Dessins de presse
John Kennedy TOOLE
La conjuration des imbécilesHenry MILLER
Nexus 2 - Vacances à l’étranger
Traduit de l’Américain par Christian Séruzier
(4ème de couverture) « N’importe qui peut aligner des mots les uns derrière les autres. La langue, celle de tous les jours, est comme une planche à laver. Ecrire, c’est autre chose. Cela ressemble à une cadence perpétuelle au bord extrême d’un gouffre. Jusqu’à ce jour, je n’avais encore jamais écrit une ligne. J’ai passé mon temps à frotter des vêtements, des vêtements sales. D’abord, je dois trouver qui je suis, d’où je viens, où je vais, pourquoi je suis ici. Il faut que je me transforme en orphelin, que je m’apprenne ma propre langue, que j’arrête de prendre des leçons de musique, et ainsi de suite. D’abord, je dois me débarrasser de tout ce bagage que j’ai accumulé… Je veux dire : de la littérature. » Conçue comme une conclusion à sa trilogie de « la crucifixion en rose » commencée avec « Sexus » (1949) et « Plexus » (1953), la publication de « Nexus » en (1960) devait, dans l’esprit de son auteur, être suivie d’un second volume. Pour une raison jamais explicitée, Miller abandonna en 1962 le projet de « Nexus 2 » au bas du cent douzième feuillet. Conservé par des proches, ce manuscrit refait surface aujourd’hui et fait enfin l’objet d’une publication grâce à cette traduction française. Cet inédit nous plonge dans le Montparnasse des Années folles, celui de Brassaï, Picasso, Chagall, Cocteau…, et dans une Europe insouciante et effervescente qui, pour un jeune couple pseudo-américain des plus libérés, constitue un extraordinaire champ d’expériences.
(1ere phrase :) Ainsi donc, nous y voilà, me dis-je en descendant la passerelle au Havre, tremblant de poser le pied pour la première fois sur le sol de France !
(Dernière phrase :) J’en croyais à peine mes yeux. C’était écrit noir sur blanc : BATEAU APPAREILLE JEUDI. RETROUVE-MOI SUR LE QUAI !
140 pages – Editions Autrement Paris 2004
(Aide mémoire perso :)
On croyait que l'œuvre autobiographique d'Henry Miller s'achevait avec le départ du narrateur pour l'Europe, à la fin de Nexus. Mais cette seconde partie inédite, Nexus 2, prolonge ses voyages avec sa compagne, Mona. On y suit un couple nomade, avide d'expériences et de liberté. Leur séjour commence à Paris, dans le Montparnasse cosmopolite et embrasé d'une fièvre créatrice, parmi Brassaï, Cocteau, Aragon, Cendrars, Soutine. A Lyon, Vienne, Budapest et en Roumanie, dans l'Europe de l'entre-deux-guerres, ils multiplient les rencontres dans les cafés où ils aiment traîner. Miller abandonne Nexus 2 en 1962. La fin du récit, le souvenir érotique d'un ménage à trois à New York, est bouclée de manière un peu expéditive. Reste le génie de Miller.
Henry MILLER
Nexus
Traduit de l’Américain par Roger Giroux
(4ème de couverture) Henry Miller, qui voulait être débarrassé des contingences matérielles pour devenir écrivain, à la chance de trouver en sa seconde épouse, Mona, une femme dévouée qui le supplie de rester au logis pendant qu’elle part en quête de l’argent nécessaire pour vivre. Ce pourrait être le paradis… mais il y a Stasia, l’amie hautement pittoresque de Mona. Miller se ronge d’énervement, il délire, il tourne comme un ours en cage dans Brooklyn. Dix, vingt personnages baroques traversent son univers. Nul n’est plus extravagant que Stasia ! Que faire ? Seule l’Europe, affirme Mona, convient à l’écrivain qu’il veut être. C’est sur le départ de l’auteur pour le vieux continent que s’achève Nexus, le troisième et dernier volume de la célèbre « Crucifixion en rose », qui comprend également Sexus et Plexus. Ce récit est assurément l’œuvre la plus importante du grand écrivain américain.
(1ere phrase :) -Ouaf! Ouaf ouaf ! OUAF ! OUAF !
(Dernière phrase :) Allez, au revoir ! Vogue la galère !
