mardi 28 février 2017

Billets-Macron trahison…


Macron trahison…

Emmanuel Macron, traître au socialisme ? Curieusement, deux personnages historiques dénommés Macron se sont fait connaître en changeant de camp par opportunisme. Ce qui leur a d'ailleurs coûté la vie.
Depuis qu’il a (mal) parlé du temps de travail, du statut des fonctionnaires et du libéralisme "valeur de gauche", Emmanuel Macron est en butte aux critiques de la gauche de la gauche. Certains le qualifient même de "traître".
Macron trahison ? Pas très riche sur le plan poétique, la rime le serait davantage sur le plan historique.

Comme l’a signalé Xavier Mauduit sur Arte la semaine dernière, l’histoire connaît, surtout grâce à Tacite, un Macron romain. Un serviteur fidèle de Tibère... sauf à la fin. Commandant de la garde prétorienne, il lui incombait entre autres d’interroger les accusés, dont il tirait toujours des aveux conformes aux instructions de l’empereur.

Mais en 37 apr. J.-C., à 76 ans, Tibère est gravement malade. Macron, prévoyant, se met au service de son successeur. Tibère n’avait pas bonne réputation ? Celle dudit successeur est pire : il s’agit de Caligula. Et pour plus de sécurité, Macron décide de hâter l’échéance. Voici la scène imaginée par l’écrivain français Jules de Strada (1) :

Macron
O maître,
Bientôt je vous dirai : César, Tibère est mort.
[…]
Moi, comme pour l'aider, comme aux bains un baigneur,
J'avance, l'air bénin, disant tout haut : Seigneur !
Sans bruit et souriant d'un sourire de fête,
Je soulève le drap au-dessus de sa tête,
Je saisis à deux mains le cou. --
   (Il fait le geste de l'étrangler.)
    Sans lésion ! –
Il fit encore des pieds une contorsion ! –
Je remis avec soin sur lui la couverture.

Caligula
Est-ce fait ? Dis-tu vrai ? ... C'est déjà fait ? Torture ! –

Macron
Bientôt, César.

Caligula
Hélas – Serre bien jusqu'au bout. Bon Macron.

Deux siècles avant ce Macron-là, il y avait eu Ptolémée Macron, un énergique gouverneur de l’empire séleucide. Il doit sa notoriété à la Bible : c’est l’un des protagonistes du Deuxième livre des Macchabées. Antiochos IV – l’un des modèles de l’Antéchrist – l’avait chargé de mettre au pas la Judée. Mais, alors, un coup de théâtre se produisit : "Ptolémée Macron, d'ennemi qu'il avoit été jusques-là des Juifs, étoit tout d'un coup devenu leur ami" (2).

Étrange coïncidence, ces retournements de veste ont tous deux abouti au suicide de leur auteur. Un suicide très probablement assisté avec insistance dans les deux cas. Ptolémée Macron "prit du poison et en mourut : fin qu'avoit bien méritée sa trahison et la part qu'il avoit eue à l'injuste & cruelle persécution des Juifs", écrit Charles Rollin en guise d’épitaphe (3).
Comparaison n’est pas raison, bien entendu. Mais on peut se demander si le ministre de l’Économie serrera jusqu’au bout le cou du socialisme comme le Macron romain, ou s’il s’éprendra soudain de ceux qu’il combattait comme le Macron séleucide.

(1) Jules de Strada, La Mort des dieux, Paris, Hachette, 1866.
(2) Humphrey Prideaux, dans son "Histoire des Juifs et des peuples voisins" (Amsterdam, Henri du Sauzet, 1722).
(3) Charles Rollin, "OEuvres complètes, T. V", nouvelle édition, Paris, Ledoux et Tenré, 1817.


Source lesechos.fr

dimanche 26 février 2017

Billets-Quand Fillon donnait des leçons de vertu


Quand Fillon donnait des leçons de vertu
François Fillon s’est toujours présenté en modèle de vertu. Retour sur ces précédentes déclarations, qui prennent une saveur particulière à l'aune du PenelopeGate.
Les opposants de François Fillon, comme les victimes de ses rappels à l'ordre – et à la morale –, peuvent s'amuser à retourner aujourd'hui contre lui ses leçons de probité d'hier. Revue de détail.
2016 : "Le général de Gaulle mis en examen?"
"Qui imagine un seul instant le général de Gaulle mis en examen?" Depuis Sablé, fin août, François Fillon, alors troisième homme de la primaire, ose une formule choc pour relancer sa campagne.
2014 : "30 ans" loin des affaires
"En trente ans, mon nom n'a jamais été associé à une affaire ou un comportement contraire à l'éthique", déclarait-il au JDD le 9 novembre, en réponse aux accusations dont il était l'objet dans l'affaire Jouyet.
Automne 2013 : la "démocratie exemplaire"
Il se lance dans la campagne pour la primaire en prônant une "démocratie exemplaire". "Ce sentiment que les hommes politiques sont impunis quand ils commettent une erreur, c'est un très grand handicap pour rétablir l'autorité de l'État", assure-t-il le 5 octobre sur LCP.
Printemps 2013 : "La politique, cela ne sert pas à se servir"
Lorsqu'éclate le scandale Cahuzac et que le ministre du Budget est mis en examen pour blanchiment de fraude fiscale, Fillon dénonce, le 2 avril, "la faillite morale" d'une gauche "prompte à critiquer mais qui se conduit souvent d'une manière très différente de ses principes et de ses valeurs". "La politique, cela ne sert pas à se servir, mais à améliorer le quotidien des gens", commente-t-il encore le 10 juillet 2014, lors d'un meeting à Cannes, en référence à cette affaire.
2012 : la transparence face à Copé
Il fait de la transparence un argument de campagne contre Jean-François Copé dans la bataille pour la présidence de l'UMP. "ll y a une injustice sociale entre ceux qui travaillent dur pour peu et ceux qui ne travaillent pas et reçoivent de l'argent public", harangue-t-il lors d'une réunion publique à Poitiers le 20 septembre.
2007 : remontrances à Christian Estrosi et Christian Blanc
À peine nommé à Matignon, il est le premier à édicter, en mai 2007, des règles concernant les cadeaux faits aux ministres ou la transparence financière de la vie publique. En 2008, il oblige Christian Estrosi, alors secrétaire d'État chargé de l'Outre-Mer, à présenter des excuses après que Le Canard a révélé la location d'un jet privé pour 138.000 euros aux frais de l'État. En 2010, c'est au tour de Christian Blanc, détenteur du portefeuille du Grand Paris, d'être recadré par Fillon pour avoir acheté 12.000 euros de cigares. Le chef du gouvernement lui demande de rembourser, avant de le "démissionner".
1999 : virulent contre l'emploi fictif de Xavière Tiberi
Tandis qu'il brigue la présidence du RPR, il est l'un des plus virulents au sujet de l'affaire de l'emploi fictif de Xavière Tiberi, qui défraie alors la chronique : "Il y a au RPR des milliers de militants et d'élus qui respectent la loi. Ceux qui ne l'ont pas respectée doivent être exclus du parti. C'est la règle que je ferai respecter", insiste-t-il sur le plateau de France 2 le 20 octobre. 

Source lejdd.fr/Politique

Photo François et Penelope Fillon à Matignon en mai 2007. (Sipa)

samedi 25 février 2017

Divers Questions-Qu'est-ce que la résistance civile?


