Robert

PanamaPapers. Tout le monde savait, depuis longtemps. Coup de gueule de Denis Robert.
Coup de gueule du journaliste qui a – tout seul – dénoncé l’affaire Clearstream. Et qui a payé cher : 63 procès pour qu’il se taise.
LuxLeaks ? HSBC ? UBS ? Vous ne vous en souvenez plus de ces affaires ?Très bien, c’était l’objectif recherché. Continuez à travailler.
« J’ai vu « Cash Investigation » hier, me suis tapé les flashs des chaînes tout info et le « grand soir 3″, je regarde les titres dans les kiosques à journaux… « Panama papiers, l’onde de choc »…
Comment vous dire?
Comment vous dire ce que je ressens sans passer pour un cuistre ou un donneur de leçon?
Quand même…
Des panaméennes à Panama?!!! 
Houlala.
Des banques françaises avec des filiales dans les paradis fiscaux?!!! 
Houlalalalala…
Et Sapin (le ministre, il ressemble de plus en plus à Gorbachev, non?) qui vient s’émouvoir sur le sort des lanceurs d’alerte. Qu’est ce que tu as glandé mec depuis deux années qu’on t’explique que c’est grave?
Qu’est ce que tu as fait pour Antoine Deltour? Pour Hervé Falciani? Pour Stéphanie Gibaud?
Et -au hasard et en passant- pour moi qui me suis tapé 63 procès pour dénoncer en gros la même chose (off shore, banques françaises avec filiales dans les paradis fiscaux, effacement des traces des transactions, etc) ?
Rien mec.
Pas bougé le petit doigt.
Resté planqué dans ton ministère à user de ta langue de baobab. Et la droite qui la ferme avec le souvenir précis de son petit roitelet -Le sarkozy- qui nous avait juré craché que c’était fini les paradis fiscaux.
Quel connard! Quel immense connard, gargantuesque, godmansachseste connard!
Et le FN -les poches pleins, les yeux vides- qui nous sort le grand air de la manip.
Et Hollande qui fronce les sourcils, pire qu’une marionnette de South Park. Bientôt ce sera Juncker, vous verrez…
Les journalistes -en tête ceux du Monde- découvrent la lune.
Les politiques nous enfument. Il y a quelque chose de lamentable dans cet embrasement. De réjouissant, quand on voit des types comme Balkany ou Me Claude l’associé fraudeur de Sarkozy fuir les caméras… Mais quand même de lamentable.
Pourquoi les journalistes ont-ils tant attendu?
Pourquoi les politiques -Hollande en tête avec son foutu discours du Bourget- n’ont-ils pas bougé le petit doigt quand -tiens prenons celle-là- l’affaire Luxleaks est sortie.
Rien. Pas un soubresaut.
Alors, bon. Ne vous étonnez pas si on est debout la nuit.
On va bientôt venir vous chatouiller les doigts de pieds. On n’est pas pour les têtes à couper. Limite, le goudron et les plumes.
Allez le téléphone sonne, c’est France Infos. Demain Grenoble, les mecs. Pour une conférence à 19h30. Si j’arrive à prendre mon train. Il y a Merkel et Hollande à deux pas de chez moi à Metz. Toutes les rues sont bloquées. C’est un peu comme Achille Zavatta et ses fauves. En moins rigolo. 

Billets-Denis Robert, le journaliste qui a fait plier la banque


Denis Robert, le journaliste qui a fait plier la banque

La ténacité a payé. Après dix ans de combat, Denis Robert l'a emporté, seul contre tous, face à la société Clearstream. Le voilà blanchi.
Rencontre avec un journaliste qui préfère désormais l'art aux affaires.