414 pages – Editions Christian Bourgeois Paris 1996
(Aide mémoire perso :)
« L’hiver de la vie, comme quelqu’un aurait dû dire, commence à la naissance. Les années les plus dures sont de un à quatre-vingt-dix ans. Après, ça va tout seul. » Pour ce troisième et dernier volet de la Crucifixion, Miller traverse une période terrible d’abandon et de désespoir, avant de ressusciter dans l’euphorie du départ imminent pour Paris (où il vécut de 1930 à 1939, traversant semble t-il d’autres passages délicats : divorce d’avec Mona – June dans la vraie vie – en 1931 et clochardisation avant la publication du 1er Tropiques en 1934). Les choses commencent à se gâter lorsque Mona fait la rencontre de Stasia, une sauvageonne totalement barrée qui emménage avec eux. Il s’agit moins d’un ménage à trois (Stasia prétend toujours être vierge) que d’une concurrence exacerbée entre Miller et Stasia pour l’amour de Mona, qui bien sur les aime tous les deux autant. Miller est peu à peu exclu et pète les câbles dans la cave qu’ils occupent à Brooklyn, pendant que les filles courent le Village à la recherche de pigeons. Pour finir elles embarquent sans prévenir pour Paris, plongeant Miller dans un isolement et un désespoir accablants : une nouvelle fois, retour chez les parents. C’est à ce moment que Miller conçoit le projet d’écrire son histoire avec Mona, ce qui semble avoir occupé l’intégralité de son œuvre. Évidemment il y a toujours un ou deux anges gardiens qui traînent et qui lui permettent d’endurer son malheur jusqu’à ce que le retour de Mona le ressuscite. Elle revient seule, s’étant disputée avec Stasia (Jean Kronski dans la vraie vie, qui se serait en fait lancée dans une relation avec Anaïs Nin – Anaïs Nin qui conte dans son journal quelques épisodes fougueux en compagnie de Miller, mais à une période bien plus tardive…). Tout s’inverse alors et le bonheur éclabousse tout le dernier tiers du livre : Miller pond son roman, Mona trouve parmi ses pigeons un type désireux de le publier ainsi qu’un superbe appartement à Brooklyn, et avec l’argent du livre ils s’en vont pour Paris. Fin de l’accouchement au forceps d’un écrivain. Ni Plexus, ni Nexus ne retrouvent la fougue dévastatrice de Sexus, le plus factuel des trois. Miller a une tendance avérée aux divagations mystiques. En général il commence un chapitre par un récit factuel, avant de dériver vers des considérations abstraites ou des références culturelles (avec notamment pour grand héros de ce 3ème tome Knut Hamsum, prix Nobel de littérature et collabo notoire lors de la 2nde guerre mondiale). Mais les trois tomes sont d’une qualité littéraire époustouflante : outre la richesse sémantique prodigieuse et la multiplication de références brillantes, Miller n’a pas son pareil pour imager son propos avec des associations saugrenues et drôles, qui si on les regarde à froid en décomposant chaque élément sont tout à fait absurdes, mais qui percutent puissamment si l’on s’en tient à leur viscérale force poétique : « Et ainsi, comme un concerto de piano pour la main gauche, la journée glissait » ; « Isaac Poussière, né de la poussière et qui retourne à la poussière. De la poussière à la poussière. Ajoutez un codicille en faveur du bon vieux temps. » Il faut mentionner la passion de Miller pour tout ce qui est juif (ce qu’est Mona bien qu’elle s’en défende), en particulier le mysticisme, l’érudition et le goût de l’argutie. D’ailleurs tous les juifs qu’il croise le prennent pour l’un des leurs. Est-ce de l’antisémitisme refoulé ou un snobisme chic ? Un petit extrait de pur Miller pour finir, parmi les dernières lignes de la Crucifixion donc sans doute écrites vers 1959 à Big Sur : « N’était-elle pas ouverte à tous, cette terre bénie de la liberté (à l’exception bien sur des peaux rouges, des peaux noires et des ventres jaunes d’Asie). C’est dans ces dispositions d’esprit que mes Grosspapas et mes Grosmamas étaient venus. Le grand voyage vers la terre promise. Windjammers. Trois mois en mer, avec la dysenterie, le beri-beri, les poux, les morpions, la rage, la fièvre jaune, la malaria et autres délices de ce genre de croisières. Ils avaient trouvé la vie à leur goût, ici, en Amérique, mes ancêtres, bien que, dans leurs efforts pour garder l’âme chevillée au corps, ils aient succombé avant l’âge. (Mais leurs tombes sont encore en bon état). »
Henry MILLER
Plexus
Traduit de l’Américain par Elisabeth Guertic
(4ème de couverture) Plexus est le deuxième volet de la célèbre autobiographie d’Henry Miller : « La crucifixion en rose », comprenant également Sexus et Nexus. Miller y raconte ses années d’enfance dans un quartier pittoresque de New York, ses aventures de jeune homme que torture que torture le démon de l’écriture et qui, afin de le satisfaire, finit par briser une à une les chaînes qui le rivent à la vie quotidienne de ses compatriotes, son combat difficile pour devenir un artiste. Il connaît la misère, les rebuffades, les vexations de toutes sorte, l’orgueil solitaire de celui qui croit en son génie et parviendra à le faire triompher. Dans cette lutte, sa nouvelle compagne, Mona, pousse le dévouement au-delà des limites communes. Les aventures que vit Henry Miller, les personnages qu’il rencontre, innombrables et curieux, les réflexions que lui inspirent les uns et les autres composent un récit d’une liberté, d’un naturel, d’un humour et d’une audace inouïs.