Qu'est-ce que la résistance civile?


La résistance civile est un type d'action politique s'appuyant sur l'emploi de méthodes non-violentes. Le terme est à un large degré synonyme d'autres comme « action non-violente », « résistance non-violente » et « pouvoir populaire » (people power). Il recouvre un éventail d'activités appelant à une mobilisation large et soutenue dans le but d'interpeller un pouvoir, une force, une politique ou un régime particuliers, d'où le terme « résistance ». Le qualificatif « civil » réfère dans ce contexte à ce qui touche les citoyens ou la société, signifiant par là que les objectifs d'un mouvement sont « civils » en ce qu'ils sont largement partagés au sein de la société. « Civil » dénote en outre que l'action en question est de nature non militaire ou non-violente.

La résistance civile, dont on trouve de nombreux précurseurs historiques, a été utilisée dans de nombreuses luttes des temps modernes; par exemple, contre le colonialisme, les occupations étrangères, les coups d'État, les régimes dictatoriaux, les malversations électorales, la corruption, la discrimination raciale, religieuse ou sexuelle. On y a recours non seulement contre le pouvoir tyrannique, mais également contre des gouvernements élus démocratiquement, en rapport avec des enjeux comme le maintien de l'ordre constitutionnel, la préservation de l'autonomie régionale au sein d'un pays, la défense des droits des minorités, la protection de l'environnement et l'opposition à certaines guerres et interventions militaires.


La résistance civile fait intervenir plusieurs mécanismes de changement. Elle ne se limite pas à plaider auprès de l'adversaire. Elle peut exercer des pressions et faire usage de coercition, notamment par la hausse des coûts associés au maintien par l'adversaire d'une politique contestée, par l'affaiblissement de sa capacité même d'appliquer cette politique, voire par l'assèchement total de ses sources de légitimité et de pouvoir, que ce soit au plan intérieur ou international. Un objectif de bien des campagnes de résistance civile sera de susciter des dissensions et les défections au sein du régime de l'adversaire et de ses bases d’appui. On trouve une grande variété de formes d'actions possibles, dont manifestations, pétitions, grèves, opérations escargot et boycotts; sit-in, occupations et mise sur pied d'institutions gouvernementales parallèles. Les campagnes de résistance civile exigent une stratégie, c'est-à-dire l’effort de projection et de direction des mouvements et des éléments de la campagne.


On ne suppose aucunement que le pouvoir de l'adversaire visé par la résistance civile évitera lui-même le recours à la violence. La résistance civile a de fait été utilisée dans bien des cas où l'adversaire était disposé à faire usage de violence. On ne suppose pas non plus l'absence de toute forme d'entente ou de coopération entre des forces de résistance civile et certains gouvernements ou entités capables de force violente. Les raisons qui poussent un mouvement à éviter la violence sont souvent liées au contexte plutôt qu'à un principe éthique absolu : elles sont parfois issues des traditions politiques de la société, de son expérience de la guerre et de la violence, de considérations légales, d'un désir de mettre en évidence la violence de l'adversaire dans un contexte dénué de provocation, ou encore d'un calcul que la résistance civile sera mieux en mesure que les moyens violents de réussir dans une situation particulière.


Le terme « résistance civile » a fréquemment été utilisé en lien avec certains types de campagnes non-violentes. Gandhi l'a utilisé à plusieurs occasions. Pourquoi utiliser le terme résistance civile, plutôt que l'un de ses nombreux quasi-synonymes?


La résistance civile est un type du phénomène global plus large de « l'action non-violente ». Plusieurs voient « l'action non-violente » comme le concept plus général qui englobe une gamme célèbre d'activités de toutes sortes. Au nombre des autres quasi-synonymes de la résistance civile mentionnons la « résistance passive », la « résistance citoyenne », la « désobéissance civile » et le « satyagraha ». Chacun de ces termes renvoie à ses propres usages et connotations. Toutefois, « résistance civile » est le terme général le plus approprié à des luttes qui sont « civiles » au sens où elles revêtent une qualité civique, liée aux intérêts et aux aspirations de la société dans son ensemble. Dans certains cas, l'action menée ne consiste pas d'abord en une forme de désobéissance, mais en une forme de soutien aux normes de la société contre un usurpateur, tandis que le principe général d'éviter le recours à la violence n'est pas doctrinaire.


La définition de tous ces termes laisse plusieurs questions sans réponses. Le problème le plus évident est que certaines campagnes en apparence non-violentes peuvent ne pas être perçues comme telles une fois le contexte pris en compte. En Irlande du Nord en mai 1974, la majorité protestante a organisé une impressionnante grève générale de quatorze jours, tandis que le but poursuivi et l'impact de cette action non-violente furent de causer la chute d'un pouvoir exécutif partagé visant à pacifier les troubles qui secouaient la province. Pour d'autres exemples de grèves en soi non-violentes, mais qui comportent des risques de conséquences violentes, on peut penser à une grève du personnel hospitalier qui priverait les patients des services essentiels, ou à un débrayage sans préavis des contrôleurs aériens qui mettrait en péril les avions toujours en vol. De telles possibilités évoquent ce principe qu’une définition de termes abstraits, si utile pour saisir l'essentiel de concepts précis, comporte toujours des problèmes en périphérie.




Divers Questions-Qu'est-ce que la désobéissance civile ? 


Qu'est-ce que la désobéissance civile ?
Si l'expression " désobéissance civile " a connu depuis quelques décennies un large succès, il n'est pas certain que ses utilisateurs l'emploient toujours à bon escient. On peut même supposer que l'imprécision dans son usage explique en partie son succès : elle offre à de nombreux groupes contestataires la possibilité de désigner leurs pratiques par une expression qui, grâce aux campagnes de Gandhi et de King notamment, est perçue comme valorisante. Auraient-ils l'impression qu'en se référant ainsi implicitement à de prestigieux et respectables ancêtres, ils ouvrent un parapluie protecteur sur leurs propres pratiques ? Ce serait là une regrettable confusion entre deux aspects qu'il importe de distinguer : celui de la définition et celui de la justification de ce genre d'actions. Pour traiter sereinement de la définition de la désobéissance civile, il faut mettre de côté les jugements de valeur. La question de savoir si la désobéissance civile est parfois légitime, et si oui à quelles conditions.

Quatre fois civile

En quel sens la désobéissance est-elle " civile " ? Le mot peut être interprété de quatre manières différentes:
- " civil " renvoie d'abord à la notion de citoyen. Le mot souligne ainsi qu'il ne s'agit pas d'une rupture de citoyenneté, d'un acte insurrectionnel contre la communauté politique dont on fait partie. Il s'agit plutôt d'un acte de " civisme " au sens fort : une volonté d'oeuvrer à l'intérêt général, y compris en payant de sa personne. Cet acte de citoyens s'adresse à des citoyens : il fait appel à l'opinion publique, estimant qu'elle peut comprendre l'objet du conflit et intervenir pour sa solution. C'est pourquoi dans les sociétés non démocratiques, où l'" espace public " est peu développé, seules des formes tronquées de désobéissance civile sont possibles.


