dimanche 24 avril 2016
Photos-William Eugene Smith
William Eugene Smith
William Eugene Smith est né à Wishita le 30 décembre 1918 dans l’état du Kansas. Issu d’une famille pauvre, il se passionne pour l’ingénierie aéronautique. A 14 ans il emprunte un appareil photo à sa mère et débute en prenant des photos d’avions et de sport.
Il collabore à la presse locale pendant ses années de lycée et décide rapidement de devenir photographe. A 18 ans il est confronté au suicide de son père qui décède malgré une transfusion sanguine de sa part. Cet événement tragique relaté de manière tronquée par les journaux est à l’origine de sa quête de vérité. La même année, il entre à l’université de Notre Dame où ses photographies lui permettent d’obtenir une bourse spécialement créée pour lui.
Un an plus tard en mars 1937 il part pour New York et s’inscrit au New York Institute of Photography. Newsweek vient de voir le jour. Automne 1937 Il rejoint le staff de ce magazine à mi-temps durant une année. Lorsque Newsweek décide de créer un poste de photographe à temps plein et embauche quelqu’un d’autre, Smith décide de devenir free-lance avant d’être mis à la porte par son patron qui lui interdit l’usage d’un appareil de format 6×6 considéré comme trop peu professionnel.
Pendant 5 ans Il travaille pour l’agence Black Star et obtient des publications dans Life, Colliers, American, The New York Time, etc.… Il exécute également des travaux de commande pour Life (170 de 1939 à 1942), puis, en désaccord avec les légendes et le peu d’utilisation qui est faite de ses images par le « Picture editor », il cesse sa collaboration avec ce journal en 1942. Il trouve alors du travail chez l’éditeur Crowell-Collier (Ammerican Magazine, Collier’s, Woman’s Home Companion) et pour Parade (42 essais photographiques publiés de 1942 à 1943).
L’Amérique est alors en guerre contre le Japon. Il essaie d’entrer dans la marine sans succès. Il devient correspondant de guerre pour le magazine « Flying », couvrant le conflit sur terre, en mer et dans les airs à Saipan, Guam, et Iwo jima. Toujours au cœur de l’action, ses camarades le surnomment « Wonderful Smith ». Il signe à nouveau un contrat avec Life en mai 1944 et produit des clichés exceptionnels jusqu’à ce qu’il soit sévèrement blessé à Okinawa le 22 mai 1945 par un tir de mortier qui lui déchire la joue et la bouche, et lui laissera des séquelles à la main gauche.
Certaines images réalisées pour ce magazine en 1944 qui documentent les populations civiles vaincues sont d’un tel réalisme qu’elles sont censurées. C’est en observant les victimes japonaises de la guerre qu’il prend conscience de l’importance de témoigner sur son aspect social et humanitaire.
Se développe alors un sentiment de responsabilité. Il lui faudra une longue période de deux années de convalescence avant de remettre l’œil derrière le viseur pour Life début 1946. C’est avec l’idée de faire une image qui soit à l’opposé d’une image de guerre, qu’il prend ces deux enfants de dos se tenant par la main. « The Walk to Paradise Garden » reste l’une des images les plus célèbres du siècle. Elle fera partie de l’exposition « Family of Man » du Musée d’art moderne de New York en 1955. « Gene », comme on le surnomme dorénavant, à un tempérament de battant pour faire reconnaître son travail photographique comme engagement artistique, puis comme instrument de lutte contre ses démons intérieurs. Il prend parti pour des causes avec des idées de gauche. Il impose l’usage du 35 mm auprès d’éditeurs obsédés par la qualité technique et apporte une vraie révolution dans la pratique du photojournalisme avec sa pratique non conventionnelle. Il est à l’origine d’un genre que l’on appelle les essais photographiques, sorte de petits récits en images. Il collabore à Life de 1947 à 1954 avec de nombreux sujets. “Nurse Midwife” (sage femme),” est un reportage sur Maude Callen, une femme noire qui vit dans une communauté rurale du sud (1951). Pour « Country Doctor », en 1948, il part une semaine sans l’accord de sa hiérarchie pour le Colorado où il passe près de quatre semaines avant de revenir à New York.