(1ere phrase :) Dans sa robe persane collante, avec un turban assorti, elle était ravissante.
(Dernière phrase :) L’arbre de la vie est maintenu vivant non par les larmes mais par la certitude que la liberté est réelle et éternelle.
670 pages – Editions Christian Bourgeois Paris 1996
(Aide mémoire perso :)
« Et si l’on me demandait : As-tu joui de ton séjour sur terre ?, je répondrais : « Ma vie n’a été qu’une longue crucifixion en rose. » La suite des aventures du monstre Miller est nettement moins jubilatoire que la crucifixion 1ère époque, ne serait-ce qu’en raison de l’absence complète d’épisodes obscènes, le sexe se résumant à de furtives allusions quand c’était une des matières prépondérantes du bien nommé Sexus. Sans doute le décalage de 13 années entre la rédaction des deux tomes n’y est pas pour rien. Plexus relate les difficultés matérielles du couple Mona / Val, elle travaillant (c’est-à-dire faisant la serveuse ou l’entraîneuse et recevant des subsides de ses admirateurs par des procédés sur lesquels Miller préfère ne pas trop se pencher), lui bullant à de rares exceptions pour se concentrer sur l’écriture ou l’attente de l’écriture. Toujours au gré des rencontres et des opportunités, Mona et Val se font marchands de petits poèmes, vendeurs ambulants de bonbons, tenanciers d’un speakeasy éphémère à leur domicile. Val finit en vendeur d’encyclopédie au porte à porte, non sans avoir préalablement refusé des offres mirobolantes dans la publicité ou certaines publications. Ils sont contraints à certains moments de retourner vivre chacun chez leurs parents, ceux de Miller se montrant légitimement soucieux d’avoir chez eux leur grand fils de 34 ans, deux fois marié et père d’une petite fille. Cette Crucifixion en rose est avant tout une leçon de persévérance pour les artistes en herbe dont le talent tarde à être reconnu. Du moins non c’est avant tout un beau morceau de littérature. Les allers-retours chronologiques sont un peu systématiques (Miller tombe sur un type dans la rue et l’on sait qu’on va en prendre pour 15 pages du récit de leurs frasques communes à l’adolescence) mais permettent aussi une respiration agréable. Sur le plan intellectuel, Miller fait feu de tout bois et multiplie les références, en particulier à ses quatre cavaliers de l’apocalypse que sont Nietzsche l’iconoclaste, Dostoïevski le grand inquisiteur (c’est chic d’avoir un écrivain russe pour mentor, si l’on pense au culte de Mc Liam Wilson pour Tolstoï), Elie Faure le magicien et Oswald Spengler (auteur du Déclin de l’occident) le bâtisseur de schémas. Il invoque également nombre de figures plus obscures mais prometteuses comme John Brown (idéaliste révolutionnaire américain précurseur de la lutte contre l’esclavage), Gilles de Rais (compagnon de Jeanne d’Arc et par ailleurs meurtrier violeur en très grande série) et une multitude d’autres. Sa culture absolument encyclopédique semble confirmer la supposition de Miller selon laquelle 2 à 3 heures de lecture quotidiennes tout au long de sa vie devraient permettre de mourir en ayant lu toutes les choses importantes. À noter enfin quelques passages franchement ennuyeux, en particulier les récits de rêves et la fin ésotérique consacrée à l’apologie d’Oswald Spengler, qui fait suite aux visions prophétiques d’un certain Claude : on se croirait dans Hermann Hesse, quelle horreur (il est d’ailleurs cité fort à propos par Miller) !