- " civil " peut aussi se comprendre comme l'opposé de " militaire ", selon une opposition linguistique qui reste pertinente dans la plupart des langues : on s'habille " en civil " quand on quitte un uniforme ; on dit " les civils " pour désigner les personnes qui ne sont pas militaires. Certes, la désobéissance civile peut être pratiquée par des militaires ; mais ils ne la pratiquent alors, précisément, que dans la mesure où ils renoncent à l'usage (ou à la menace d'usage) des armes. L'exemple typique d'une désobéissance civile des militaires, c'est le refus de tirer quand on en reçoit l'ordre (comme certains officiers russes à Prague en 1968). C'est donc l'aspect non-violent de la désobéissance civile qui est ainsi souligné.


- " civil " s'oppose également à " criminel ". Les " délits " dont il s'agit sont toujours de nature politique, même quand les instances judiciaires refusent de les traiter comme tels. On ne peut pas qualifier de " civile " une désobéissance à la loi visant à promouvoir des intérêts égoïstes.


- un sens du mot " civil " auquel Gandhi attachait une grande importance est celui qui évoque la politesse, la courtoisie . La " civilité " de la désobéissance se marque par le respect des personnes auxquelles on a affaire au cœur même d'une lutte contre des lois, des politiques ou des systèmes.


Désobéir, ou obéir autrement ?
Le mot " désobéissance " semble plus facile à définir. Par opposition à l'infraction (qui peut être non intentionnelle : on " se trouve " en infraction), le mot désigne l'accomplissement délibéré d'une action interdite par une loi ou un règlement en vigueur (ou le refus d'accomplir un acte auquel la loi oblige).


Mais qu'est-ce qu'une " loi en vigueur " ? Notre époque a vu se multiplier les différents niveaux de lois : on en appelle par exemple d'une loi nationale à des Conventions internationales, voire à la Déclaration universelle des droits de l'Homme. Ou bien, dans les États fédéraux, d'une loi locale à la loi fédérale... Il arrive donc fréquemment que l'on justifie la désobéissance à une loi au nom de l'obéissance à une autre loi, estimée supérieure. Ce fut notamment le cas dans le Mouvement des droits civiques aux États-Unis : pour justifier ses violations des lois racistes de certains États du Sud, il s'appuyait sur les lois votées à Washington déclarant illégale la discrimination raciale. Ainsi la discrimination dans les mares routières avait-elle été interdite depuis longtemps par la loi fédérale lorsque commencèrent les " freedom rides ", ces voyages en bus dans les États racistes, au cours desquels les militants blancs et noirs utilisaient ensemble les installations des gares routières. Était-ce de la " désobéissance civile " ?


On en a beaucoup discuté aux États-Unis à l'époque. Certains estimaient que ces actions ne constituaient pas des transgressions de la loi, mais des manières de " faire appel " à la loi, en obligeant les tribunaux à trancher. Mais on peut aussi considérer la chose du point de vue de ceux qui prenaient le bus pour le sud : ils avaient beau savoir que leur acte n'était pas formellement une infraction et que leur droit serait reconnu tôt ou tard, ils étaient néanmoins confrontés dans l'immédiat à toutes les pénibles conséquences d'une infraction à une loi en vigueur : arrestations souvent brutales, amendes, emprisonnement...


On peut donc retenir, avec Burton Zwiebach, un critère plus pragmatique que juridique : " Pour déclarer qu'un acte est " désobéissant ", il importe peu de savoir que la règle sera probablement abrogée par l'autorité supérieure ou bien que l'on découvrira que l'autorité exigeant l'obéissance a agi en dehors des limites de son autorité. Du moment qu'une règle formellement valide ou une autorité publique formellement reconnue est désobéie par quelqu'un à l'intérieur des limites de sa juridiction apparente, l'acte est une désobéissance. "


Les différentes définitions qui ont été proposées de la désobéissance civile s'accordent généralement sur son caractère public (non secret), politique (non criminel), pacifique (non violent). Mais elles divergent sur la nécessité d'inclure ou non une référence aux motivations subjectives des acteurs et notamment à des motifs " de conscience ". C'est en fait le rapport de la désobéissance civile à une notion très voisine, celle d'" objection de conscience ", qui est ainsi posé.


Désobéissance civile et objection de conscience

L'expression " objection de conscience" apparaît pour la première fois, semble-t-il, en Angleterre vers la fin du XIXème siècle, à l'occasion d'un large débat d'opinion sur la vaccination obligatoire. Ce débat aboutit, en 1898, à une loi qui prévoit des exemptions pour ceux qui feraient état d'une " conscientious objection " à la vaccination de leurs enfants. L'expression fut reprise, et rarement vulgarisée, lors des débats ultérieurs sur le service militaire obligatoire. Aujourd'hui encore, on a tendance à réserver l'expression au domaine des obligations militaires, ce qui est une erreur historique et logique : il y a objection de conscience chaque fois qu'un individu refuse de se soumettre à une obligation légale pour des motifs de conscience, quelle que soit la nature de cette obligation.


La conviction que tout être humain a le droit - ou même le devoir - d'obéir à sa conscience plutôt qu'à l'autorité politique en cas de conflit entre les deux est ancienne : d'Antigone aux martyrs chrétiens, plusieurs exemples dans l'Antiquité rappellent qu'il ne s'agit pas là d'une conquête de l'individualisme moderne. Mais cette conviction fonde le droit à l'objection de conscience, non à la désobéissance civile. Elle dit à un individu, pris dans un conflit entre deux lois, qu'il doit obéir à la loi supérieure à ses yeux, fût-ce au prix de sa liberté ou de sa vie. Mais elle ne lui dit rien quant aux moyens par lesquels pourrait être modifiée ou abolie la loi qu'il estime " mauvaise ". Il faudrait en effet entrer alors dans de tout autres considérations, notamment politiques, tactiques, stratégiques, celles précisément que la désobéissance civile va prendre en compte.


Pour Antigone, le choix est simple : obéir à Créon ou aux Dieux. En désobéissant à la loi de Créon qu'elle estime impie, elle ne se donne pas pour but de changer cette loi. Sans doute le souhaiterait-elle, mais elle n'en a pas le pouvoir. Elle reste enfermée dans le dilemme tragique - elle en mourra - précisément parce qu'il n'est pas en son pouvoir d'en modifier les termes. Chercher à se donner ce pouvoir, ce serait entrer dans une problématique de désobéissance civile.


Le mot " conscience " renvoie d'abord à quelque chose d'individuel. Même si des milliers de personnes adoptent, vis-à-vis d'une loi donnée, une même attitude d'objection de conscience, ce n'est jamais que la conjonction de milliers d'attitudes individuelles. Certes, cela peut créer une force et même favoriser une éventuelle modification de la loi, mais comme par surcroît. " Fais ce que dois, advienne que pourra " : ainsi se résume la préoccupation de l'objecteur.


Dans la désobéissance civile, en revanche, la considération des effets de l'acte est essentielle. Bien sûr, les acteurs entendent ne rien faire qui soit contraire à leur conscience individuelle - et, en ce sens, la désobéissance civile n'est jamais pur pragmatisme - mais ils visent à obtenir des résultats pour d'autres qu'eux-mêmes. Leur préoccupation première n'est pas de mettre leur conscience en paix résolvant ainsi le problème pour eux-mêmes - mais de modifier une loi ou une politique pour toute la cité. C'est d'ailleurs ce projet qui, dans une société démocratique, rend la légitimité d'une désobéissance civile beaucoup plus problématique que celle d'une objection de conscience.