Il suit le docteur partout, et fait des photographies avec un appareil dépourvu de film pour mieux appréhender son sujet, et se faire accepter. (Life publie 28 photographies dans l’essai « Country Doctor » dans son édition du 20 septembre 1948). Vers la fin des années 50, il quitte sa famille pour emménager dans un loft à New York. 1951: son reportage « Spanish Village » est si éprouvant qu’il fait l’objet d’un placement dans un hôpital psychiatrique à son retour à New York. Il continue sa collaboration avec Life jusqu’en 1954, après avoir fait des photos du Dr Albert Schweitzer, dans un sujet appelé « A Man of Mercy ». Il démissionne et rentre à l’agence Magnum qui lui offre une petite commande pour un livre qui doit servir à fêter le bicentenaire de la ville de Pittsburgh, pour Stefan Lorant, un éditeur connu. Ce reportage qui devait lui prendre quelques semaines devient une obsession. Il passe plus de deux années inspiré par Joyce et Faulkner et cherche à donner une vision de la ville.
Il fait plus de 10 000 négatifs qu’il passe des mois à tirer 7000 tirages de lecture, tel un orfèvre qu’il est dans l’art du tirage. L’obtention d’une bourse Guggenheim en 1956 et en 1958 l’aideront financièrement, à ce qui s’avèrera un échec financier pour lui et pour Magnum. Il rechigne à la publication du projet par Life ou Look parce qu’ils refusent de lui donner des garanties de contrôle sur le choix et la disposition des images. En 1959 Tom Maloney lui propose de publier 88 images dans US Camera Photography Annual. En 1964 Lorant publiera finalement 62 de ses images dans Pittsburgh : “the Story of an American City”.
Il restera obsédé tout au long de sa vie par le fait de n’avoir pu mener à bien ce projet. Il sombre alors dans l’alcool et les amphétamines. Cet épisode lui permet de passer du photojournalisme à une approche plus artistique de sa pratique. En 1957 il quitte sa famille et s’installe dans un loft au 821 de la 6ème avenue (Avenue of the Americas) peuplée de musiciens de jazz et de peintres. Pendant plusieurs années, il fait des images de sa fenêtre, des portraits d’artistes et de musiciens. Il publie un livre « As From My Window I Sometimes Glance » qui présente des images abstraites. De 1961 à 1962 il photographie Hitachi firme industrielle japonaise. Sa compagne d’alors est Carole Thomas. En 1970 le “Jewish Museum” de New York lui consacre une grande rétrospective intitulée “Let Truth Be the Prejudice“.
En compagnie de sa deuxième femme Eileen Mioko, photographe, il se rend au Japon en 1971 pour l’accompagner. De 1971 à 1974, il passe quatre années à vivre dans le dénuement le plus total, pour un reportage à « Minamata », petit village de pêcheurs japonais pollué par l’industrie chimique. Sa photo de Tomoko Uemura, jeune fille victime de malformation due à la pollution des rivières par le mercure est une photo qui résume son engagement total. Il est intéressant de noter que cette photo célèbre à été prise avec un objectif 16 mm, grand angulaire avec un Minolta Srt 101. La photographie de cette jeune japonaise née aveugle et muette avec des membres déformés, dans les bras de sa mère, qui lui donne le bain reste comme l’une des premières photos à avoir dénoncé les problèmes d’environnement. Victime de brutalités d’employés de la firme japonaise Chisso, responsable de ce que l’on appelle maintenant « la maladie de Minamata » (empoisonnement au mercure), il perd presque l’usage de la vue et doit être rapatrié d’urgence en 1974. Jim Hughes, rédacteur en chef de Camera 35, et Life publieront le reportage « Minamata » qui devient un livre culte en 1975, année où Smith est l’invité des Rencontres internationales d’Arles. En 1976 il déménage pour Tucson (Arizona) afin d’organiser ses archives achetées par le « Center for Creative Photography », et pour enseigner à l’université. Il a une première attaque cardiaque en décembre 1977. Il décède d’un infarctus le 15 octobre 1978 à Tucson en Arizona. Il laisse une empreinte dans l’histoire de la photographie, par la force de ses images qui font encore référence auprès de nombreux photojournalistes.
Pour honorer sa mémoire, un prix annuel décerné par l’“International Center of Photography “de New York a été créé en 1978. Parrainé par Nikon, le prix W Eugene Smith est une bourse annuelle de 30 000 $ qui demeure l’une des plus belles distinctions dans le monde de l’image de presse.
Eugene Smith était un passionné de Jazz, il a laissé des enregistrements sonores live exceptionnels qui vont faire l’objet d’une publication intitulé « JAZZ LOFT PROJECT » en 2009, aux cotés d’images extraites des 25 000 photographies qu’il a prises de la fenêtre du quatrième étage de son appartement New Yorkais du « 821 Sixth Avenue ».
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