Henry MILLER
Sexus
Traduit de l’Américain par Georges Belmont
(4ème de couverture) Interdit pendant des années, Sexus est l’audacieux premier volet de « la crucifixion en rose », comprenant aussi Plexus et Nexus, où Henry Miller entreprend le récit complet de sa vie tumultueuse, riche d’expériences intérieures et d’aventures. Sexus est l’histoire du grand amour qui, à travers l’inoubliable Mara-Mona, agit comme un révélateur sur Miller, mais aussi l’analyse lucide de la formidable crise qui le secoua et le fit se muer en lui-même. Certains passages très crus, d’une sexualité exacerbée, associent provocation et témoignage : ils sont, dans cette œuvre ardente, riche, puissante, une partie de la vérité dont Miller a fait l’objet de sa vie créatrice. Une franchise absolue, une crudité totale… un « Peau-Rouge » déchaîné dans les rues chaudes. Michel Mohrt.
(1ere phrase :) Ce doit être un jeudi soir que je la rencontrai pour la première fois – au dancing.
(Dernière phrase :) Ouaf ouaf !... Ouaf ! Ouaf ! Ouaf, ouaf, ouaf !
667 pages – Editions Christian Bourgeois Paris 1996
(Aide mémoire perso :)
Premier tome de la Crucifixion en rose, l’autobiographie épaisse de Henry Miller, Sexus relate la période allant de la rencontre de Mara jusqu’au mariage avec Mona (la même personne rebaptisée en cours de route) avec quelques sauts en avant ou en arrière dans le temps, au gré des rencontres. Toute l’existence de Miller semble se dérouler au gré des rencontres, en suivant les envies qui viennent sans jamais laisser s’interposer la moindre limite morale. À cette époque (1924), Miller a 33 ans, un poste enviable de DRH à la compagnie cosmodémonique des télégraphes et met peu à peu au clou son fantasme d’écriture. Il hait sa femme Maude avec application, semble ignorer sa petite fille (ou refuse d’en parler par pudeur ?), pochetronne et baisouille au gré des rencontres. Un soir au dancing il tombe sur Mara, une entraîneuse, et tombe raide amoureux. Mystérieuse mythomane comme lui toujours à court d’argent, elle semble pouvoir faire contrepoids à son inconséquence par une folie encore plus radicale. Miller divorce, ce qui sonne le démarrage d’une vie sexuelle d’une intensité totalement inédite avec Maude, sans que cela remette une seconde en question l’amour viscéral qu’il porte à Mara (devenue Mona alors que lui devient Val). Ils emménagent ensemble à Brooklyn dans une location hors de prix en empruntant tout ce qu’ils peuvent et se marient. L’épisode finit en légère dérive mentale à la fin de la journée du mariage. Ici on a clairement affaire à un monstre : de littérature, d’égoïsme, de franchise, de liberté, de frime et de luxure. Le genre qui peut pas croiser une femme désirable sans l’emmancher et qui procure (ou croît procurer) 14 orgasmes à toutes celles qu’il honore de son pénis des plus réactifs. Le style est phénoménal, jubilatoire, avec des cascades d’images percutantes et incroyablement originales. Il n’a pas son pareil pour provoquer des triques violentes dans le métro, dont l’ingrédient excitant est clairement la transgression. Rien ne le fait reculer : baiser la femme d’un copain, son ex-épouse effondrée, la voisine adolescente, une Irlandaise moche en retour de cuite. Miller ne se sent tenu à aucun engagement vis-à-vis de qui que ce soit, fusse Mona. Il n’éprouve aucune culpabilité pour son absence de tristesse le jour où elle tente de se suicider au moment où il était en pleine fornication avec Maude, n’a aucune intention de payer les pensions alimentaires (alors même qu’il demande à payer double au tribunal). Il ne prétend pas à la vertu, ni à aucune fiabilité, et ce sans malignité (sauf exception ludique). Cet individualisme radical choque encore le lecteur, alors que le récit date de 1939 et relate des faits de 1924, si du moins le lecteur, pourtant prévenu, a la crédulité de croire sur parole les vantardises de l’auteur. Miller est enfin un monstre de bavardage qui dure plaisamment et brillamment cinq pages, multipliant les anecdotes à l’énergie, là où l’écrivain moyen semblerait s’appesantir au bout d’un paragraphe. Quelques longueurs psychédéliques auraient pu être élaguées, mais au plus une centaine de pages sur les quelques 650 de ce premier tome. Reste à tenir le rythme sur le millier qui suit.