Pour obtenir des résultats, il faut s'organiser, se donner des objectifs réalistes, analyser la situation, créer un rapport de forces. Les diverses actions de désobéissance civile mises en oeuvre dans la lutte du Larzac restent à cet égard exemplaires. Il ne suffisait pas aux paysans de savoir qu'ils avaient moralement raison de construire une bergerie sans permis ou de renvoyer leurs papiers militaires il fallait aussi que ces actions illégales contribuent à renforcer leurs positions sur le terrain et dans l'opinion publique.


La notion de " rapport de forces " est donc essentielle dans la désobéissance civile, alors qu'elle est totalement étrangère à l'objecteur de conscience. Très souvent, ce rapport de forces est créé par le nombre des " désobéissants " qui se coordonnent dans une action collective. Les simples moyens de répression peuvent être parfois paralysés. Un des objectifs fréquents des campagnes de désobéissance civile de Gandhi était de " remplir les prisons ". Les campagnes de refus concerté de l'impôt s'appuient sur la même analyse : un refuseur isolé, c'est une protestation morale. Dix mille refuseurs, c'est une menace de désorganisation des systèmes de perception, menace dont tout Gouvernement doit tenir compte.


Le critère du nombre n'est cependant pas absolu. Des objecteurs en grand nombre peuvent très bien n'exercer aucune pression : si la loi prévoit pour eux une exception, ils peuvent se tenir satisfaits. Ce qui leur importe en effet, ce n'est pas que la loi soit meilleure pour tous, mais qu'elle ne les contraigne pas, eux, à agir mal. Bien des sectes religieuses ont des objections de conscience de ce type... Inversement, un petit nombre de personnalités connues et respectées peuvent exercer une forte pression par une désobéissance civile. Ainsi, en 1998, en France, des artistes ont fait savoir qu'ils désobéiraient à une loi sur les expulsions d'étrangers en hébergeant chez eux des personnes expulsables.


Désobéissance directe et indirecte
Quand des personnes décident de commettre des actes considérés comme illégaux, c'est parce qu'à leurs yeux ces actes sont " légitimes " en fonction d'une autre loi (ou d'une loi d'un autre ordre : moral, religieux). Une telle décision exige de fortes motivations personnelles, lesquelles se fondent nécessairement, en dernière analyse, sur des convictions profondes d'ordre éthique, qui sont bien du même ordre que celles qui inspirent une " objection de conscience ". Mais si la mention de ces convictions ne doit pas entrer dans la définition même de la désobéissance civile, c'est parce qu'il n'y a pas de lien direct et immédiat entre les motivations éthiques et l'action choisie. Il y a toujours la médiation d'une analyse des possibles, d'une stratégie, d'une évaluation des conséquences. En somme, il y a calcul.


C'est pourquoi la désobéissance civile est très souvent indirecte : alors que la désobéissance civile directe consiste à enfreindre la loi que l'on veut voir modifier (exemple : pour les " freedom rides ", la loi de ségrégation dans les gares routières), celle qui est indirecte consiste à enfreindre une autre loi, choisie pour des raisons tactiques, mais que l'on ne conteste pas en elle-même. Ainsi, lorsque des citoyens et des élus du Finistère, en 1980, sont allés perturber la circulation ferroviaire en s'asseyant sur la voie ferrée pour obtenir que la SNCF rétablisse certains arrêts de trains, ils ne demandaient pas à la SNCF de modifier le règlement qui interdit l'entrave à la circulation des trains ! Leur acte collectif illégal visait à faire pression sur un autre point : la politique de desserte ferroviaire des petites localités. De même, ceux qui ont occupé des locaux diplomatiques (américains pendant la guerre du Vietnam, espagnols au moment d'exécutions d'opposants par Franco) ne protestaient pas contre la loi qui interdit qu'on occupe ce genre de locaux, mais contre la politique des pays concernés. Quoi qu'on puisse penser de l'efficacité et de la légitimité de ce genre d'actions, on ne peut manquer d'en percevoir la différence de nature avec la désobéissance d'Antigone.


Le martyr et le stratège

Il ne faut pas chercher à hiérarchiser objection de conscience et désobéissance civile. Elles ne se jugent pas en fonction des mêmes critères. Il est des circonstances où le critère d'efficacité n'est pas pertinent : l'objection de conscience peut alors rester le dernier témoignage d'une liberté écrasée. Ce fut le choix de Franz Jagerstatter, cet admirable paysan autrichien, qui ne put opposer à la machine hitlérienne que son refus obstiné de porter les armes à son service, et qui mourut décapité. Un esprit " tactique " lui aurait conseillé de se soumettre, faisant valoir qu'un soldat humain et non-violent pourrait " limiter le mal " au cours de certaines opérations. Il préféra le refus radical, jusqu'à l'échafaud. Mort totalement inutile selon les critères d'efficacité. Mais qui peut dire que son choix était " supérieur " ou " inférieur " à celui des hommes qui cherchèrent à assassiner Hitler, ou à celui des populations norvégiennes qui affaiblirent l'occupant par une stratégie concertée de désobéissance civile ?


Chaque situation appelle des choix différents. Personne n'a la garantie de faire toujours le bon choix. Mais analysons chacun pour ce qu'il est. Évitons notamment d'interpréter les actions de désobéissance civile en termes d'objection de conscience. Parler de " gestes prophétiques " ou de " courageux témoignages " à propos d'actes de désobéissance civile, c'est ramener au registre "moral" ce qui doit être jugé d'un point de vue politique.


Certaines objections de conscience, dans la mesure où elles ne se donnent pas d'objectifs politiques et ne risquent pas d'être contagieuses, peuvent être assez bien tolérées par les pouvoirs politiques, du moins par ceux qu'une idéologie totalitaire ne pousse pas à chercher le contrôle absolu sur les individus. C'est ainsi que, dans les pays démocratiques, certaines législations touchant des problèmes éthiques (avortement, entraînement au port d'armes) comportent des " clauses de conscience ". Il est alors possible de faire valoir légalement une objection de conscience. Ce fait illustre bien la distinction avec la désobéissance civile : l'idée même d'une reconnaissance légale de la désobéissance civile serait une contradiction dans les termes. Si la désobéissance civile est parfois légitime (ce qui est à discuter cas par cas, et de façon très restrictive dans les régimes démocratiques), elle ne saurait être légale au sens du droit positif.


En pratique, une distinction moins nette
Cette distinction à établir entre les notions de désobéissance civile et d'objection de conscience est évidemment moins nette dans la pratique : très souvent une objection de conscience évolue en désobéissance civile, notamment quand on réalise qu'il est peu satisfaisant, y compris d'un point de vue éthique, de s'en tenir à une démarche individualiste. De fait, si je suis vraiment convaincu (au nom d'une éthique qui est mienne mais que je pense universelle) que telle loi ou telle politique est "injuste" est-ce que j'agis moralement en cherchant seulement à dégager ma responsabilité personnelle ? Ne dois-je pas viser à modifier cette loi ou cette politique, même au prix de compromis, de retards, d'alliances avec des forces qui ont d'autres motivations éthiques ?


Inversement, la plupart des personnes qui se sont engagées dans une action collective de désobéissance civile sont disposées, en cas d'échec de leur campagne, à poursuivre au moins une objection individuelle, par principe moral, à la loi ou à la politique qu'elles n'ont pu changer. Distinctes en théorie, objection de conscience et désobéissance civile sont donc fréquemment associées en pratique, ce qui explique que la confusion persiste dans les esprits.