Dix ans d'enfer. L'homme - baskets, jean, cheveux en pétard - qui nous rejoint à la gare de Metz a subi une soixantaine de procès et plusieurs centaines de visites d'huissiers. Parce qu'il a écrit - et s'y est tenu mordicus - que Clearstream, société bancaire luxembourgeoise, était un outil de dissimulation : des sociétés internationales profitaient de cette « banque des banquiers » par où transitent des flux financiers du monde entier pour effacer certaines de leurs transactions sensibles.
Il a connu le lynchage d'une presse qui l'accusait d'imposture, le lâchage d'amis qui le suppliaient d'abandonner son combat monomaniaque, le soutien indéfectible d'une poignée d'autres. Il a aussi bien failli perdre la lumineuse maison d'architecte dans laquelle il nous reçoit tout un après-midi, avec enfants, femme, hamster et petite chienne en boule sur le canapé. Et puis il est revenu à la vie, il y a trois mois, lorsque la Cour de cassation lui a donné raison. Désormais, Denis Robert, sulfureuse icône des écoles de journalisme, peut publier de nouveau ses livres sur l'affaire Clearstream, rééditer ses documentaires, et nous livrer, librement et subjectivement, sa vision de l'histoire. Rencontre.

Dix ans de combat judiciaire
« Comme un énorme poids sur les épaules qu'on m'ôterait d'un coup. » C'est l'effet provoqué par le coup de fil de son avocate le 3 février 2011. La Cour de cassation vient d'annuler trois condamnations pour diffamation et reconnaît « l'intérêt général du sujet » et le « sérieux de l'enquête ». Après dix ans de guérilla judiciaire menée par Clearstream, Denis Ro­bert gagne, sur toute la ligne. « Tu sais, c'est ferme et définitif », insiste maî­tre Litzler. Et aussi historique : ou­tre qu'elle accrédite son enquête - inédite - sur les dérives du système financier international, cette décision marque une sacrée victoire pour le journalisme : l'épopée victorieuse d'un investigateur isolé contre la guérilla judiciaire d'une multinationale aux moyens illimités.

Le soir même, Denis Robert prend « une grosse cuite avec cinq ou six potes. Il était temps que je gagne. J'ai eu les moyens de tenir parce que j'avais vendu des livres. Et grâce aussi à mon comité de soutien - artistes, journalis­tes, dessinateurs, viticulteurs... Mais là, j'en étais à envisager de vendre ma maison. » Les procédures lui auraient coûté 150 000 € – 120 000 assumés par son comité de soutien, 30 000 par lui –, mais « ça n'inclut pas le temps perdu à ne pas faire autre chose, un vrai mi-temps ! ». Son éditeur, Les Arènes, en serait de 75 000 euros. Et Canal+, qui a diffusé son documentaire Les Dissimulateurs, de 10 000 euros. Plus d'une fois, ses proches lui ont conseillé de renoncer. Il y a pensé, mais a refusé les transactions proposées, qui l'auraient obligé à se déjuger. Sa ténacité obsessionnelle lui a été reprochée. « Clearstream m'a bouffé la tête, c'est vrai. Mais je ne l'ai pas voulu, c'est l'inverse : ce sont eux qui ne m'ont pas lâché ! »

Face aux médias
En 2001, quand sort son livre Révélation$, Denis Robert n'est pas un bleu de l'investigation : du temps où il s'occupait des affaires politico-financières à Libération, il a sorti des scoops, notamment sur les irradiés de Metz, le compte suisse du Parti républicain, la villa de Gérard Longuet... En 1996, il a lancé l'Appel de Genève avec sept grands magistrats anti-corruption qui demandent la création d'un espace judiciaire européen pour lutter contre le crime financier. Il a écrit à l'époque un essai remarqué : Pendant les « affaires », les affaires continuent...