Essai de définition

Au terme de ces réflexions, il est possible de proposer une définition de la notion de désobéissance civile, ne serait-ce que pour la soumettre à une plus large discussion : la désobéissance civile est une forme d'action non-violente par laquelle des citoyens, ouvertement et délibérément, transgressent de manière concertée une (ou plusieurs) loi (décret, règlement, ordre émanant d'une autorité légale) en vigueur, dans le but d'exercer soit directement soit indirectement (par l'appel à l'opinion publique) une pression sur le législateur ou sur le pouvoir politique, pression visant soit la modification de la loi transgressée soit la modification d'une décision politique, soit même - très exceptionnellement - le renversement de ce pouvoir.


Danger pour la démocratie ?
Brûlante est la question de la légitimité de la désobéissance civile dans une démocratie. Dans un régime non démocratique, en effet, il n'y a guère à hésiter : non seulement la désobéissance civile est légitime, mais elle constitue souvent le seul moyen non-violent permettant de s'opposer à de tels régimes ou au moins d'en limiter la nocivité. Mais lorsque les lois sont votées par une majorité élue sans fraude et sans intimidation, lorsque les politiques sont définies par un Gouvernement émanant d'un suffrage universel, peut-on admettre que des citoyens - même avec les motivations éthiques les plus respectables qui soient - organisent des actions illégales en vue de modifier les lois et politiques qu'ils réprouvent ? Si tout le monde en faisait autant, où irait-on ?


A priori, il semble donc que la plus grande prudence s'impose avant de légitimer la désobéissance civile dans une démocratie. Ce ne pourra jamais être qu'à titre d'exception. D'après la plupart des auteurs de philosophie politique qui ont traité la question (notamment Hannah Arendt, John Rawls et Jürgen Habermas), de telles exceptions existent pourtant. Elles s'appuient sur deux constats :
- La démocratie, ce n'est pas seulement le respect du vote majoritaire : c'est aussi le respect de l'État de droit et de quelques principes fondamentaux. Car, contrairement à ce qu'affirmait une formule devenue célèbre, on n'a pas "... juridiquement tort " du seul fait que l'on est " politiquement minoritaire " ! Même une majorité régulièrement élue ne saurait légitimement adopter une disposition contraire à la Déclaration des droits de l'Homme, aux grands principes constitutionnels, aux conventions internationales signées par la France, etc. Certaines formes de désobéissance civile peuvent donc se justifier, contre la décision prise à un niveau, comme une sorte de procédure d'appel à un niveau supérieur de légalité.


- Aucun régime n'est parfaitement démocratique. On sait bien que certaines décisions, prises par des élus dans les formes apparemment légales, résultent en fait de jeux d'influences occultes qui n'ont rien à voir avec l'intérêt général : corruption, lobbies manipulateurs, décisions "technocratiques" (les experts profitant de la démission ou de l'incompétence des élus), etc. C'est dans ces failles de la démocratie que peut s'insérer une certaine justification de la désobéissance civile, notamment quand il s'agit de décisions aux effets graves et irréversibles. Des citoyens, par des actes de désobéissance civile, estiment de leur devoir de faire une sorte d'appel à l'opinion publique, sans attendre les prochaines élections. Loin d'être l'apologie anarchisante du " chacun sa loi ", une telle désobéissance civile est alors un moyen pédagogique, limité dans le temps et dans son objet, visant à susciter un débat public sur une question grave et urgente. Loin de contester la démocratie, elle vise à la défendre en la protégeant de ses propres dysfonctionnements.




vendredi 24 février 2017

Divers Questions-Qu’est–ce que l’anarchisme ?


Qu’est–ce que l’anarchisme ?
Définir l’anarchisme est une tâche des plus délicates. Nous avons affaire à un phénomène complexe dont les expressions historiques, tant au niveau de la pensée que de l’action, sont multiples. Malheureusement, la plupart des définitions, même celles élaborées par des commentateurs sympathisants, sont simplistes et n’arrivent pas à embrasser l’ensemble de ses caractéristiques.


Dans presque tous les ouvrages que j’ai lus sur le sujet, l’anarchisme est défini de façon négative, c’est-à-dire par ce à quoi il s’oppose. En se basant sur la racine grecque du mot (anarkhia, absence de chef), on présente l’anarchie comme « l’absence de gouvernement » et l’anarchisme comme « l’idée qu’une société peut et doit s’organiser sans gouvernement ». Le problème avec ses « définitions »… c’est qu’elles n’en sont tout simplement pas. Une définition, si je me base sur mon Larousse, est une « énonciation de ce qu’est une chose, de ses caractères essentiels, de ses qualités propres ». Si je dis qu’une pomme n’est pas un animal, personne n’osera dire que j’ai énoncé les caractères essentiels de ce phénomène !
Une définition adéquate de l’anarchisme ne doit pas se limiter à son aspect «critique» mais également en exposer le projet de société ainsi que les moyens de changement social. De plus, il est essentiel d’expliquer les bases philosophiques de l’anarchisme, en particulier sa conception de la liberté et de la nature humaine.


Voici donc ma définition personnelle de l’anarchisme. Comme vous le constaterez, elle comporte quatre parties, qui seront expliquées en détail dans le texte qui suit.
ANARCHISME. n.m. Philosophie politique qui, à partir d’une définition tripartite de la liberté et d’une conception spécifique de la nature humaine, offre une critique radicale des liens de domination hiérarchiques, un projet de société antiautoritaire et une stratégie de changement social basé sur l’action directe.


La Liberté
Tout comme les libéraux, les anarchistes ont une conception « négative » de la liberté, c’est-à dire que la liberté est l’absence de contraintes. L’individu libre est celui qui n’est pas soumis à des contraintes extérieures à lui-même.
A cette conception négative s’ajoute une conception « positive » de la liberté. Tous les anarchistes considèrent que la liberté est également une potentialité, la possibilité pour l’individu de se réaliser et d’atteindre son plein potentiel.
Enfin, les anarchistes ont une conception « sociale » de la liberté, qui a pour conséquence de lier de façon indissociable la liberté et l’égalité. En effet, l’anarchisme postule que l’individu ne peut être totalement libre qu’au sein d’une société composée d’individus libres. Ainsi, pour Bakounine, « l’homme n’est réellement libre qu’autant que sa liberté, librement reconnue est représentée comme par un miroir par la conscience libre de tous les autres, trouve la confirmation de son extension à l’infini dans leur liberté. L’homme n’est vraiment libre que parmi d’autres hommes également libres ; et comme il n’est libre qu’à titre humain, l’esclavage d’un seul homme sur la terre, étant une offense contre le principe même de l’humanité, est une négation de la liberté de tous. » (Catéchisme révolutionnaire)


Une critique de la société actuelle
Toutes les variantes de l’anarchisme ont en commun une critique des sociétés contemporaines qui se base sur des principes antiautoritaires découlant de leur conception de la liberté.


Les anarchistes contestent tous les rapports de domination hiérarchique, de quelque nature qu’ils soient (oppression de classe, de race, de sexe, d’orientation sexuelle, domination de la nature, etc.). La critique anarchiste s’étend à toutes les institutions oppressives, église, armée, police, etc., et en tout premier lieu l’Etat, qu’ils considèrent comme l’institution suprême de domination.


L’étendue de cette critique est d’ailleurs un des facteurs qui distingue l’anarchisme du marxisme. Comme l’a fait remarquer Henri Arvon, l’anarchisme conteste l’oppression autant que l’exploitation, l’autorité autant que la propriété et l’Etat autant que le capitalisme. Ceci explique pourquoi plusieurs écologistes, féministes, pacifistes, syndicalistes et militants pour les droits de la personne sont attirés par l’anarchisme.


Un projet de société libertaire
Est anarchiste toute idéologie dont le projet de société, appelé « anarchie », est déterminé par cette conception de la liberté. Ce projet varie selon les types d’anarchisme, mais la plupart prescrivent des structures de sociales non-hiérarchiques, radicalement démocratique et décentralisées.


Pour les individualistes, la société n’est pas un organisme mais une simple collection d’individus autonomes. Pour satisfaire son intérêt personnel, l’individu peut s’unir aux autres et s’associer, mais cette association ne reste qu’un moyen pour servir sa fin.


Les anarcho-syndicalistes sont les héritiers du collectivisme de Bakounine. Selon leur vision de la société anarchiste, les syndicats exproprient le capital et chaque groupe de travailleurs disposent de ses propres moyens de production. La répartition des produits et des services est alors l’objet d’une décision collective.
Finalement, les anarcho-communistes (ou communistes libertaires, ou communistes anarchistes) prévoient l’établissement de communautés (communes) autogérées où tous travailleraient selon leurs capacités et tous consommeraient selon leurs besoins. Ces communautés sont fédérées pour exécuter en coordination des projets les concernant.


La nature humaine
Les anarchistes ont aussi en commun une perception de la nature humaine qui justifie la viabilité d’une telle société libertaire.


Cette perception n’est toutefois pas la même chez tous les anarchistes. Par exemple, Kropotkine considérait que l’instinct de coopération d’aide mutuelle prédominait chez toutes les espèces animales et trouvait son incarnation parfaite chez l’humain. Mais la plupart des anarchistes ont plutôt développé une conception existentialiste de la nature humaine, estimant que les comportements humains s’adaptent aux structures et aux normes sociales.


Quoi qu’il en soit, tous sont parfois d’accord pour dire que l’humanité a la capacité de vivre et de se développer sans être soumise à des institutions hiérarchiques et répressives.


Une stratégie de changement
Enfin, les anarchistes ont en commun d’offrir une stratégie de changement révolutionnaire impliquant l’institution immédiate de l’anarchie. Ils s’opposent tous aux stratégies autoritaires (dictature du prolétariat) ainsi qu’à la formation de partis hiérarchisés, et sont généralement abstentionnistes lors des élections. Les anarchistes croient en la spontanéité révolutionnaire et préconisent l’action directe, qui peut prendre plusieurs formes.


C’est au sujet des stratégies de changement que les anarchistes sont le plus partagés. Par exemple, certains ont préconisé, principalement lors des deux dernières décennies du XIXe siècle , une forme de terrorisme appelée « propagande par le fait ». Mais après une vague d’attentats individuels qui n’ont mené qu’au rejet populaire de l’anarchisme et à un regain de répression, cette stratégie a été abandonnée par les anarchistes. Les anarcho-communistes insistent quant à eux sur l’action communautaire, sur la formation d’institutions libertaires sur une base locale qui pourront renverser et remplacer l’ordre capitaliste et étatique. Les anarcho-syndicalistes axent leur stratégie sur le syndicat, qui est conçu comme l’embryon de la société nouvelle ; ils préconisent des formes d’action directe comme le sabotage, le boycott, la grève partielle et la grève générale révolutionnaire. Les anarcho-pacifistes insistent quant à eux sur l’action directe non-violente et sur la désobéissance civile comme moyen de renverser l’ordre hiérarchique oppressif.
Bien que les anarchistes soient révolutionnaires et spontanéistes, il ne faut pas croire pour autant qu’ils rejettent les formes de lutte partielles et quotidiennes. Au contraire, des anarchistes comme Elisée Reclus considèrent qu’évolution et révolution font partie d’un même processus et que chaque action peut être efficace si elle est conforme aux principes anti-autoritaires. Les anarchistes considèrent également l’éducation comme étant un des principaux moyens d’accéder à la société libertaire.


Il est toutefois à noter qu’une minorité importante d’anarchistes n’est pas révolutionnaire. En effet, la plupart des individualistes anarchistes considèrent que les « rêves de grands soirs » sont eux-mêmes potentiellement répressifs et estiment que c’est à l’individu de se libérer en rejetant lui-même la société dominatrice. Pour beaucoup d’individualistes, être anarchistes signifie être « en dehors » et vivre selon ses propres principes, en refusant de collaborer aux institutions oppressives. Cette attitude, particulièrement répandue chez les individualistes français du début du siècle, a mené certains anarchistes (comme Georges Palante) vers une forme d’individualisme aristocratique, d’inspiration nietzschéenne.




mardi 21 février 2017

Billets-Poutine, le Terrible


Poutine, le Terrible

Il faut avoir rencontré Vladimir Poutine pour prendre la mesure du personnage. Ayant eu ce privilège, pour la première fois et la seule, un homme d’État m’a inspiré une véritable peur physique. La mise en scène de Poutine par lui-même a sans doute contribué à ma frayeur, mais la théâtralisation du personnage révèle sa nature et ses intentions. On sait, par les médias, que le Président russe cultive son corps, à force de gymnastique et de chirurgie esthétique : le résultat n’en est pas moins troublant, il en exsude des vibrations négatives qui font reculer d’instinct.

On connaît moins la mise en scène qui accompagne l’arrivée de Poutine : en retard, toujours, et son départ, en avance toujours, et impromptu. Une cohorte le précède, sélection de grandes jeunes femmes blondes et stéréotypées dont on devine la préparation militaire dissimulée derrière des allures de vamps. Suit une cohorte de gardes du corps plus classiques mais sélectionnés sur des critères inspirés de quelque production hollywoodienne. Le regard de Poutine est froid, l’œil presque vitreux. Il ne regarde pas son interlocuteur, ni ne lui parle vraiment : il s’adresse à une assemblée imaginaire, située en-delà du public réellement présent. Et Poutine parle, parle, enivré par son propre discours. Puis s’éclipse, sans courtoisie. Staline au moins prenait le temps de trinquer avec ses convives.

On devine que le comportement de Poutine au Kremlin ne saurait être différent de la scène ici relatée a Paris. Poutine nous laissa effarés ou inquiets : si nous étions russes et à Moscou, nous aurions été terrifiés.

De cette mise en scène de Poutine par lui-même devrait-on en tirer quelque enseignement sur ses projets en Russie et en dehors ? Il me semble que oui parce que les pièces sur l’échiquier se mettent progressivement en place : elles dessinent une stratégie, relativement récente, mais sans doute définitive si nul ne s’y oppose. Une opposition qui ne saurait provenir que de l’extérieur puisque à l’intérieur, toute résistance a été achetée ou anéantie. Stratégie récente, parce que Poutine Premier, de 2000 à 2008, avant son retour à la  Présidence en 2012, parut tenté par l’État de droit, un respect minimum pour la Constitution et pour ses concitoyens : les profits inouïs du gaz, du pétrole et des matières premières autorisèrent Poutine Premier à améliorer le confort des Russes et d’envisager une modernisation économique. Mais les ressources se sont taries et rien n’a été investi dans cette modernisation d’un pays qui, en dehors de la façade moscovite, se délabre.