Quand il commence à enquêter sur Clearstream, Denis Robert a donc une expérience, et un nom. Mais c'est un homme seul, un franc-tireur de l'investigation, qui n'appartient plus à aucune rédaction. Par choix : « J'ai payé cher cette indépendance, dit-il aujourd'hui, le système de dénigrement m'a marginalisé. » Révélation$, de fait, comporte quelques erreurs. Elles ne lui sont pas pardonnées : « Le Monde, avec Edwy Plenel, a immédiatement mis en doute mon enquête, et donné le ton. Ensuite, l'avocat de Clearstream, Richard Malka, m'a fait passer pour un "falsificateur" et un "conspirationniste". S'est créée alors une espèce d'unanimité pour dire que je n'étais pas clair. Il n'y avait qu'à entendre des gens comme Alexandre Adler, BHL ou Alain Minc. Ces erreurs, je ne les reconnais pas. Une seule a posé problème. Celle du sigle DGSE que j'ai attribué aux services secrets français, sans que ceux-ci démentent. La Banque de France a fait savoir que ce compte DGSE ouvert à Clearstream était en réalité un compte de la Banque de France lui servant pour intervenir anonymement sur les marchés financiers. Ce qui, si ça s'avérait exact, serait très grave. Dix ans qu'on me bassine avec des erreurs qui n'existent pas. J'aimerais ici le dire une fois pour toutes. »

Dans les médias, il y a ceux, minoritaires, « plutôt la base », qui le soutiennent. Les plus nombreux, qui se taisent prudemment. Ceux qui le lâchent progressivement, par peur des procès (« dès qu'un journal parlait de moi, il s'en prenait un »). Et ceux qui l'attaquent. C'est à ces derniers qu'il en veut. A « ce petit milieu des roite­lets de l'investigation » qui ne lui a pas fait de cadeau : « Ils se connaissent et se jalousent tous, ils jouent le jeu des juges et des politiques, de leurs ré­dactions et de leurs directions. Moi, j'ai quitté Libé pour ne plus être tout ça. Je suis leur mauvaise conscience, je les renvoie à leur incapacité à résister. » Dix ans de lessiveuse médiati­que lui ont forgé, dit-il, quelques con­vic­tions sur « les donneurs de leçons engoncés dans leur pouvoir... ce journalisme-là est mal barré ». Lui applaudit WikiLeaks (« la meilleure nouvelle qui nous soit arrivée depuis longtemps ! ») et rêve de créer, un jour, son propre site d'information.
  
L'art, moyen de survie
En attendant, il crée. « L'art, c'est ce qui m'a sauvé. » Fan de Dennis Hopper et de Truman Capote, le journaliste a toujours écrit des romans - on lui a d'ailleurs reproché le mélange des genres. Son plus gros succès est érotique : Le Bonheur, « un livre de cul traduit dans dix-sept langues, sourit-il. Des avocats ont même essayé de me faire passer pour un dangereux pornographe ! ». Avec Clearstream, « je n'étais plus journaliste, on a voulu faire de moi un personnage de fiction. Mon histoire est devenue tellement exemplaire qu'elle devenait une œuvre d'art ». Il coréalise des spectacles, coécrit une - excellente - bande dessinée de sa vie. Se met même à la peinture. Des toiles vaguement inspirées de Jean-Michel Basquiat et éminemment cathartiques, avec des listings de Clearstream entrecoupés de phra­ses manuscrites du type « Je suis le cauchemar des banquiers », « Je ne dirai jamais de mal de Clearstream », ou encore cette « punition à répéter sans foi : je n'écrirai plus que je fais des livres pour changer le monde ». Sur une autre toile, des centaines de noms, dont certains barrés rageusement : Edwy Plenel, Elisabeth Lévy, Philippe Val... ses « ennemis ». On repère aussi un superhéros masqué, doté d'un énorme appendice : « C'est Little Batrobert, explique presque sérieusement Denis Robert, un personnage couillu ».