Poutine Second s’est donc réincarné en tyran slavophile, figure connue de l’histoire russe. Pour s’inscrire dans cette histoire et rester au pouvoir, Poutine a choisi la guerre. Non pas une guerre impériale de type soviétique, car le Poutinisme n’est pas une idéologie universaliste : le Poutinisme slavophile qui exalte la différence et la supériorité russe sur les Européens veules et corruptibles (ce qui n’est pas forcément mal vu) ne vaut que pour les Russes. La guerre, directe ou par procuration, ne vise pas à restaurer les frontières de l’Union soviétique, mais celles d’un soi-disant espace russophone. L’annexion de la Crimée et de l’Ukraine orientale, et de la Transdniestrie en perspective, tend à reconstituer cet espace mythique. Cet espace peut aisément être dessiné en englobant les communautés russophones, une diaspora linguistique dispersée sur les marches de feu l’Empire, comme au Kazakhstan et dans les Pays baltes. On comprend l’angoisse des Lettons, sachant que les Russophones sont majoritaires à Riga et ne bénéficient pas des mêmes droits que les Lettons de souche : il faut, par exemple, parler le letton, ou l’estonien en Estonie, pour accéder à la fonction publique. Ce qui autorise Poutine, mêlant les époques et les circonstances, à invoquer la sécession du Kosovo, le référendum écossais, voire le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, tel qu’il apparut (souvent contre l’Empire russe) au XIXe siècle et, au XXe siècle, dans la rhétorique de la décolonisation.

Bien des mouvements nationalistes en Europe sont en sympathie avec ce retour au sang, au sol, à la terre. Poutine compte quelques alliés idéologiques en Occident sans négliger les entreprises capitalistes prêtes, comme le disait Lénine en 1919, « à vendre la corde pour les pendre ». Face à cette machine de guerre désormais en action, la résistance occidentale est anémique. On entend bien, chez Angela Merkel en particulier, que Poutine II remet en cause l’ordre international, fondé sur le droit et non pas sur la race. N’est-ce pas un discours abstrait à l’usage des peuples pas forcément lecteurs assidus de la Charte des Nations Unies ? Et l’Occident – en dehors des Américains post Obama peut-être – étant devenu pacifiste, se réfugie derrière des sanctions appliquées mollement et trahies allègrement, par les entreprises pétrolières, entre autres. Pas de quoi arrêter Poutine : donc Poutine ira jusqu’au terme de son ambition.

Mikhaïl Gorbatchev, commémorant il y a peu (avec quelque regret sans doute) la disparition du Mur de Berlin, exprimait sa crainte d’un retour à la Guerre Froide. Pourquoi Froide ? On meurt chaque jour à Donetsk : les tirs et bombardements sont réels. Et comme l’observait Soljenitsyne, les victimes ultimes des tyrans russes, en tout temps, seront toujours les Russes. Aider vraiment les Russes exigerait d’arrêter Poutine II, maintenant.



Source contrepoints.org Par Guy Sorman

samedi 18 février 2017

Billets-Macron, objet politique non identifiable


Macron, objet politique non identifiable

Emmanuel Macron entraîne son public – j’allais écrire ses ouailles – dans un monde qui n’est plus politique mais quasiment christique avec un processus qui n’est pas sans rappeler celui de Ségolène Royal.

Depuis des mois j’attends avec une impatience de plus en vive qu’Emmanuel Macron veuille bien m’accorder cet entretien dont à intervalles réguliers, avec amabilité, il me laisse espérer la venue. Sans être naïf, je le crois.

Alors que l’élection présidentielle offrira l’opportunité de favoriser un changement politique, pour Emmanuel Macron elle procurera l’occasion du dévoilement d’un mystère.

Quelque chose surgira au mois de mai qui donnera une réponse aux doutes, aux interrogations, aux suspicions, ou confirmera, avec le premier tour et peut-être la victoire, le caractère irrésistible d’un élan qui n’est pas né depuis peu.

Emmanuel Macron fait partie de ces rares personnalités qui peuvent donner l’impression à ceux qu’il intéresse ou plus, fascine, qu’ils ont à la fois le droit de concéder à la politique classique et de se pencher sur le destin, déjà exceptionnel par sa fulgurance, de cet objet politique non identifiable (OPNI). Comme si les deux démarches relevaient de registres différents et que le citoyen et l’observateur, duo dont je raffole, trouvaient leur compte avec l’ordinaire de la politique et avec l’extraordinaire Macron.
Une manière inédite de faire de la politique
J’ai d’abord par paresse appliqué une grille banale à l’analyse des avancées d’Emmanuel Macron parce qu’elles paraissaient s’inscrire dans une politique vieille comme le monde : celle qui prétend ne pas en faire et bouscule le jeu en façade, mais pour mieux récolter les fruits traditionnels du pouvoir et assouvir une ambition somme toute guère originale.

Mais, très vite, cette perception, cette réduction d’une forme d’inconnu à un connu rassurant et maîtrisable ont montré leurs limites. Depuis plusieurs mois, l’histoire qui se fait jour entre En Marche et son chef d’un côté, et de l’autre, la multitude qui vient l’applaudir révèle une relation qui a dépassé la tonalité collective du meeting pour aborder des rivages peu usités en démocratie.
Emmanuel Macron n’est pas un tribun politique et il s’en moque. Quand il s’époumone et crie à la fin d’un discours, ce n’est pas pour singer une puissance de parole qu’il n’a pas. Il sait qu’il ne dispose pas de cette aptitude et un Mélenchon, qui est un véritable orateur, ne terminerait jamais son intervention sur un mode aussi paroxystique, précisément parce qu’il n’en a pas besoin, exerçant tout au long l’art du verbe dans sa plénitude.
Le phénomène Macron
Il n’empêche qu’Emmanuel Macron – rassemblant autour de lui grâce à une empathie, une aura infiniment plus convaincantes qu’une expression orale qui manquerait de force, diffusant séduction, compassion et communion, se prêtant, avec une incarnation ostensible, de sa gestuelle à son air inspiré, au besoin qu’éprouve chacun de s’identifier à lui – ouvre ainsi des chemins adaptés à son tempérament et se garde bien de battre en brèche le consensuel généreux et évident qu’on attend de lui.

Car il a compris les faiblesses du politique et, de fait, pour l’instant, dans le clair-obscur, il privilégie l’obscur. Attendons de voir si, comme il s’y engage, au mois de février le clair d’un projet sera soumis à ses concitoyens.

Sans abuser des mots, Emmanuel Macron, en totale lucidité et avec une habileté sans pareille, entraîne son public – j’allais écrire ses ouailles – dans un monde qui n’est plus politique mais quasiment christique avec un processus qui n’est pas sans rappeler celui de Ségolène Royal. Avec toutefois une double différence capitale.

Macron est infiniment plus doué, plus structuré et plus subtil qu’elle et, surtout, il n’est pas combattu par des forces centrifuges qui viseraient à le marginaliser. Il est au contraire poussé par des vents favorables qui rapprochent de plus en plus de lui.

Cette volonté de négliger l’univoque sommaire du partisan au profit d’une équivoque imprégnée d’un halo étrange – comme si un gourou avait pris la place du Emmanuel Macron d’avant qui avait déjà des forces certes mais des faiblesses aussi qui ne le distinguaient pas forcément – a tout changé.

Maintenant on suit une lumière, on fond pour une personnalité et les idées qui clivent, on les laisse à la porte ! On ne regarde plus le chemin mais celui qui marche.