Les toiles que le peintre fait défiler sur son Mac sont accrochées dans une galerie parisienne (1) . Car l'artiste expose. La première fois, en 2007, la galerie s'appelait La Bank, et l'expo « Recel de vol ». « J'ai fait dix toiles avec le peintre Philippe Pasquet : elles sont tou­tes parties, à environ 1 800 €. J'étais inquiet de savoir l'accueil du public et et je craignais des achats liés à mon nom ou à Clearstream. Mon premier acheteur était un collectionneur américain qui ne lisait pas le français. Cet achat m'a vachement déniaisé sur l'art. J'ai aussi improvisé une installation : j'ai vidé mes poches, mis ma carte de presse, des listings, Le Voyage au bout de la nuit, de Céline, des stylos défoncés. J'ai appelé ça le Big vide-poches du grand manteau. Et un collectionneur l'a acheté 10 000 € ! » Prochai­ne étape ? « Vendre une toile à un banquier luxembourgeois. Je voudrais faire une expo au Luxembourg. » On rit. Lui, pas : « C'est tout sauf une posture ! L'art m'a aidé à penser différemment. Il permet une émotion, une immédiateté qui touche les gens, plus que l'écriture journalistique ». Denis Robert a vendu une cinquantaine de toiles en trois ans. Pas assez pour compenser sa chute de revenus, dit-il : « Je n'ai pas payé d'impôts l'an passé, et très peu les deux années précédentes ». On ne sait pas si l'arrêt de la Cour de cassation fera monter le prix des prochaines œuvres.

Procès et préjudices
Denis Robert n'en a pas fini avec les prétoires. Le 2 mai commence le très attendu procès en appel de l'affaire Clearstream 2. « Car il y a deux affai­res Clearstream, et tout le monde les confond » : la sienne, l'enquête qui met en accusation la finance, et l'autre, celle des faux listings envoyés par un pseudo-corbeau, avec son ballet de barbouzes « Pieds Nickelés » et de stars de la politique, de Dominique de Villepin à Nicolas Sarkozy. Soupçonné un temps d'être lui-même le corbeau et d'avoir trafiqué les listings, Denis Robert a été définitivement relaxé. Il sera juste entendu comme témoin. Un autre rendez-vous l'attend, en septembre, autrement plus important : son action en réparation de préjudices contre Clearstream. « Je n'en ai pas envie, mais je vais devoir parler de ma vie privée, la maladie de ma femme, celle de ma fille... Et mes curieux problè­mes de hanche, guéris depuis. Le chirurgien m'a dit : "Vous avez porté trop de choses, le corps a lâché." Je vais leur demander un paquet. »

Tout ça pour ça...
En nous ramenant à la gare de Metz, dans sa vieille Jaguar verte, Denis Robert s'interroge, de sa petite voix tranquille : « A quoi ça sert de faire des livres ? Même si les accusations sont fondées, ont-elles des conséquen­ces ? Je n'ai jamais eu l'ambition de révolutionner la finance, ou de fermer Clearstream. J'ai simplement voulu expliquer un système et le faire par­tager au plus grand nombre. Mais la vérité prend du temps. D'accord, j'ai fait virer le staff d'une multinationale et fait connaître aux gens ce qu'est une chambre de compensation [organisme intermédiaire]. Mais personne n'est allé voir ce que fait Clearstream aujourd'hui. Elle a été rachetée par des Allemands, mais le siège est toujours au Luxembourg, paradis bancaire et judiciaire. »


Denis Robert ne manque pas de projets, aucun ne concerne Clearstream : « Si personne ne prend le relais, tant pis. On se souviendra de moi pour mes romans et mes peintures ». Allez, pas seulement. Entre-temps, le maelström bancaire international est passé par là : Kerviel, la crise des subprimes, Madoff and Co, ont ouvert les yeux de l'opinion publique sur les dérives de la finance mondiale. Le combat de Denis Robert connaît un nouvel écho. Il dit qu'il est « devenu une espèce d'icône » dans les écoles de journalisme, ne peut s'empêcher de bougonner « ça me fait chier », mais précise - et là, ses yeux brillent - que l'arrêt de la Cour de cassation est d'ores et déjà utilisé pour défendre des journalistes, sous le nom de jurisprudence Robert.