Beaucoup qui étaient dégoûtés par la politique ou qu’elle laissait indifférents sont revenus dans ce giron atypique. À cause de cette singularité si remarquablement travaillée, Emmanuel Macron plonge la classe politique dans une angoissante perplexité. Comment saisir ce qui se trouve vraiment ailleurs, comment opposer au sacré républicain d’un mysticisme novateur le profane d’argumentations trop réelles et si peu élevées ?

Pour l’instant Emmanuel Macron entraîne à sa suite, avec une flûte brillamment magique, une cohorte dont une part se persuade qu’elle a avec lui le Messie dont la France a besoin et une autre, sans illusion, emplie de socialistes, qui le choisit parce qu’elle n’a plus rien à perdre. Sauf le socialisme démonétisé et déjà ridiculisé par le quinquennat de François Hollande.

Plus que quelques mois.
Emmanuel Macron demeurera-t-il un OPNI ou le fera-t-on retomber sur terre avec la vulgarité quotidienne de débats médiocres, avec l’obligation de quitter l’ange pour la bête ? Le futur, le nôtre et le sien, sera passionnant.

Source contrepoints.org
Photo By: OFFICIAL LEWEB PHOTOS – CC BY 2.0
Par Philippe Bilger.


Président de l'Institut de la parole, aujourd'hui magistrat honoraire, Philippe Bilger a exercé pendant plus de vingt ans la fonction d'avocat général à la cour d'assises de Paris. Il anime le site Justice au singulier.

Billets-Emmanuel Macron, ce faux rebelle


Emmanuel Macron, ce faux rebelle

Que la droite se rassure, ce n’est pas Macron qui la mettra vraiment en danger. Pour le PS en revanche qui est en train de se choisir un leader grâce à la primaire, c’est une autre histoire…

Ils ont beau faire mine de dédaigner les sondages, la fièvre commence à monter chez les dignitaires socialistes, frontistes et républicains à propos de Macron.

Depuis le fameux roman du prince de Lampedusa, nul n’ignore en effet qu’en politique : « Il faut que tout change pour que rien ne change » ; bref que le discours prétendument révolutionnaire, l’invocation du Grand soir, sont les meilleurs instruments des oligarchies pour se perpétuer en faisant croire au peuple que son destin va prendre un nouveau cours.

Macron est la parfaite illustration de ce principe. Il se gargarise des mots de progressisme, de changement ou de révolution comme s’il s’agissait d’un bain de bouche. Et cela semble mordre, on évoque même sa possible élection à la présidence de la République dans un deuxième tour face à François Fillon.

Bien sûr Macron n’est que le nouvel homme-sandwich de la caste qui plombe la France depuis quarante ans. Il n’entend s’attaquer à aucun des trois maux qui nous minent : le corporatisme – notamment celui des grands corps de l’État -, l’islamisme réactionnaire et la captation de notre souveraineté par une technostructure européenne qui nous tient par la dette.
Réflexes nobiliaires de Macron
Rejeton de l’Inspection des finances, il en a les réflexes nobiliaires. Capitulard face aux islamistes, il ne veut surtout pas s’en prendre à la prolifération des accoutrements bigots, symbole de leur avancée dans l’espace public. Pro-Européen bêlant, il n’envisage que de renforcer les pouvoirs de ces institutions hors-sol. Là où François Hollande s’accommodait cyniquement de ces forces, Macron s’en fait le serviteur zélé. Il faut l’entendre saluer la politique migratoire de Merkel pour comprendre où l’amènent ses vraies alliances.

Hormis la référence à des principes aussi généreux que vagues et un jeunisme de magazine, le projet de Macron se résume à des esquives ou des flatteries électoralistes. Prenons l’exemple de ce qu’il présente, gauchisant soudain son discours, comme sa défense de la politique de santé, menacée par une droite croquemitaine.

Macron, qui se prétend soucieux de contenir les dépenses publiques, n’y va pas de main morte : remboursement intégral des soins et appareillages dentaires, auditifs et opticiens d’ici 2022, prise en charge du traitement de la tension artérielle, création d’un service sanitaire où tous les étudiants dans le domaine médical officieraient au moins trois mois en province, doublement du nombre des maisons de santé en cinq ans, etc. Face à ces très lourdes dépenses, la seule économie envisagée est la vente au détail des médicaments, une goutte d’eau difficile à extraire de la fiole des laboratoires. Bref, une démagogie tout à fait ordinaire.
Bienveillance médiatique envers Macron
Reste que la très grande majorité des organes de presse commentent le moindre de ses déplacements avec bienveillance. Reste aussi que, dans le naufrage du PS, l’hypothèse que son radeau puisse recueillir les désespérés du socialisme prend corps peu à peu.
Alors, faut-il craindre le grand méchant Macron ? Va-t-il réussir un hold-up politique façon Trump, transformer le trou de souris en boulevard ?

Hé bien rassurez-vous, tout cela se terminera très probablement par l’atomisation de la gauche sans que les dégâts de la bombinette Macron ne touchent les autres partis. Pourquoi ?
S’emparer du pouvoir en construisant une candidature hors-système nécessite que le discours tenu soit réellement celui d’une rupture radicale, à la manière de Trump justement ou naguère de Fujimori au Pérou. Macron ne pourrait trouver, dans la durée, le carburant pour son moteur politique que s’il tenait des propos tranchants, en dissidence frontale avec le système aujourd’hui dominant.
Expliquer son programme aux Français
Il faudrait par exemple qu’il explique aux Français qu’il va interdire la charia, sortir de l’euro, supprimer le statut de la fonction publique, tirer les élus au sort ou, au contraire, proposer la fusion de la France et de l’Allemagne, ouvrir les frontières à toutes les migrations ou interdire à l’État de subventionner la presse ou le monde culturel en privatisant France Télévisions.
Scandales, controverses, éructations… et peut-être victoire au bout d’un parcours chaotique accompagneraient ces annonces. Bien sûr Macron ne le fera pas car n’importe laquelle de ces mesures effraierait ses électeurs potentiels. Son succès sondagier tient à son ambiguïté, il parle de réforme sans rien dire de gênant pour quiconque.

Malgré quelques meetings à l’audience en réalité peu significative, il plait surtout, dans les études d’opinion, à ceux qui ne se mobilisent pas, que les élections ennuient. Le grand écart, même dans un habit de danseur, ne permet que l’immobilité. L’attrape-tout ne retient rien. Il finira donc par prendre des coups sans pouvoir répliquer. Et, s’il le fait, son image de gentil garçon sera immédiatement altérée.

Bref, que la droite se rassure, ce n’est pas Macron qui la mettra vraiment en danger. Pour le PS en revanche, c’est une autre histoire …

Source contrepoints.org
Photo By: OFFICIAL LEWEB PHOTOS – CC BY 2.0
Par Serge Federbusch.

Serge Federbusch est président du Parti des Libertés, élu conseiller du 10 ème arrondissement de Paris en 2008 et fondateur de Delanopolis, premier site indépendant d'informations en ligne sur l'actualité politique parisienne. Serge Federbusch a été successivement conseiller commercial en Asie, conseiller du maire du Paris pour l'urbanisme et les transports, directeur général de la Société d'économie mixte du Centre de Paris (Halles). Il est diplômé de l'IEP de Paris, Maître en droit public, titulaire d'un DEA d'Histoire et ancien élève de l'ENA.